Évolutions divergentes du traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales

Une étude de l’Institut des politiques publiques, s’appuyant sur des donnés inédites, montre que le traitement judiciaire des violences sexuelles d’une part, conjugales de l’autre, tend à diverger depuis 2017. 

Comme la grande majorité des infractions pénales traitées par la justice, toutes deux sont caractérisées par un faible taux de poursuite. Toutefois, ce taux de poursuite a augmenté ces dernières années pour les violences conjugales (67% des affaires classées sans suite en 2020, contre 76% en 2016). Une évolution que l’étude explique par les différentes mesures prises dans le sillage du Grenelle des violences conjugales et plus largement par l’évolution globale de la société, toutes entraînant un changement de comportement des magistrats (et sans doute de l’ensemble de la chaine judiciaire). Il est également relevé un quasi doublement de la durée des peines d’emprisonnement prononcées à l’encontre des auteurs de ces violences, qui s’expliquerait par un recours accru aux procédures rapides (les auteurs de violences sexuelles écopant toutefois de peines plus lourdes que pour les autres atteintes à la personne).

À l’inverse, le taux de classement sans suite "n’a de cesse d’augmenter" pour les affaires de violences sexuelles (pour les viols, 94% en 2020, contre 86% en 2016). Cette tendance qui pourrait s’expliquer, selon l’étude, par une hausse des signalements anciens – dans le cadre de la libération de la parole portée par le mouvement #MeToo –, "plus difficiles à prouver et donc à poursuivre". Ou encore, compte tenu d’une "augmentation du nombre d’affaires n’ayant pas été suivie d’une augmentation proportionnelle des moyens humains et financiers donnés à la justice", par l’éventuel "choix des parquets de privilégier les affaires pour lesquelles des preuves ont permis d’étayer l’infraction, ce qui est plus souvent le cas dans les affaires de violences conjugales".

Dans les deux cas, l’étude note néanmoins que la plupart des affaires sont principalement classées sans suite du fait d’une infraction "insuffisamment caractérisée" – manque d’éléments matériels, altération de l’état de conscience de la victime, question du consentement. Et le fait que, dans les affaires de violences conjugales, les auteurs présumés des faits sont presque toujours identifiés (95%) n’y change rien. Les affaires de violences sexuelles sont toutefois davantage classées pour "inopportunité des poursuites" (la victime ne répondant pas aux demandes de précision ou de production de pièces ou retirant sa plainte) que les violences conjugales. L’étude précise encore que les classements pour "extinction de l’action publique", très médiatisés, "correspondent en fait à une très faible part d’affaires classées en proportion", tant pour les affaires de violences sexuelles que conjugales. 

D’après l’étude, en France près de 15% des femmes âgées de 20 à 69 ans déclarent avoir été victimes de viol, de tentative de viol ou d’une autre forme d’agression sexuelle au moins une fois au cours de leur vie. Seuls 10% des victimes de violence sexuelle porteraient plainte, et moins de 20% pour les violences conjugales.