ESS / Politique de la ville - Entreprendre autrement dans les quartiers : où en est-on ?
Sur-représentée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, l'économie sociale et solidaire a un rôle à jouer dans le développement de ces territoires. C'est la conviction des élus du RTES, réunis le 18 septembre 2018 sur ce sujet.
Le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES) a tenu le 18 septembre un séminaire sur la place de l'économie sociale et solidaire (ESS) dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Trois ans après un rendez-vous sur le même thème, toujours aux Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine (voir notre article du 17 décembre 2015), le réseau d'élus a appelé à approfondir "l'acculturation croisée entre les acteurs de la politique de la ville, de l'ESS, du développement économique", selon les mots de Christiane Bouchart, sa présidente.
L'ESS, "relais moteur dans ces quartiers où le secteur lucratif est beaucoup moins présent"
L'ESS est déjà globalement sur-représentée dans les QPV. C'est ce qu'a démontré une étude récente du Conseil national des Chambres régionales de l'ESS (CNCress) et du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). "29.370 établissements de l’ESS (13,7% du total) sont situés dans une zone de moins de 300 mètres autour d’un quartier politique de la ville", tandis que 9.988 entreprises (4,7% du total) sont implantées dans le périmètre strict du quartier (contre 4,1% pour les établissements du secteur marchand non agricole). Cette sur-représentation de l'ESS dans les QPV est surtout marquée en Provence-Alpes-Côte d'Azur, dans les Hauts-de-France, l'Ile-de-France et l'Occitanie. L'ESS joue "un rôle de relais moteur dans ces quartiers où le secteur lucratif est beaucoup moins présent", a commenté Benjamin Roger, responsable de l'Observatoire national de l'ESS au CNCress.
A l'inverse, l'ESS est sous-représentée dans les QPV en Bretagne, Nouvelle-Aquitaine et dans les Pays de la Loire, des régions où cette forme d'économie est traditionnellement importante avec des spécificités (tissus de coopératives ou mutuelles) qui se retrouvent moins dans les quartiers.
Les entreprises de l'ESS situées en QPV sont majoritairement des associations, encore plus qu'au niveau national (89% contre 83%). Elles sont également plus fortement spécialisées dans le secteur social (22% dans les QPV et 19% dans la zone tampon, 15% au niveau national).
Créer davantage de liens entre les structures émergentes et les entreprises plus solides
Une question est fréquemment revenue dans les échanges ce 18 septembre : comment consolider le modèle économique des projets lancés dans les QPV ? Pour Danièle Demoustier, économiste accompagnant la mise en œuvre de diagnostics partagés dans des quartiers grenoblois, il importe que les "petites structures émergentes, portées par une population jeune, souvent issue de l'immigration, (…) soient soutenues par des structures plus anciennes, sinon c'est un recommencement permanent".
Le RTES publiera prochainement une étude qu'il a coordonnée avec le CGET, analysant les modèles économiques d'une vingtaine d'initiatives implantées dans des quartiers prioritaires (trois d'entre elles ont été présentées, Localtis y reviendra dans un prochain article). Citant plusieurs "conditions indispensables" au développement de l'ESS dans les QPV, Christiane Bouchart a appelé notamment à "résoudre la question du foncier et de l'immobilier", via de la mutualisation ou des démarches s'inspirant du modèle du community land trust.
Il est nécessaire également de "structurer les filières de l'ESS sur ces quartiers", les initiatives étant souvent nombreuses mais aussi "bien seules, bien isolées, pas suffisamment visibles". Parmi les pistes citées pour y parvenir : les coopératives d'activité et d'emploi, les pôles territoriaux de coopération économique ou encore l'épargne fléchée dans les quartiers.
Paris 2024 : un objectif de 10% du volume d'heures travaillées en clause d'insertion
En attendant les annonces relatives au "Pacte de croissance" pour l'ESS, Eric Briat, chef du service de la ville et de la cohésion urbaine au CGET, a listé les leviers déjà à la disposition des entrepreneurs dans les quartiers, dont les emplois francs dans les 194 quartiers de l'expérimentation (voir notre article du 6 avril 2018). Autre outil mis en avant : les clauses d'insertion, avec en particulier un objectif de 10% des heures travaillées dans les marchés d'équipements pérennes des Jeux olympiques de 2024. Eric Briat a cité également la mobilisation des entreprises (voir notre article du 17 juillet 2018), l'accompagnement des entrepreneurs par BpiFrance avec l'intégration de l'Agence France entrepreneurs au 1er janvier 2019 – "le CGET veillera à ce que l'ESS soit totalement prise en compte dans cette nouvelle offre" – ou encore l'objectif de doubler le nombre de postes Fonjep (fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire) d'ici deux ans.