Archives

En 2017, les collectivités contribuaient à 23,3 % à la dépense intérieure de l'Éducation

Selon la Depp, les collectivités ont déboursé 36,1 milliard d'euros pour l'éducation en France en 2017, soit une contribution de 23,3 % à la dépense intérieure de l'Éducation (DIE). Qu'en sera-t-il en 2019, avec la quasi-fin des TAP (temps d'activités périscolaires), l'obligation d'instruction à 3 ans à partir de la rentrée scolaire 2019, l'accueil des enfants de 2 ans, la poursuite des dédoublements de CP et CE1 dans les REP…  Des réponses dans le rapport sur les crédits Éducation du projet de loi de finances pour 2019 de la commission Éducation du Sénat.


Près de 155 milliards d’euros ont été consacrés à l’éducation en 2017 en France, dont 57,4% financés par l'Etat et 23,3% par les collectivités territoriales. Ce sont ainsi 36,1 milliards d'euros que les collectivités consacrent à l'éducation, indique la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l'Éducation nationale, dans une note d'information publiée en novembre 2018 en pleine discussion parlementaire sur le projet de loi de finances pour 2019.
Selon les derniers chiffres de la Depp, les communes, en charge des écoles maternelles et élémentaires, financent 18,1 milliards d'euros, soit 11,7 % de la dépense intérieure de l'Éducation (DIE). Les régions et les départements, en charge des lycées et collèges, participent respectivement pour 11 et 7 milliards d'euros (soit 7,1 % et 4,5 % de la DIE).

La rémunération des personnels représente la moitié des dépense des communes

À la différence des régions et départements, le poste le plus important pour les communes est celui de la rémunération des personnels municipaux qui interviennent dans les écoles (9,6 milliards d'euros). Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles), agents de service chargés de l’entretien, gardiens, cuisiniers, agents de salle de restauration, agents territoriaux d’animation et intervenants divers en langues, musique ou sports… leur rémunération constitue depuis 2014 plus de la moitié de la dépense d’éducation des communes. Entre 2013 et 2017, elle a nettement augmenté (+ 7 points), du fait de la revalorisation des salaires des personnels de catégorie C et de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. Dans le même temps, l’investissement reculait. "Au total, les dépenses d’éducation des communes diminuent de 2013 à 2016, la hausse des rémunérations étant plus que compensée par une baisse de l’investissement", note la Depp, soulignant que "la tendance change en 2017 : les dépenses augmentent de 1,6 % avec une reprise de l’investissement de 4,9 % et une hausse des dépenses de personnel de 2,4 %, alors que les dépenses de fonctionnement diminuent de 1,5 %".

Les dépenses d’éducation des régions augmentent chaque année depuis 2013

Du côté des département, la Depp observe que les dépenses d’éducation "sont orientées à la baisse ces dernières années et leur structure a évolué". De 2013 à 2017, la part consacrée au fonctionnement a augmenté de 2 points et représente plus de la moitié des dépenses, au détriment de l’investissement (- 3 points).
Quant aux dépenses d’éducation des régions, elles "augmentent chaque année depuis 2013, en particulier leurs dépenses de fonctionnement qui ont crû de 26,6 % entre 2013 et 2017". Les compétences renforcées des régions dans la formation professionnelle continue et l’apprentissage expliquent en grande partie cette hausse, qui est amenée à se poursuivre (voir nos articles ci-dessous). En 2017, une reprise de l’investissement pour l’éducation se dessinai déjà (+ 5,4 %).
À noter également que les collectivités gèrent aussi la restauration et l’hébergement (à hauteur de 3,8 milliards d'euros en 2017, dont 3,2 revenant aux communes) ainsi que le transport scolaire (2,3 milliards d'euros, dont 1,8 pour les départements).

Nouvelles sollicitations financières en filigrane du PLF 2019

Les chiffres de la Depp tombent à pic alors que se poursuivent les discussions parlementaires autour du projet de loi de finances pour 2019. La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a certes émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission "Enseignement scolaire" mais en soulignant plusieurs points de vigilance concernant de près les finances des collectivités.
Elle note en premier lieu la "forte diminution" des crédits prévus au titre du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (-167,7 millions d'euros), sans s'en offusquer puisqu'il s'agit des "conséquences du choix d’un grand nombre de communes – 87 % d’entre elles à la rentrée 2018 – d’organiser la semaine scolaire des écoles primaires sur quatre jours, comme le permet à titre dérogatoire le décret du 27 juin 2017".

Dédoublement des classes en REP : une compensation des investissements jusque-là "très imparfaite"

La commission est nettement plus circonspecte pour ce qui concerne la poursuite du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP +. D'abord, et à contre-courant du satisfecit général, le rapporteur Jacques Grosperrin "invite le ministère à mener au plus tôt une évaluation rigoureuse de ce dispositif", rappelant, en citant la Depp, que "l’expérimentation de classes de CP à effectifs réduits menée de 2002 à 2004 s’était révélée décevante". 
Second point, "la compensation des investissements consentis par les communes a été très imparfaite", rapporte Jacques Grosperrin. "Ce n’est pas faute de dotations prévues à cet effet, puisqu'étaient notamment fléchées la dotation politique de la ville (DPV), la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ou encore la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Mais il semble que beaucoup de communes n’en ont pas eu connaissance à temps", explique-t-il. Il note également que "selon les départements, les priorités ont également pu varier". Dès lors, et "du fait de la gestion départementale de ces dotations", le ministère ne serait "pas capable de mesurer la part de ces dotations effectivement versée" pour financer spécifiquement cette mesure.

Fermeture de classes : le ministère assure de sa "bienveillance vis-à-vis de la réalité rurale"

Le rapporteur "s’inquiète" également des fermetures de classes en milieu rural, qu'il considère "liées pour partie à la nécessité de redéployer des postes pour financer le dédoublement" en éducation prioritaire. Recensant "au moins 300 fermetures de classes (…) à la rentrée 2018 en milieu rural", Jacques Grosperrin a proposé un amendement visant à transférer 10 millions d’euros de dépenses  vers l’enseignement primaire, afin de créer 300 postes de professeurs des écoles supplémentaires et ainsi "mettre fin aux fermetures de classes dans les écoles rurales". "L ’école est parfois le dernier service public présent dans les communes", a-t-il rappelé, invoquant également "les longs trajets imposés aux enfants et à leurs parents", la "perte d’attractivité" et la "désertification de tout un pan de notre pays".
"Nous sommes en mesure de proposer aux départements une stratégie pluriannuelle des écoles rurales reposant sur des enjeux qualitatifs", avait annoncé Jean-Michel Blanquer lors de son audition du 7 novembre par la commission, évoquant notamment le futur plan internat. le ministre de l'Éducation nationale s'était ensuite relancé dans la bataille des chiffres : "Dans les 45 départements les plus ruraux, 400 postes ont été créés en deux ans. En Lozère, les écoles accueillent 14 élèves par classe en moyenne - 15 en Vendée et 17 dans le Cantal - de la petite section au CM2, etc."
"Nous voulons un rebond de l’école rurale au cours des prochaines années dans un contexte marqué par des tendances démographiques défavorables et le besoin d’instiller l’espoir au sein de la population", avait-il aussi déclaré, assurant que "l’Éducation nationale fait preuve de bienveillance vis-à-vis de la réalité rurale".

Instruction obligatoire à trois ans : un surcoût pour les collectivités estimé à 100 millions d’euros

Le rapport aborde également l’abaissement à trois ans de l’obligation d’instruction (aujourd'hui fixé à 6 ans). Mesure annoncée par le président de la République lors des Assises de la maternelle au printemps dernier, elle se traduira dans le "projet de loi pour une école de la confiance" qui sera examiné par le Parlement au premier semestre 2019 pour une entrée en vigueur à la rentrée 2019.
Le rapport note que "la scolarisation des enfants de moins de trois ans nécessite un local adapté, ou une adaptation des locaux et un équipement en matériel spécifique, définis en accord avec la collectivité compétente" et que des formations pourraient être communes aux enseignants et personnels municipaux.
Il rappelle que si le taux de scolarisation des enfants de trois ans s’élève aujourd’hui déjà à 98,9%, il est beaucoup plus faible dans les territoires d’outre-mer et la fréquentation de l’école maternelle est "marquée par une assiduité relative".
D'un point de vue purement quantitatif, la mesure se traduira, selon le ministère, par une augmentation du nombre d’enfants scolarisés située entre 23.000 et 26.000, mais que cette augmentation sera compensée par la baisse attendue du nombre d’élèves prévue en 2019.
La mesure devrait en revanche se traduire par un surcoût pour les collectivités territoriales estimé à 100 millions d’euros. Mais "du fait des délais d’instruction des demandes, la compensation de ce surcoût ne devrait être versée qu’en 2020", souligne le rapport sénatorial, c’est pourquoi le PLF 2019 ne prévoit rien à cet effet. Le rapporteur promet d'ores et déjà qu'il sera "particulièrement vigilant à ce que le surcoût engendré pour les collectivités territoriales concernées soit intégralement compensé".

Scolarisation des enfants de deux ans : des maires peu motivés

Le rapport rend compte du "scepticisme des maires" quant à l'accueil des enfants de deux ans en éducation prioritaire. "Les communes sont réticentes à implanter ce type de structure compte tenu du coût, toujours en Atsem, souvent en mobilier, voire en garderie pré et post scolaire et au niveau de la restauration", relèvent les sénateurs en citant une note de l'Éducation nationale. "Ces réticences peuvent également être fondées par des considérations sur la préservation de l’emploi local, notamment des assistantes maternelles", ajoutent-ils.
Enfin, "le peu de confiance quant à la pérennité du dispositif constitue l’un des motifs invoqués pour expliquer le peu d’entrain de certains élus à consentir les investissements nécessaires", concluent-ils.
Il y a en revanche consensus pour mettre en avant "l’importance du rôle de l’Atsem dans l’accueil des enfants de deux ans et, plus généralement, dans le bon fonctionnement de l’école maternelle". Le rapporteur estime lui aussi que "la reconnaissance du rôle éducatif et d’assistance pédagogique des Atsem est nécessaire et méritée, comme l’ont recommandé deux rapports consacrés à leur métier" (voir nos articles ci-dessous).
De même, le partenariat entre l’école, les parents et les autres acteurs de la petite enfance (commune, PMI, CAF) est cité comme "l’une des conditions de réussite" de la scolarisation des enfants de deux ans.