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Carte notariale - Emmanuel Macron s'en prend au "chantage odieux" des notaires

Ce n'est un secret pour personne, les relations entre Emmanuel Macron et la profession des notaires ne sont pas au beau fixe. Déjà son prédécesseur à Bercy, Pierre Moscovici, lui avait tracé la route en citant Keynes qui voulait "euthanasier les rentiers". Chantre du droit libéral, Emmanuel Macron a voulu frapper fort en s'attaquant à ce bastion des professions réglementées à travers sa loi du 6 août 2015. Lors d'un point d'étape de l'application de cette loi "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques" devant des parlementaires, le 14 juin, il s'est de nouveau montré très véhément à leur égard. "Nous sommes complètement capturés par la profession des notaires qui exerce un chantage odieux", s'est-il offusqué, déplorant le fait de devoir reporter la suppression des "clercs habilités". Jusqu'ici, les clercs pouvaient être habilités à recevoir certains actes en lieu et place des notaires. La loi avait prévu un couperet : douze mois après sa promulgation, soit à l'été 2016, il devait être mis fin à cette possibilité, l'idée étant que les clercs habilités seraient amenés à devenir eux-mêmes notaires salariés, notamment grâce à la validation des acquis de l'expérience. Les intéressés ont cependant jugé les délais beaucoup trop courts et pointé le risque de perdre leur emploi, dans un contexte de grande incertitude du fait de la liberté d'installation à venir. Un amendement sera apporté au projet de loi Justice du XXIe siècle pour donner un peu plus de temps à la mise en oeuvre de cette réforme, a précisé le ministre. "C'est vraiment de la part d'officiers publics ministériels triste de voir ça", s'est-il plaint.

247 zones d'installation libre

Cette pique préfigure le rapport de force qui s'annonce intense entre Bercy et la profession au sujet de la carte des offices notariaux publiée le 9 juin par l'Autorité de la concurrence. Cette carte qui doit faire l'objet d'un arrêté conjoint du ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas et du ministre de l'Economie, distingue 247 zones d'installation libre et 60 zones d'installation contrôlée (sur le sujet voir ci-contre notre article du 13 juin 2016). Dans les premières, l'installation sera libre, dans les secondes, elle ne sera pas interdite mais le garde des Sceaux pourra au cas par cas refuser la demande d'installation après avis de l'Autorité de la concurrence. Sur cette base, l'Autorité de la concurrence a proposé une installation progressive de 1.650 notaires à horizon 2018 et 4.000 d'ici 2024. Une proposition qui sied parfaitement à Emmanuel Macron. La carte "a des éléments de robustesse et d'objectivité qui me conduira à la défendre", a-t-il indiqué, lors d'un point presse organisé à l'issue de son point d'étape.
Concernant les modalités d'installation des nouveaux notaires, un décret du 20 mai 2016 est venu préciser qu'elles passeraient par un tirage au sort physique, en présence d'un représentant du Conseil supérieur du notariat (CSN). Les demandes devront être adressées par internet deux mois après la publication de la carte, dans un délai maximum de dix-huit mois. Les candidats ne pourront adresser qu'une demande par zone. Un arrêté du ministère de la Justice doit encore préciser les critères d'acceptabilité. Selon Emmanuel Macron, il devrait être pris d'ici le 1er septembre 2016.
Le ministre a également défendu devant les parlementaires les nouveaux tarifs (limités à 10% pour les petits actes, avec un plancher de 90 euros) qui auront pour effet selon lui de "déclencher des actes" pour de petites transactions (ventes de caves, de parcelles…) pour lesquelles les anciens tarifs s'avéraient dissuasifs. "Je regrette que la profession n'ait pas souhaité travailler de façon plus transparente", a-t-il encore tancé, ajoutant que si cette réforme s'avérait néfaste pour les offices ruraux, comme le craint le CSN, "on y reviendrait de manière très pragmatique". "Quand des professions bloquent on se fait parfois avoir", a-t-il enfin lancé.
Voilà des déclarations qui auront le don d'énerver le CSN qui espère une meilleure écoute de la part de son ministre de tutelle, Jean-Jacques Urvoas. "Il faudrait repartir à zéro et travailler dans une véritable concertation", s'insurge-t-on au CSN où l'on estime que la délimitation des zones d'installation libre est "très approximative", certains notaires se retrouvant en zones "libre" et pourtant bel et bien en milieu rural. "L'Autorité de la concurrence estime qu'en augmentant le nombre d'offices on augmentera mécaniquement le nombre d'actes, mais le droit n'est pas une marchandise comme les autres, il n'y aura pas plus d'actes de décès, pas plus de contrats de mariage", fait-on  aussi remarquer. Pour le CSN, cette charge constituée par la loi Macron n'est que le prélude à une lutte plus profonde entre droit latin et droit anglo-saxon. Le conseil craint ainsi l'arrivée des cabinets anglo-saxons par le biais des achats de parts, rendus possibles par la loi Macron, sachant que les notaires se sont souvent lourdement endettés pour pouvoir s'installer. L'arrivée de cabinets auprès d'offices publics "soumis à un contrôle déontologique très sévère" n'est en effet pas sans poser de problème.
 

 

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