Dépenses de conseil des collectivités : mieux évaluer avant de légiférer

Une "étude approfondie" doit être menée sur les dépenses de conseil des collectivités locales, qui ne peuvent être encadrées de la même façon que celles de l'État, plaident les députés Renaissance Marie Lebec et communiste Nicolas Sansu dans un rapport présenté ce mercredi 12 juillet. Un rapport issu des travaux d'une mission d’information flash sur "le champ d’application de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques".

Deux jours après un rapport de la Cour des comptes s'inquiétant d'une maîtrise insuffisante par l'État de ses dépenses de conseil (ces dépenses ont triplé entre 2017 et 2021, pour atteindre 233 millions d'euros hors prestations informatiques), les députés constatent qu'"aucune donnée suffisamment précise n'existe actuellement pour estimer le montant global des prestations de conseil effectivement réalisées au bénéfice des collectivités locales".

Selon des données parcellaires du ministère de l'Économie, le marché du conseil aux élus locaux a représenté en 2021 pas moins de 557 millions d'euros, répartis entre près de 3.000 prestations. Deux ans plus tôt, seuls 1.500 marchés de conseil avaient été passés par les collectivités pour un total de 353 millions d'euros. "À interpréter avec une très grande prudence", "ces données suggèrent néanmoins que le recours par les collectivités locales à des prestations de conseil externes a fortement progressé au cours des dernières années et représente un enjeu non négligeable pour les finances publiques locales", écrivent les deux rapporteurs.

Une proposition de loi visant à encadrer davantage les achats de conseil de l'État a été adoptée fin octobre au Sénat, mais n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi concernait uniquement l'État et ses établissements publics, les autorités administratives, la Caisse des Dépôts et les établissements publics de santé.

Lors de l'examen du texte au Sénat avait émergé l'idée d'étendre son champ d'application aux collectivités locales. La mission flash avait donc pour objet d'analyser la "potentialité" de cette possible extension aux collectivités, en menant notamment un certain nombre d'auditions – entre autres auprès des associations d'élus locaux – qui n'avaient pas été menées par le Sénat, a précisé Marie Lebec en présentant ces travaux ce mercredi matin.

"Il est vite apparu que cette extension serait compliquée à objectiver", a d'emblée souligné Nicolas Sansu. Le manque de données fiables tiendrait entre autres au fait que "ni les associations de consultants ni les associations d'élus n'effectuent une telle remontée d'informations". La mission a donc dû se contenter d'une approche qualitative de la question.

Le député a résumé en ces termes les principaux constats de la mission :

  • "Le conseil aux collectivités présente des spécificités par rapport aux autres acteurs publics", tant par la nature des prestations que par les motifs de recours. Ainsi par exemple, dans le cas de certaines évaluations environnementales, les textes imposent aux collectivités de faire appel à un tiers indépendant. "La structure du marché est également très différente" : le marché est "nettement plus atomisé", fait de prestataires de plus petite taille souvent implantés localement.
  • Toutefois, "certains enjeux sont communs à l'État et aux collectivités" : la transparence budgétaire, la transparence dans la prise de décision publique, la déontologie et la prévention des conflits d'intérêt.
  • L'encadrement des marchés de conseil aux collectivités repose essentiellement sur le droit commun de la commande publique, qui permet d'ores et déjà un contrôle certain. En revanche, le droit en vigueur ne prévoit pas d'obligations spécifiques de transparence ni l'application de règles déontologiques particulières à l'égard des cabinets.
  • L'encadrement "gagnerait à être renforcé" mais l'extension systématique des dispositions de la proposition de loi "ne semble pas efficiente". Parmi les dispositions difficilement applicables, les associations d'élus pointent notamment l'obligation d'évaluer les prestations de conseil dont on a bénéficié et à rendre publiques ces évaluations. De même, la publication d'une liste des missions de conseil et d'une cartographie des compétences internes paraît "difficile à mettre en œuvre dans les collectivités".

C'est sur la base de ces constats que la mission propose "la réalisation d'une étude plus approfondie sur le sujet", par exemple par la délégation aux collectivités de l'Assemblée, notamment pour évaluer plus finement "les enjeux budgétaires concernés" et "expertiser la question du seuil d'application du texte en fonction de la taille des collectivités".

Selon les deux députés, seules les collectivités de plus de 100.000 habitants devraient être concernées (un seuil qui correspond à celui de la loi Sapin 2 limitant les activités de lobbying).

Parlant en son nom propre, Nicolas Sansu estime que cette étude complémentaire "ne saurait entraver, repousser ou pire, enterrer la proposition de loi sénatoriale existante" pour l'État. D'éventuelles conclusions à venir concernant les collectivités pourraient selon lui faire l'objet d'un texte ultérieur. Le point de vue de Marie Lebec diffère sur ce point, la députée préférant pour sa part que l'État et les collectivités fassent l'objet d'une seule et même proposition de loi, l'étude proposée devant permettre d'adapter le texte sénatorial aux enjeux spécifiques des collectivités.

 

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