Emprunts : les collectivités continueront-elles à bénéficier, en 2020, de conditions ultra-favorables ?
Grâce à la baisse des taux longs, les collectivités ont emprunté l'an dernier à un taux moyen de 0,71%, largement inférieur à celui observé en 2018 (1,10 %), selon un bilan que vient de présenter la société Finance active. La crise amorcée le mois dernier se traduit notamment par une hausse des marges bancaires, analysent ses experts.
En diminution continue ces dernières années, le taux moyen des nouveaux crédits souscrits par les collectivités territoriales a enregistré, en 2019, un niveau historiquement bas de 0,71%, enfonçant le plancher de 1,10% atteint en 2018. Pour la première fois, toutes les strates de collectivités se sont financées, l'an dernier, avec un taux moyen inférieur à 1%, constate la société Finance active dans la dernière édition de l'Observatoire de la dette des collectivités locales qu'elle a présentée, ce 28 avril, à la presse.
Les quelque 1.200 entités publiques locales abonnées aux services de la société de conseil en gestion de dette ont emprunté l'an dernier 8,3 milliards d'euros. C'est plus de la moitié du volume des prêts souscrits l'an dernier par l'ensemble du secteur public local (probablement une quinzaine de milliards d'euros).
Les départements et les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ont bénéficié des meilleures conditions de financement (respectivement 0,52% et 0,57%), tandis que les communes et intercommunalités de moins de 10.000 habitants ont dû se financer à un taux moyen de 0,89%.
Le financement bancaire dominant
Autre caractéristique des prêts souscrits l'an dernier : une durée moyenne en baisse (18 ans, contre 18,8 ans en 2018). Par ailleurs, les collectivités territoriales ont privilégié des emprunts à taux fixe (pour plus de 77% des nouveaux emprunts), la part des emprunts variables (moins de 23%) étant "historiquement faible".
Les banques ont financé l'an dernier plus des deux tiers (64,4%) des besoins d’emprunt à long terme des collectivités (nouveaux contrats et "consolidations" de contrats signés par le passé). Leur part de marché, qui s'élevait à 46% en 2014, n'a cessé de croître ces dernières années, pour atteindre 70% en 2018 (le repli observé en 2019 s’explique notamment par une percée des emprunts obligataires, ceux-ci permettant de couvrir plus de 17% du total des besoins de financement, en 2019). Les communes et les intercommunalités de moins de 50.000 habitants, ainsi que les Sdis sont les structures qui recourent le plus aux prêts bancaires (à plus de 90%). A l'opposé, les régions préfèrent d'autres financements (émissions obligataires, emprunts auprès de la Caisse des Dépôts ou de la Banque européenne d'investissement…).
Dette toxique : un poids marginal, globalement
Autre constat : la Banque Postale a consolidé sa place de "premier prêteur", avec plus de 45% des volumes de crédits bancaires accordés l'an dernier aux collectivités. Viennent ensuite : le groupe Banque Populaire-Caisse d’épargne (19,5% des nouveaux financements), la Société générale (15,6%) et le Crédit agricole (14,5%). Au total, "plus de 15 banques" ont prêté l’an dernier au secteur public local. Sans compter les financements alternatifs, dont les banques publiques. Ces dernières "restent les partenaires qui financent les investissements les plus longs avec 20,1 années en moyenne et jusqu’à 63 ans pour la Caisse des Dépôts", détaille Finance active.
Avec les excellentes conditions d'emprunt de l'an dernier, le taux moyen de l'encours de dette des collectivités locales (210 milliards d'euros à fin 2019) a lui aussi atteint un point bas, à 2,10% (contre 2,24% un an plus tôt). Ce phénomène de baisse du coût de la dette concerne "toutes les strates de collectivités", indique Finance active à partir de l'analyse des données de ses clients (lesquels ont un encours de dette de près de 100 milliards d'euros). Il existe toutefois des différences significatives entre le taux moyen des régions (1,82% en moyenne) et celui des communes et groupements à fiscalité propre de moins de 10.000 habitants (2,70%). Autre enseignement : la page des emprunts toxiques est belle et bien tournée, ce type de financement occupant une place désormais faible (3%) dans l'encours total de dette des collectivités.
Moins de prêteurs depuis le début de la crise
Qu'en sera-t-il des offres de crédit aux collectivités, dans le contexte hors normes que l'on connaît depuis la mi-mars ? Les taux vont-ils remonter ? Pour l'instant, "le niveau des taux est proche de ce qu'il était en début d'année", répondent les experts de Finance active. En revanche, les marges pratiquées par les établissements bancaires "ont doublé", au mois d'avril, sur les crédits long terme (avec un taux de marge moyen s'élevant à 1,43% pour la première quinzaine). Cette évolution – qu'il convient d'analyser avec prudence, compte tenu du petit nombre d'appels d'offres lancés dans cette période – traduirait à la fois l'augmentation du risque pris par les prêteurs et la décision de certains acteurs de se retirer du secteur des collectivités locales. Une "moindre concurrence" qui, pour le moment, n'entraînerait pas de problème d'accès à la liquidité. Ce qui tout de même pourrait ne pas durer. Si, au cours du second semestre 2020, les collectivités territoriales devaient emprunter massivement (par exemple pour redémarrer les chantiers et relancer l'économie locale), il n'est pas exclu, selon Finance active, qu'elles rencontrent des difficultés à se financer.
La révision à la baisse des notes de certaines grandes collectivités territoriales ou intercommunalités qui est intervenue récemment (voir notre article du 31 mars 2020) n'est pas, pour l'instant, de nature à dégrader les conditions d'accès au crédit des collectivités, estiment par ailleurs les experts de la société.