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Union pour la Méditerranée - Entre Bruxelles et Paris, les collectivités doivent trouver leur place

Alors que le flou persiste sur le fonctionnement institutionnel de la future Union pour la Méditerranée, le contour des projets qu'elle conduira commence à se dessiner. Education, formation, recherche, environnement, développement économique : les collectivités doivent se positionner.

Les contours de  l'Union pour la Méditerranée (UPM) commencent à se préciser, même si officiellement, tout ne sera dévoilé que le 13 juillet, jour de sa véritable naissance. Présenté lors du Conseil européen des 13 et 14 mars, et édulcoré depuis, le projet inclut désormais tous les pays de l'Union européenne et non les seuls riverains de la Méditerranée. Tout en se maintenant dans le processus de Barcelone, les dirigeants de l'UE et ceux du sud de la Méditerranée se sont promis de tisser de nouvelles relations. "L'ancien projet Euromed est perçu comme un échec, explique Pierre Lecomte, chargé de mission coopération décentralisée pays tiers/Méditerranée à l'Association française du Conseil des communes et régions d'Europe. Le partenariat reposait sur des relations de bailleurs de fonds avec des pays du Nord qui viennent en aide aux pays du Sud." 70% des ressources européennes allouées à Euromed sont en effet des aides budgétaires, tandis que seulement 30% sont consacrées à des projets concrets, visibles par la population. L'idée de l'UPM implique donc un changement radical d'orientation. Il s'agit de rapprocher les deux rives de la Méditerranée autour de projets communs concrets, dans des domaines comme l'environnement, l'énergie, la protection civile ou l'éducation. Certains projets font déjà l'objet de négociations et seront mis en oeuvre dès la création effective de l'UPM en juillet 2008. Il s'agit par exemple de la dépollution de la Méditerranée, du plan solaire méditerranéen ou de l'autoroute maritime entre Alexandrie et Tanger, proposée par l'Egypte.

Un Erasmus euroméditerranéen

Les collectivités ont une carte à jouer dans l'élaboration de ce nouveau projet. "Le principe de l'UPM est d'associer l'ensemble des acteurs de la Méditerranée au delà des représentations gouvernementales, et en l'occurrence les collectivités", détaille Lauren Gimenez, chargée de mission auprès d'Alain Le Roy, ambassadeur de l'UPM. Jusque-là les collectivités territoriales étaient intégrées au projet au sein du forum de la société civile, au même titre que les organisations non gouvernementales ou les associations. "Elles sont différentes des acteurs de la société civile, explique Lauren Gimenez. Ce sont de petits gouvernements locaux qui gèrent des services publics ; elles doivent avoir une place particulière dans cette union." La chargée de mission voit aussi dans les collectivités un levier politique important. "Elles ont la capacité d'évaluer les besoins locaux et sont plus souples ; elles permettent souvent de contourner les blocages politiques." Exemples de projets dans lesquels les collectivités sont amenées à s'investir : la mise en place d'un Erasmus méditerranéen pour faciliter la mobilité des étudiants et des chercheurs, la mise en réseau des laboratoires de recherche de la zone, pour développer la recherche commune autour des problématiques du changement climatique, de la désertification ou de la pêche. La formation professionnelle, le développement durable, le développement économique, la gestion de l'eau, la protection et la sécurité civile font aussi partie des domaines sur lesquels les collectivités vont se positionner. Les collectivités vont préciser leurs propositions lors du Forum des autorités locales et régionales organisé par la ville de Marseille et la région Paca, les 22 et 23 juin prochains, en vue du sommet européen de la mi-juillet.

"Qui aura la présidence de l'UPM ?"

Pour le reste, le projet fait l'objet d'âpres négociations entre Paris, l'UE et les pays méditerranéens. La  Commission européenne, elle, n'entend pas laisser les Etats manoeuvrer seuls. Elle vient de prendre les devants en lançant un programme d'investissement "zones sensibles" pour la Méditerranée (MeHSIP) pour un montant total de 2,1 milliards d'euros financés par la Banque européenne d'investissement. Il s'agit de mener des opérations de dépollution sur des zones sensibles des pays de la Méditerranée méridionale et orientale dans le cadre de l'initiative de la commission Horizon 2020. 44 projets prioritaires ont été arrêtés pour six pays (Egypte, Israël, Jordanie, Maroc, Syrie et Tunisie). Ils visent principalement le traitement des eaux urbaines (57% des fonds), les déchets municipaux (18%) et les émissions industrielles (11%). Ce programme MeHSIP, tout comme l'initiative Horizon 2020, s'inscrit dans le cadre de la politique de coopération de l'Union européenne avec les pays méridionaux et orientaux de la Méditerranée participant au processus de Barcelone. Par ailleurs, la Commission participe au projet Invest in Med lancé en avril 2008. Doté de 12 millions d'euros, ce projet piloté par l'association Anima Investment Network vise à accroître les échanges commerciaux dans la région du bassin méditerranéen.
Ces initiatives parallèles entre la Commission et le Conseil ont pourtant du mal à cacher l'essentiel : le fonctionnement institutionnel de la future UPM. Si l'idée d'un siège à Tunis a été évoquée lors de la visite de Nicolas Sarkozy en Tunisie les 29 et 30 avril, "les bases ne sont pas encore posées, assure Pierre Lecomte. Qui aura la présidence ? Sera-t-elle à deux têtes et/ou tournante ? Comment la nouvelle union va-t-elle remplacer les programmes Euromed ?". Autant de questions auxquelles devront répondre les chefs d'Etat et de gouvernement réunis lors du sommet européen des 13 et 14 juillet 2008, sous présidence française. Un sommet destiné à créer officiellement cette Union pour la Méditerranée et à en définir les priorités.

 

Emilie Zapalski