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Commerces - EuropaCity : le maître d'ouvrage présentera une nouvelle proposition en décembre

Malgré les nombreuses critiques émises au cours du débat public qui s'est tenu de mars à juillet 2016, Alliages et Territoires, le maître d'ouvrage du très gros projet EuropaCity ne baisse pas les bras. Il doit présenter une nouvelle copie en décembre 2016 tenant compte des conclusions des débats. La région demande que 30% des emplois annoncés bénéficient à la population locale.

"Nous allons poursuivre la mise en œuvre de ce projet et le faire évoluer dans son offre et sa conception architecturale, en y associant l'ensemble des parties prenantes." Christophe Dalstein, le directeur d'Alliages et Territoires, le maître d'ouvrage d'EuropaCity, un méga-complexe commercial et de loisirs prévu au nord de Paris, n'a pas attendu les trois mois qui lui étaient accordés pour officialiser sa position. Il a ainsi confirmé son intention de poursuivre le projet le 12 septembre, soit le jour de la publication du rapport de la Commission nationale du débat public (CNDP). Un document qui dresse le bilan du débat public qui s'est tenu du 15 mars au 13 juillet 2016.
Le projet est énorme : 150.000 m2 dédiés aux loisirs, 230.000 m2 pour les commerces, des hôtels et restaurants, des salles de spectacles, un parc aquatique, une ferme urbaine, et une piste de ski… Il s'étale sur 80 hectares de terres agricoles, dans le triangle de Gonesse dans le Val-d'Oise. EuropaCity compte attirer 31 millions de visiteurs par an, dont 6 millions de touristes. Aucun logement n'est en revanche prévu à cause du plan d'exposition au bruit de l'aéroport de Roissy, qui se situe juste à côté.
Coût du projet : 3,1 milliards d'euros financés par des fonds privés. Le chantier doit commencer en 2019 pour une ouverture prévue en 2024.

"Deux visions de la société aux antipodes l'une de l'autre"

Derrière ces chiffres à donner le tournis aux élus locaux, le bilan du débat public a fait apparaître de nombreuses failles. "Le dialogue entre opposants et partisans a parfois été difficile et leurs positions ne semblent pas avoir évolué", constate ainsi Christian Leyrit, président de la CNDP, dans son rapport. Au cœur des critiques : une élaboration du projet "en dehors d'un contexte territorial" et qui "n'a pas établi de réelles ramifications sociales, fonctionnelles et urbaines avec son environnement", détaille Claude Brévan, présidente de la commission particulière en charge de l'organisation et de l'animation du débat sur EuropaCity, qui a également rendu un compte-rendu détaillé du débat public le 12 septembre. Les échanges ont mis en avant "deux visions de la société aux antipodes l'une de l'autre", observe cette dernière, avec "d'un côté une société qui s'affranchirait de la course à la consommation pour aller vers davantage de sobriété et s'engagerait vers une transition écologique et énergétique ; de l'autre, une société attachée aux modes de vie urbains ou aspirant à y avoir accès, mais taraudée par le chômage, et pour laquelle seul un modèle plus classique de croissance et de développement économique permet d'apporter des solutions durables". Deux visions "d'autant moins conciliables que les très importants montants financiers en jeu, apportés par une entreprise privée aux filiales multiples, associée à une entreprise chinoise, fournissaient l'occasion d'ouvrir des polémiques". Alliages et Territoires, filiale d'Immochan, la branche immobilière du groupe Auchan, s'est associée à un partenaire chinois, Dalian Wanda, spécialisé dans l'immobilier et le divertissement, pour monter le projet.

Polémique sur le nombre d'emplois

Le bilan de la CNDP fait aussi apparaître la crainte de la part des professionnels du secteur du commerce de "dégâts importants sur les commerces existants, notamment les magasins de proximité qui souffrent déjà de la concurrence des grandes surfaces implantées sur le territoire".
L'emploi local et la formation des jeunes du territoire tels que prévus dans le projet font également polémique. Des experts publics et privés remettent en question le nombre d'emplois annoncés (11.800) considérant qu'il est surestimé et que le projet pourrait aussi conduire à des destructions d'emplois. "Vous le savez, si jamais il y a 11.800 emplois, ils viendront d'Aéroville, de Paris Nord 2 et d'O'Parinor, ainsi que des autres centres commerciaux qui fermeront. En fait, s'il y a création, ce sera un déplacement d'emplois", a ainsi répliqué un conseiller municipal de Seine-Saint-Denis durant le débat.
La région Ile-de-France demande par ailleurs que la population locale soit représentée à hauteur de 30% minimum dans ces emplois, et veut un accès privilégié des TPE et PME à la commande.
La question de l'artificialisation des sols a également été largement abordée durant le débat public, même si le Schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif) a ouvert à l'urbanisation 300 hectares du sud du triangle de Gonesse, dont les 80 hectares du projet envisagés sur d'excellentes terres agricoles. "Pour les opposants et la profession agricole, le premier objectif devrait être une limitation drastique de la consommation des terres agricoles (parmi les meilleures d'Europe)", relate le rapport de la CNDP. Plusieurs participants ont proposé d'utiliser la friche industrielle du site de PSA d'Aulnay-sous-Bois fermé en 2013.
Enfin, la desserte en transports en commun a été beaucoup discutée, et plus particulièrement la participation éventuelle du maître d'ouvrage aux frais d'infrastructures. La ligne 7 du Grand Paris Express, qui parcourt environ 27 kilomètres et comprend neuf gares desservira le triangle de Gonesse. Elle sera opérationnelle en 2024.
Les opposants au projet sont très mobilisés. Le Collectif pour le triangle de Gonesse prévoit ainsi de "renforcer sa mobilisation" pour que le complexe ne voie pas le jour.
Le groupe doit présenter une nouvelle version de son projet en décembre.