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Entre grogne syndicale et inquiétude des employeurs locaux, les premiers pas de Gérald Darmanin comme "ministre des fonctionnaires"

Le rattachement de la fonction publique au portefeuille de Gérald Darmanin, qui comprend également le budget, la sécurité sociale et la modernisation de l'Etat, a suscité la désapprobation des syndicats, qui craignent de voir reléguée cette dernière au rang de "variable d'ajustement". Les employeurs locaux pour leur part déplorent de ne plus avoir d'interlocuteur particulier. Le ministre de l'Action et des Comptes publics doit recevoir individuellement les organisations syndicales à partir du 23 mai pour entamer le dialogue.

Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, également chargé des fonctionnaires, recevra successivement leurs neuf organisations syndicales à partir de mardi, a-t-on appris lundi 22 mai. "Le ministre les recevra dès demain [mardi 23, ndlr], jour où le président de la République reçoit les organisations syndicales au niveau national, et ce, jusqu'au mardi suivant probablement, à l'hôtel de Cassini", qui abritait le secrétariat d’État à la Réforme de l’État et à la Simplification sous le quinquennat Hollande, ont précisé à l'AFP les services de Gérald Darmanin.
Échaudés par la disparition d'un ministère à part entière - également condamné par l'ancienne ministre Marylise Lebranchu -, par le rattachement des agents publics à Bercy, ainsi que par le programme d'Emmanuel Macron concernant les fonctionnaires, les syndicats attendent du ministre qu'il "éclaircisse" certains points, "précise les mesures prévues", "la méthode" et "le calendrier". Ils réclament aussi majoritairement "un débat de fond" sur les missions de service public.

"Variable d'ajustement macroécomique"

"Un certain nombre de clignotants sont au rouge. À lui de nous dire comment il entend négocier. Les premières annonces ne sont pas faites pour réconforter la CGT", a souligné Jean-Marc Canon, son porte-parole. "Les fonctionnaires ne sont pas une variable d'ajustement macroéconomique, ils sont là pour remplir des missions pour le compte de l'intérêt général. Considérer que l'Inspection du travail, la Répression des fraudes ou la Culture seraient subalternes, nous le contestons", a-t-il ajouté, en évoquant la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires annoncée par Emmanuel Macron ou la baisse de 10 milliards d'euros de dotation aux collectivités territoriales.
Pour sa part, la CFDT sera "ferme sur deux sujets : un rendez-vous salarial annuel", acté par l'ancien gouvernement [voir ci-dessous notre article du 11 avril], et "un agenda social où l'on parle des missions avant de parler d'emplois", a dit Mylène Jacquot. FO espère encore un "secrétariat d'État" car "une vision purement comptable de la fonction publique serait catastrophique". "La hausse du point d'indice, la revalorisation des carrières pour tous les agents et en particulier les plus modestes, la protection du statut général" font partie des sujets prioritaires, a indiqué Christian Grolier.
Côté FSU, Bernadette Groison attend "un dialogue social qui ne soit pas de façade" et "des précisions sur les mesures annoncées". "On a tous lu le programme de M. Macron et on aura des questions en termes de pilotage. Le rattachement de la fonction publique aux comptes publics nous inquiète", tout comme les "conséquences de l'individualisation" et d'une "rémunération au mérite", a-t-elle ajouté.

Les employeurs locaux sans "interlocuteur politique" particulier

La suppression du ministère de la Fonction publique "est une erreur" qu'il faut "corriger", a estimé pour sa  part vendredi 19 mai le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), Philippe Laurent. "C'est, sinon une faute, au moins une erreur. Rattacher la fonction publique aux comptes publics, ça veut dire que l'on considère les 5,4 millions de fonctionnaires comme une dépense. Il faut corriger cela, ça peut être corrigé", a déclaré à l'AFP le maire de Sceaux, par ailleurs secrétaire général de l'Association des maires de France (AMF). "Ça aurait été faire preuve d'un vrai réformisme que de la rattacher au ministère du Travail parce qu'on a, dans la fonction publique, de vrais sujets en matière de dialogue social, de management, d'organisation, qui sont au moins aussi importants que les questions du statut", a-t-il ajouté.
Philippe Laurent estime à cet égard que Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics qui pilotera les comptes publics (budget) et sociaux (comptes de la Sécu) ainsi que la fonction publique et la réforme de l'État, "ne pourra pas" être "l'interlocuteur politique" dont ont besoin les fonctionnaires, en raison de l'étendue de ses prérogatives. Pour le président du CSFPT, supprimer 120.000 postes de fonctionnaires dont 70.000 dans la fonction publique territoriale, comme le souhaite Emmanuel Macron, "n'est pas [non plus] la bonne démarche".
"C'est une contrainte qu'on fixe, ce n'est pas une démarche politique", dit-il. S'il n'est pas opposé par principe à une telle réduction, "la question principale, dit-il, est de déterminer le périmètre du service public", et d'en laisser "la responsabilité aux élus locaux" dont "l'Etat doit faciliter la tâche". A cette fin, "clarifier la question des financements" doit être une "mesure prioritaire" du gouvernement, estime-t-il, en citant notamment la nécessité d'une meilleure répartition des grands impôts (TVA, revenu, CSG...) entre l'Etat et les grandes collectivités. "C'est la question de fond qui conditionne la stabilité des budgets locaux, l'autonomie et la gestion des collectivités locales."

"Les fonctionnaires sont, quels que soient leur statut et leur entrée dans la fonction publique, l'ossature de la République", a assuré Gérald Darmanin lors de sa prise de fonctions. "Les ambitions de modernisation, d'économies et de transformation des collectivités publiques, nécessaires à la préservation de nos équilibres et à la qualité de nos administrations, se feront en dialogue permanent avec les agents", a affirmé le nouveau ministre jeudi soir dans un communiqué.