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Etat territorial : la Cour des comptes préconise un vaste plan de réorganisation

Dans un rapport remis ce 11 décembre, la Cour des comptes appelle à de profondes réformes de l'Etat déconcentré. Dénonçant des "doublons" coûteux, l'institution présidée par Didier Migaud considère que l'Etat n'a pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation. Elle pointe aussi du doigt une organisation largement perfectible.

Manque de cohérence de l'implantation des services, nécessité d'un recentrage sur les missions prioritaires, insuffisante déconcentration des moyens... quatre ans après un cinglant rapport sur l'organisation territoriale de l'Etat, la Cour des comptes revient à la charge dans un rapport qu'elle a rendu public ce 11 décembre. Ses constats sont tout aussi sévères qu'au début du quinquennat de François Hollande, alors que les services territoriaux de l'Etat ont connu d'importantes évolutions liées notamment à la nouvelle carte régionale et à la revue des missions. Elle avance pas moins de 49 recommandations regroupées sous quatre "orientations".
Doté de "multiples missions", l'Etat peine à les assumer toutes, observe la Cour. Faute de moyens, plusieurs sont "délaissées" ou "incomplètement exercées", comme l'instruction en matière d'installations classées ou le suivi des associations syndicales autorisées. Pour gagner en efficacité, certaines des missions aujourd'hui exercées à l'échelon départemental devraient, selon les magistrats, être exercées à un niveau régional (par exemple les missions de contrôle), voire national (comme la notification des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales). Pour plusieurs compétences (logement, routes, développement économique), l'intervention de plusieurs directions ou acteurs simultanément ne facilite pas la lisibilité, la cohérence et l'efficacité de l'action de l'Etat. Dans chacun de ces domaines, la Cour recommande des regroupements d'ici la fin 2018.

Poursuivre les transferts aux collectivités

L'Etat "persiste à vouloir conserver une présence et un rôle" pour les compétences qui ont été décentralisées, déplore aussi la Cour. Qui plaide en faveur d'un "recentrage" de l'Etat sur ses missions prioritaires. Ainsi l'Etat devrait-il selon elle abandonner totalement, d'ici fin 2018, le secrétariat des instances médicales pour les agents territoriaux et hospitaliers, ou réduire plus drastiquement son rôle dans les politiques territoriales du sport, de la jeunesse et de la vie associative, ou encore du secteur social.
Par ailleurs, en matière de formation, l'institution pilotée par Didier Migaud prône un renforcement des compétences des régions, notamment par le transfert des centres d'information et d'orientation. "Quelques missions" devraient purement et simplement disparaître, estime-t-elle aussi. Elle cite "le rôle des Direccte [ndlr : directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi] en matière de tourisme", ou encore "la participation à la demande du service départemental d'incendie et de secours, des agents des DDT [ndlr : directions départementales des territoires] aux visites de sécurité". Les magistrats préconisent aussi de ne pas confirmer la relance, engagée par le gouvernement de Manuel Valls à partir de 2015-2016, des "missions d'ingénierie et d'accompagnement des collectivités territoriales par l'Etat". A l'inverse, les missions d'observation et d'expertise devraient, selon la Cour, être confortées, sous l'autorité du préfet de région.

Réseau des sous-préfectures : moderniser davantage

La réorganisation des services de l'Etat consécutive à la fusion des régions s'est traduite par la mise en place de directions "multi-sites" réparties entre les chefs-lieux des anciennes régions, constate-t-elle, en pointant "les difficultés quotidiennes de management et et de fonctionnement qui en résultent". La Cour veut mettre fin à cette situation par la désignation d'ici fin 2020 d'un site unique pour les directions régionales. Dans les régions Grand Est, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes, un "préfet délégué chargé du département chef-lieu" devrait être institué aux côtés du préfet de région, plaide encore l'institution de la rue Cambon. Elle appelle aussi à la suppression d'ici fin 2019 des "rectorats de petite taille".
Le réseau infradépartemental de l'Etat devrait quant à lui connaître un redéploiement pour être notamment davantage en adéquation avec la carte des bassins de vie. La révision de l'implantation des sous-préfectures doit être "beaucoup plus ambitieuse", poursuit la Cour. Qui appelle de ses voeux l'élaboration d'ici un an d'un "plan de rationalisation" dans ce domaine.
La Cour préconise également de "faire des services publics numériques un levier de transformation des services déconcentrés de l'Etat" et d'accorder à ces derniers davantage de latitude pour gérer les ressources humaines et financières. Le comité Action publique 2022 mis sur pied mi-octobre par le Premier ministre se penchera probablement avec intérêt sur les propositions de la Cour.