Encadrement du recours aux cabinets de conseil : en commission, le Sénat exclut les collectivités
Le Sénat a remodelé ce mercredi 22 mai en commission la proposition de loi destinée à encadrer le recours des pouvoirs publics aux cabinets de conseil, en exemptant les collectivités territoriales des obligations prévues par ce texte.
Quatre mois environ après l'adoption, en première lecture à l'Assemblée nationale, de la proposition de loi "encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques", les élus de la commission des lois du Sénat sont revenus sur plusieurs modifications effectuées par les députés, avant un examen en séance publique prévu le 28 mai. Le coeur du désaccord entre sénateurs et députés réside dans l'élargissement du texte aux collectivités locales : celles-ci y ont été intégrées par les députés sous l'impulsion de la majorité présidentielle, alors qu'elles ne figuraient pas dans la version initiale de cette proposition de loi d'origine sénatoriale déposée il y a deux ans.
Les collectivités ont donc à nouveau été exclues du périmètre du texte par les sénateurs ce 22 mai. Le texte "est le fruit d'une commission d'enquête dont le champ se limitait à l'État", sans inclure les collectivités, avait rappelé sa rapporteure Cécile Cukierman (groupe CRCE à majorité communiste). Président du syndicat Syntec Conseil, qui représente les cabinets, David Mahé ne juge également "pas justifié" d'assujettir les collectivités aux nouvelles obligations. "Ce serait très lourd pour les administrations (locales, NDLR) et les sociétés de conseil, une activité composée essentiellement de petites et moyennes entreprises", argumente-t-il.
La version adoptée en commission des lois supprimer ainsi l'article 1er bis introduit par les députés. "Cette extension aux collectivités territoriales a été adoptée par l'Assemblée nationale, sur proposition du gouvernement, sans qu'aucune association d'élus locaux n'ait été consultée par le gouvernement", souligne Cécile Cukierman dans l'objet de son amendement de suppression. Qui ajoute que ces mêmes associations d'élus, auditionnées en vue de cette deuxième lecture, "ont unanimement pris position en défaveur de leur intégration dans le périmètre du texte", sachant que "l'enjeu du contrôle et de la transparence de l'usage des prestations de conseil par les collectivités territoriales n'est pas aussi prégnant que pour l’État", notamment "en matière d'opacité et d'influence sur la décision publique". "Outre que les prestations de conseil effectuées pour le compte des collectivités territoriales atteignent généralement des montants plus faibles, de nombreux outils de contrôle et de transparence existent déjà, notamment à travers les règles applicables aux marchés publics, le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire exercés par le préfet, le contrôle exercé par les chambres régionales des comptes et, surtout - ce qui constitue une différence majeure par rapport aux dépenses de conseil des ministères -, le contrôle exercé par l'assemblée délibérante de la collectivité, dans laquelle siègent les membres de l'opposition", argue-t-elle également.
Ce débat risque de se prolonger, car l'Assemblée nationale aura à nouveau l'occasion, en deuxième lecture, de réintroduire sa version. Le gouvernement n'ayant pas actionné de procédure accélérée pour l'examen de ce texte au Parlement, son adoption définitive pourrait prendre beaucoup de temps si les divergences persistent entre les deux chambres.
En pleine campagne présidentielle, une commission d'enquête du Sénat avait publié en mars 2022 un rapport qualifiant le recours par l'État à des consultants privés de phénomène "tentaculaire". Sept mois plus tard, le texte avait été largement adopté en première lecture par la chambre haute. Il a ensuite mis plus d'un an à être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, le gouvernement questionnant son utilité après avoir lui-même pris une série de mesures d'encadrement du recours aux consultants. "On ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de prise en compte" de la part du gouvernement des dérives pointées par la commission d'enquête, reconnaît Cécile Cukierman. Mais cette prise en compte n'est pas "suffisante", estime-t-elle. La rapporteure a également fait rétablir mercredi une disposition abrogée par l'Assemblée nationale, afin que les nouvelles obligations s'appliquent aux prestations de conseil déjà en cours lors de la promulgation de la loi et pas seulement aux futurs contrats.