Europe : la ruralité se fait une place dans l’agenda de la présidence française
Dans un agenda qui s'annonce chargé, les voix de la ruralité, incarnées par le Parlement rural français, veulent imposer l'idée d'un Agenda rural européen au moment de la présidence française du Conseil de l'UE. Une feuille de route stratégique dont les contours pourraient être arrêtés le 3 février à Strasbourg, lors d'une grande rencontre intitulée "Ruralisons l'Europe".
Des collectivités, il n’a pas du tout été question lors de la conférence de presse de deux heures d’Emmanuel Macron sur la future présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE). Et encore moins de la ruralité. Pas plus qu’il n’en a été question au cours de la conférence de presse commune du Premier ministre, Jean Castex, et du président du Parlement européen, David Sassoli, quelques heures plus tôt. Pourtant, les représentants de la ruralité, incarnés en France par le Parlement rural, entendent bien profiter de ces six mois, à compter du 1er janvier 2022, pour imposer leur idée d’un Agenda rural européen. "Ruralisons l’Europe" : c’est le défi lancé à l'appel de Patrice Joly, président de ce Parlement rural, le même jour à Bruxelles, en présence de plusieurs personnalités européennes. Il s’agit de "démentir l’avenir que certains promettent à nos campagnes", a souligné le sénateur socialiste de la Nièvre, qui avait déjà porté ce projet dans une résolution adoptée par la Haute Assemblée, à l’unanimité, début novembre (voir notre article du 4 novembre 2021). "En dépit des difficultés qu’ils éprouvent, nos territoires vivent dans leur temps. (…) L’avenir de l’Europe passera nécessairement par le développement de coopérations entre tous les territoires, en abandonnant l’opposition centre-périphérie pour lui substituer une organisation en réseau", a-t-il argué.
"Si la ruralité était un pays de l’Union européenne, il serait le plus peuplé"
Avec son Agenda rural lancé le 15 septembre 2019 sur fond de crise des gilets jaunes, la France est à l’avant-garde. Plus qu’un inventaire à la Prévert (comme l’agenda français avec ses 181 mesures), le Parlement rural défend une feuille de route stratégique européenne, sur le modèle de l’Agenda urbain de 2015, sachant que, comme l’a fait valoir le démographe Gérard-François Dumont, la ruralité représente au bas mot 40% de la population européenne. "Si la ruralité était un pays de l’Union européenne, il serait le plus peuplé. (...) Les campagnes ne doivent donc pas être considérées comme des résidus", a clamé celui qui est pour beaucoup dans la nouvelle définition des communes rurales par l’Insee, pris sur le modèle de l’outil statistique européen Eurostat.
À l’origine, cet Agenda rural européen est une idée défendue par le Comité des régions en 2016, reprise dans une résolution du Parlement européen de 2018. Tous ces représentants du monde rural réunis jeudi voient dans les mois qui viennent une fenêtre de tir. D’autant que la Commission a posé des jalons avec sa "Vision à long terme pour les zones rurales de l’UE" à l’horizon 2040, présentée le 30 juin (voir notre article du 12 juillet 2021).
"Les planètes sont franchement alignées"
"Les planètes sont franchement alignées", a assuré le secrétaire d’État à la ruralité, Joël Giraud. La page est encore blanche. Mais la présidence française pourrait permettre de la remplir. Un événement "Ruralisons l’Europe", portant le label de la PFUE, se tiendra le 3 février dans l'enceinte du Parlement, à Strasbourg. "Cette discussion permettra de mettre en avant la question du pacte rural que propose la Commission, voire de l’Agenda rural européen tel que vous le demandez. Quelle que soit l’appellation retenue, il s’agit de porter une ambition commune au niveau européen en faveur des territoires ruraux, sans imposer aux Etats membres une réalité, des solutions qui ne sont pas forcément adaptées pour le contexte de chacun." Selon le secrétaire d'État, "l’Europe ne réussira pas à continuer son intégration et sa construction si elle ne retrouve pas l’expression de cette diversité et le respect de ses spécificités".
Toutefois, entre la "Vision" à 2040 de la Commission et l’Agenda rural, il y peut-être une différence de temporalité. Car pour beaucoup, c’est maintenant qu’il faut agir vu l'ampleur des défis. D'autant que la crise a changé la donne. Elle a "engendré une prise en compte du télétravail bien au-delà ce qu’on aurait pu imaginer", entraînant une "très forte attraction de la ruralité", a insisté Gérard-François Dumont. Pour Thibaut Guignard, membre du Comité des régions et président de Leader France (du nom du programme européen de développement local), c’est aussi une "question de démocratie européenne", comme l’a montré la "carte électorale du Brexit", celle d’un "électoral rural qui se sentait délaissé par le gouvernement anglais et par l’Union européenne". Lui appelle à des "propositions immédiates et concrètes". Mais le télescopage entre la PFUE et le calendrier électoral français pourrait aussi éveiller des suspicions de velléités électoralistes.