Sport - Euro 2016 : premier but pour le texte assouplissant le financement des stades par les collectivités
La commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a adopté, mardi 8 mars, la proposition de loi relative à l'organisation de l'Euro 2016 de football en France. Ce texte, déposé le 4 février par Bernard Depierre, député de la Côte-d'Or, précise la nature du soutien que les collectivités territoriales pourront apporter à la construction ou à la rénovation de stades en vue de cette compétition. Il s'agit pour cela de déroger à plusieurs principes de droit administratif, du Code général des collectivités territoriales (CGCT) ou du Code du sport. Il pourrait également s'agir de constituer une expérimentation d'un nouveau mode de financement des grandes infrastructures sportives.
Organisatrice de l'Euro 2016, la Fédération française de football devra choisir, le 27 mai, les neuf villes hôtes de l'événement parmi les onze ayant postulé, les deux villes non retenues étant mises en réserve et devant se tenir prêtes. Pour Bernard Depierre, également rapporteur du texte, "il est important que ces villes puissent bénéficier d'une palette de financements associant des apports privés aux apports publics dans de parfaites conditions de sécurité juridique". Sa proposition vise donc à "concilier le fait que la plupart des stades sont la propriété des collectivités locales tout en leur permettant de diversifier les financements et donc la nature comme l'attribution des aides qu'elles pourront octroyer". Les organisateurs estiment l'investissement global en construction ou rénovation à 1,8 milliard d'euros. La dotation de l'Etat, via le Centre national de développement du sport (CNDS), s'élevant à 153 millions d'euros.
Aides publiques pour les BEA
L'article premier de la proposition de loi permet aux baux emphytéotiques administratifs (BEA) conclus dans le cadre de projets de construction ou de rénovation de stades de devenir éligibles aux mêmes aides que les projets réalisés sous le régime de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée. Pour son promoteur, cette disposition a pour objet de "rétablir l'égalité devant les sources de financement public des projets de construction ou de rénovation. Ces aides pourront provenir de toutes les collectivités, y compris de la collectivité bailleresse". D'autre part, les versements des subventions et participations pourront être échelonnés en fonction de la durée du bail, y compris au-delà du terme des travaux de construction ou de rénovation. Trois des villes candidates, Nancy, Paris et Lens, possèdent actuellement des stades sous BEA.
Expérimentation en vraie grandeur
Le deuxième article prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent apporter des aides aux projets mentionnés à l'article 1er par dérogation, d'une part à l'article L.1511-2 du CGCT, qui confie au conseil régional la définition du régime ainsi que la décision d'octroyer des aides aux entreprises, d'autre part aux articles L.113-1 à L.113-3 et L.122-11 du Code du sport, qui instituent des plafonds d'aide et interdisent les garanties des collectivités territoriales aux associations et sociétés sportives.
Pour Bernard Depierre, "la nécessaire souplesse du dispositif comme le rôle fondamental des villes candidates à l'accueil suppose que les communes puissent définir et décider d'octroyer des aides aux projets de construction ou de rénovation de leur stade". Selon le rapporteur, les stades étant presqu'exclusivement la propriété de collectivités, "il était nécessaire que les dispositions de Code du sport qui encadrent l'attribution des aides des collectivités ne s'appliquent pas dans le cadre de ces projets". S'il précise que "toutes ces dispositions sont volontairement restreintes à l'organisation de l'Euro 2016", il ajoute qu'elles "pourront constituer une expérimentation significative en vraie grandeur d'un nouveau mode de financement d'autres grandes infrastructures sportives nationales".
Recours à l'arbitrage
Le troisième article déroge à l'interdiction pour les personnes publiques de recourir à l'arbitrage en permettant ce recours pour les contrats en lien avec la construction ou la rénovation des stades et équipements connexes pour leur fonctionnement durant l'Euro 2016. Pour Bernard Delpierre, "le principe de l'interdiction de ce recours pour les personnes de droit public est, selon le Conseil constitutionnel, principe législatif et non constitutionnel". En conséquence, sa portée peut être modifiée par le législateur.
Présente durant les débats en commission, Chantal Jouanno, ministre des Sports, a souligné que "si certains projets de construction ou de rénovation avancent bien, d'autres demeurent en attente d'une sécurisation juridique, d'où l'intérêt de cette proposition de loi". Elle a toutefois précisé que "le gouvernement devra notifier à la Commission européenne cette proposition de loi, et tout particulièrement l'article 2 qui crée un nouveau régime d'aides dont les bénéficiaires seront les clubs sportifs et plus largement les promoteurs de stades à gestion privée, qui sont bien, aux yeux de la Commission, des entreprises". Concernant le recours à l'arbitrage, la ministre a rappelé qu'il s'agit d'une "pratique répandue dans les contrats passés par les organismes sportifs internationaux tels que l'UEFA [Union européenne de football association, promoteur de l'Euro]", et que son absence "rendrait particulièrement délicate la signature par les villes des contrats de villes-hôtes". Elle a conclu en rappelant que "le gouvernement émet un avis très favorable à cette proposition".
Opposition et élus du sport réservés
L'opposition, qui s'est notamment exprimée à travers Hervé Féron, a pour sa part déploré l'absence d'un "projet de loi qui pose l'ensemble des problèmes dans la globalité, qui aborde la question de la propriété des enceintes sportives et celle des relations entre les collectivités et les fédérations sportives". Le député de Meurthe-et-Moselle a également dénoncé "la surenchère des exigences de l'UEFA" : "Dans certaines villes, nous aurons des stades qui ne seront jamais remplis par les clubs résidents [après l'Euro 2016, ndlr]." Autre regret, "le désengagement de l'Etat qui pour la Coupe du monde 1998 avait participé à hauteur de plus de 30% et qui est là sur un petit 7% [8,5%, ndlr] et transfère ces charges sur les collectivités grâce à cette proposition de loi". Pour Hervé Féron, "en permettant les subventions de la collectivité bailleuse, c'est la nature même du BEA qui est remise en cause. C'est un projet extrêmement favorable pour les futurs entrepreneurs et la privatisation des profits [malgré] des charges en partie ou entièrement publiques". Quant à l'article 3 permettant le recours à l'arbitrage, il "fait éclater l'état de droit", aux dires de Patrick Bloche, député de Paris.
Auditionné le 3 mars par le rapporteur, le président de l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), Jacques Thouroude, avait fait part d'un accord de principe pour un BEA éligible aux aides publiques uniquement dans le cadre de l'Euro 2016. Ce dispositif permettrait selon lui de "favoriser l'accès à la propriété des clubs ainsi que la gestion du fonctionnement de ces installations, soulageant de ce fait la pression financière sur les finances locales". En revanche, Jacques Thouroude avait confié ses plus vives réserves à propos de l'article 2, pointant les dangers de ces montages financiers pour les collectivités.
La proposition de loi adoptée en commission sera examinée en séance à l'Assemblée nationale les 22 et 23 mars.
Jean Damien Lesay
Référence : proposition de loi n° 3149 de Bernard Depierre relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.