Cabinets de conseil : le gouvernement entend intégrer les collectivités dans le champ d'application de la loi
Le gouvernement a fait adopter un amendement en ce sens - pour les collectivités de plus de 100.000 habitants - lors de l'examen en séance de la proposition de loi visant à encadrer l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. Cet élargissement au-delà de l'État avait pourtant été écarté en commission des lois.
Le gouvernement est parvenu ce jeudi 1er février à intégrer les grosses collectivités locales dans le champ d'application de la proposition de loi visant à encadrer les dépenses de conseil des pouvoirs publics examinée en séance à l'Assemblée nationale. Il a en effet fait adopter un amendement qui prévoit que les collectivités de plus de 100.000 habitants (régions, départements, grandes communes et intercommunalités) soient soumises à l'essentiel des nouvelles règles d'encadrement des prestations de conseil.
Adoptée en octobre 2022 en première lecture par le Sénat, la proposition de loi prévoyait jusqu'ici d'encadrer les dépenses de conseil de l'État mais pas celles des collectivités. Des députés socialistes, de la France insoumise et du RN avaient déposé plusieurs amendements pour étendre les dispositions du texte aux plus grandes collectivités. Mais lors de l'examen en commission des lois la semaine dernière, ces amendements avaient été rejetés au terme d'un long débat (voir notre article du 24 janvier). On pouvait donc considérer l'idée comme enterrée.
Or surprise, ce jeudi en séance publique, le gouvernement est intervenu pour la réintroduire. "Il me semble essentiel que le cadre proposé par le texte s’applique également aux collectivités territoriales, qui ont elles aussi recours aux cabinets de conseil", a ainsi déclaré en préambule Marie Lebec, la ministre déléguée en charge des relations avec le Parlement. Mais Marie Lebec a aussi été, en tant que députée, la coauteure d'un rapport sur le sujet, au terme d'une mission flash sur "le champ d’application de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques"...
La nouvelle ministre déléguée l'a d'ailleurs évoqué : "Le rapport que nous avions rendu avec Nicolas Sansu, sans rien ignorer de nos désaccords, faisait état d’un montant global de recours aux prestations de conseil par les collectivités supérieur à un demi-milliard d’euros. Ce chiffre reste certes une estimation, mais il est bien supérieur à celui de l’État. Le gouvernement est donc favorable à ce que les dispositions de la proposition de loi s’appliquent aux collectivités les plus importantes."
D'où cet amendement gouvernemental "de compromis", tel que l'a qualifié Marie Lebec. Mais, a-t-elle précisé, cela "constituera un point de départ pour les discussions avec les associations d’élus ; le dispositif sera ensuite affiné au fil de la navette parlementaire".
Face aux critiques sur cet amendement, le président du groupe MoDem Jean-Paul Mattei (majorité), a assuré qu'il n'était "pas question de stigmatiser quiconque" en le votant. "Mais tout le monde doit s'appliquer les mêmes enjeux de transparence", l'État autant que les grandes collectivités, a-t-il estimé.
Le seuil de 100.000 habitants est "bancal", a rétorqué le député Les Républicains Philippe Gosselin, jugeant qu'il s'agissait d'une "barre démographique" plutôt que d'une "barre fonctionnelle". La députée Horizons Marie-Agnès Poussier-Winsback (majorité) a également jugé qu'on ne pouvait pas "d'un côté dire qu'on veut (...) moins enquiquiner les uns et les autres" et "de l'autre mettre sur les collectivités" de nouvelles contraintes.
Plusieurs députés ont vu dans cet amendement une tentative de torpiller le texte. Il est en effet plus que possible que le Sénat supprime l'amendement du gouvernement en deuxième lecture, ce qui compliquerait l'indispensable adoption d'une version identique du texte par les deux chambres du Parlement. "Il ne faut pas que l'édifice de cette proposition de loi tombe sous le coup d'une diversion où on essaierait d'intégrer de force les collectivités locales", a cinglé le corapporteur de la proposition de loi Nicolas Sansu (groupe GDR à majorité communiste). Avec l'autre corapporteur Bruno Millienne (MoDem), Nicolas Sansu a fait voter une disposition prévoyant que le gouvernement remette au Parlement un rapport, d'ici au 31 décembre 2024, qui étudie l'impact de l'application du texte aux grandes collectivités.