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Emploi : la mobilité est-elle réservée aux plus aisés ?

Si 47,5% des Français qui estiment que leur territoire est en difficulté pensent qu'un déménagement leur permettrait d'améliorer leurs conditions de vie, peu franchissent le cap, faute de moyens... En revanche, les cadres franciliens sont quant à eux prêts à partir vivre en région, quitte à gagner moins. Ces deux trajectoires issues de deux études différentes (l'une du CGET, l'autre de Cadremploi), montrent la difficulté d'appréhender la question de la mobilité souvent vantée comme un remède au chômage.

Près de la moitié des Français (47%) qui estiment que leur territoire est en difficulté et/ou délaissé considèrent qu'un déménagement pourrait améliorer leurs conditions de vie. C'est ce qu'indique une étude du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) publiée cet été. Cette opinion est plus courante chez les personnes les plus précaires, qui vivent en dehors des grandes aires urbaines et qui pensent que leurs conditions de vie vont se détériorer. "31% des personnes à bas revenus pensent qu'un déménagement leur donnerait des atouts supplémentaires, contre 23% pour les personnes à hauts revenus, détaille le CGET. C'est également le cas pour 42% des chômeurs contre 29% des actifs occupés."

Moins de la moitié des souhaits de mobilité réalisée

Mais ces mêmes personnes qui souhaiteraient déménager ont du mal à passer à l'action : moins de la moitié des souhaits de mobilité des ménages se concrétise dans les quatre à cinq ans, signale le CGET. Ainsi en 2013, seulement 27% des ménages avaient effectivement changé de logement au cours des quatre années précédentes : 8% pour un département différent, et moins de 6% pour une autre région. Il y aurait donc une forme de sédentarisation contrainte des personnes à bas revenus (qui peut s'expliquer notamment par le coût des loyers dans les grandes villes), comme le montre notamment le géographe Christophe Guilluy dans ses travaux.
Alors faut-il soutenir les territoires en crise ou bien aider leurs habitants à s'installer ailleurs ? , se demande le CGET. Le simple fait de se poser la question peut paraître surprenant de la part de l'ex-Datar... Or, interrogés au regard de leurs aspirations (ou non) à déménager, les trois quarts des Français répondent qu'ils préfèrent une aide des pouvoirs publics pour réaliser leurs projets de vie dans les territoires dans lesquels ils vivent, plutôt que des aides pour s'installer dans un autre territoire !

La mobilité géographique, une solution non réaliste ?

Globalement, les Français pensent qu'ils auront du mal à déménager et préfèrent une aide pour vivre mieux là où ils sont installés. "La mobilité géographique, quoique souhaitée, n'apparaît donc pas comme une solution réaliste", conclut le CGET. Une intervention accrue des pouvoirs publics dans les territoires en difficulté pourrait représenter une option plus souhaitable. Les habitants de ces territoires insistent notamment sur la nécessité de voir s'installer de nouvelles entreprises, d'améliorer l'offre de soins et la présence de services publics (mairie, Caisses d'allocations familiales, Pôle emploi…).

Vivre en région même avec 10% de revenus en moins !

La situation est différente pour les cadres de la région parisienne, et notamment ceux qui touchent les plus hauts revenus (plus de 90.000 euros par an) : d'après une enquête de Cadremploi, publiée le 29 août 2017, 80% d'entre eux envisagent sérieusement de changer de région pour une meilleure qualité de vie (moins de pollution, d'embouteillages, un coût de la vie moins élevé) et une bonne partie d'entre eux (90%) sont même prêts à des concessions importantes, telle qu'une baisse du revenu de 10%, pour travailler et vivre en région… S'ils reconnaissent à la région parisienne de nombreux avantages (accessibilité rapide à tous les services, possibilité d'y exercer un travail intéressant et une vie culturelle riche), ils sont davantage attirés par des villes comme Bordeaux, Nantes, Lyon, Toulouse et Montpellier. Si l'on en juge pas ces deux enquêtes, la mobilité vantée comme une solution au problème du chômage serait plutôt l'apanage des plus aisés...