Emplois territoriaux : la Bretagne cultive l'esprit "Den"
Den : c'est le nom de la marque employeur que les centres de gestion de la fonction publique territoriale en Bretagne ont lancée au début de l'année. Inédite à cette échelle, la démarche vise à élargir les recrutements à des publics jusqu'ici éloignés de l'emploi territorial.
Enseignants artistiques, aides-soignants, chargés de propreté des locaux, ouvriers de maintenance des bâtiments, chargés d'accueil… les collectivités bretonnes et leurs groupements peinent à recruter un nombre conséquent de professionnels territoriaux. La surchauffe du marché du travail a d'abord concerné l'agglomération rennaise, et ce avant la crise sanitaire, puis a gagné le reste du territoire. Aujourd'hui, la situation est particulièrement préoccupante s'agissant des offres d'intérim proposées par le centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine (CDG 35) : entre le tiers et la moitié d'entre elles ne sont pas pourvues.
Rencontres entre candidats et employeurs, semaines d'information, formations de préparation aux métiers territoriaux… Bien avant le début de la pénurie, les quatre centres de gestion bretons (Côtes-d'Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Morbihan) avaient lancé de nombreuses initiatives pour tenter d'élargir le vivier des candidats et favoriser les recrutements. En parallèle, ils avaient amélioré le régime indemnitaire et les avantages sociaux accordés aux agents. Mais cela n'a pas suffi. "On ne savait pas quoi faire d'autre", reconnaît Laurent Zam, directeur général adjoint (DGA) du CDG 35. A alors germé l'idée qu'"il fallait imaginer autre chose" et initier un véritable "big bang", pour pouvoir toucher un public éloigné de la fonction publique territoriale et n'ayant jamais envisagé de la rejoindre. Pour les CDG bretons, une telle ambition nécessitait de s'émanciper de l'image désuète de l'emploi territorial et des préjugés à son égard, qui font florès dans une partie de l'opinion.
"Travailler pour les Bretons et leur cadre de vie"
Le fruit de leur réflexion est une "marque employeur". Autrement dit, l'application d'un concept en vogue dans le secteur privé - mais encore naissant dans le secteur public - qui s'apparente à la "proposition de valeur RH" d'une organisation et permet à celle-ci de "se faire connaître comme un employeur de choix", comme l'explique le cabinet de recrutement Profil public dans son livre blanc "Marque employeur et service public".
Le nom de la marque tient en trois lettres : Den. Ce qui signifie "l'être humain" en langue bretonne. Ce nom énigmatique n'évoque guère la fonction publique. C'est fait exprès. "Les métiers territoriaux sont porteurs de sens et d'utilité publique. Ils sont exercés par des personnes qui sont au service de toutes les personnes, et ce tout autour de nous et à tous les âges de la vie", décrypte Édith Merrant, directrice générale adjointe (DGA) du centre de gestion de la fonction publique territoriale des Côtes-d'Armor (CDG 22). "L'idée, c'était de se raccrocher à ce qui fait sens pour nous, à savoir le fait de travailler pour les Bretons et leur cadre de vie. S'il fait bon vivre en Bretagne, c'est notamment dû au travail que réalisent les agents des collectivités", complète Laurent Zam.
"Club de recruteurs et de recrutés"
Den célèbre l'identité bretonne. Cela se voit au suffixe "bzh" présent dans le nom du portail Den, qui se veut un véritable "club de recruteurs et de recrutés" de la fonction publique territoriale en Bretagne, selon le DGA du CDG 35. Les centres de gestion y publient leurs offres d'emplois permanents, en intérim ou en alternance. Les personnes en recherche d'emploi peuvent y répondre directement, ou déposer une candidature spontanée, que ce soit sur ordinateur ou smartphone. La réponse aux renseignements les plus élémentaires et le dépôt en ligne d'un CV suffisent. "Aujourd'hui, tout le monde cherche du travail avec un téléphone dans la main. Il nous fallait, donc, être accessible facilement, sans contraintes", souligne Édith Merrant.
Cette simplicité est permise par le logiciel de recrutement tout-en-un, qui a été développé par la société Beetween. Un outil qui entend par ailleurs faciliter la vie des professionnels des centres de gestion. Ceux-ci peuvent très rapidement gérer les offres d'emplois présentes simultanément sur Den et d'autres portails d'emploi. Ils gagnent aussi du temps avec la lecture automatisée des CV et les outils de gestion du parcours des candidats.
Sur Den.bzh, les internautes bénéficient de bien d'autres services, puisqu'ils peuvent : prendre connaissance des formations qui préparent aux métiers territoriaux ; découvrir l'agenda des événements bretons dédiés aux emplois territoriaux ; obtenir des informations personnalisées sur les voies d'accès à la fonction publique ; ou encore découvrir les métiers territoriaux – notamment par le biais de courts témoignages vidéos. En outre, pour ne pas rater les nouveautés du site, les visiteurs ont la possibilité de s'abonner à une newsletter.
"Casser les codes"
Afin de redorer l'image de la fonction publique territoriale et faire connaître Den, y compris auprès des personnes qui n'entretiennent pas de lien avec l'emploi territorial, les CDG bretons ont investi 100.000 euros HT dans une vaste campagne de communication grand public, conçue avec l'agence Précontact. Encarts dans la presse et affiches (dans le métro rennais, les zones péri-urbaines et les principales gares de Bretagne) ont été déployés à partir de fin janvier, et durant plus de trois semaines. Avec pour objectif de "casser les codes", en maniant l'humour. "Vous pensiez vraiment que c'était pour les planqués ici ? Chez nous, c'est tout l'inverse... La routine, on ne connaît pas !", pouvait-on ainsi lire sur l'une des affiches faisant apparaître les jambes d'une personne cachée sous un parasol de plage refermé. Laurent Zam dresse un bilan positif de cette opération inédite : "On aurait pu heurter un peu, mais il ne nous est remonté aucune remarque. On a un capital sympathie et en termes de notoriété, on a commencé quelque chose, ça se voit du côté des candidats qui se manifestent en particulier via les sites d'emploi."
Une nouvelle campagne de communication sera déployée à l'automne. "On ne court pas un sprint, mais un marathon", fait valoir Laurent Zam. L'idée devrait être alors de "trouver des relais de communication". Par exemple, les agents territoriaux pourraient être appelés à devenir "les ambassadeurs de leurs métiers", précise Édith Merrant. Ce serait une autre déclinaison de la marque employeur, un concept qui pourrait séduire d'autres territoires. "L'outil est transposable à d'autres bassins d'emplois, toutefois pas exactement à l'identique", fait remarquer le DGA du CDG 35. Qui tient à prévenir : "Ici, en Bretagne, on avait beau avoir une habitude de coopération et un formidable territoire, il a fallu se retrousser les manches. Il en ira de même chez les autres !"