Efficacité énergétique : des débuts encore timides pour le parc tertiaire
Dressant un premier bilan des données collectées par la plateforme Opérat mise en place dans le cadre du "dispositif éco énergie tertiaire", l’Ademe met en relief une baisse de 22% des consommations énergétiques du parc tertiaire enregistrées entre 2022 et la décennie 2010. Une baisse qu’elle s’emploie néanmoins à relativiser, évoquant une dynamique des rénovations énergétiques encore "embryonnaire" pour le parc tertiaire.
"La dynamique sur le tertiaire est embryonnaire. On en est un peu aux balbutiements." Présentant le premier bilan de l’Observatoire de la performance énergétique de la rénovation et des actions du tertiaire (la plateforme Opérat lancée en 2022), Romuald Caumont, chef adjoint du service bâtiment à l’Ademe, se fait prudent. Les premières analyses des données saisies sur cet outil recueillant annuellement les consommations d’énergie du parc tertiaire assujetti au "dispositif éco énergie tertiaire" (DEET) semblent pourtant encourageantes, même si le parc tertiaire représente 17% de la consommation d’énergie finale en France (249 TWh annuels, avec 37% d’énergie d’origine fossile).
Une baisse en trompe-l’œil ?
Entre 2022 et la période de référence (les années 2010 à 2019), une baisse de 22% des consommations a été en effet enregistrée par la plate-forme. Soit "près de la moitié de l’objectif de réduction de l’objectif de réduction de 40% fixé pour 2030 par la loi Élan" (laquelle porte en outre la réduction à 50% en 2040 et à 60% en 2050), relève Emerson Cabane, chef de projet Operat à l’Ademe. Qui tempère néanmoins lui aussi les ardeurs, en précisant qu’il n’est ici "pas tenu compte de l’ajustement climatique". L’étude montre ainsi qu’entre les années 2020 et 2022, il n’y eut "pas ou peu de baisse des consommations à climat constant", l’année 2021 étant à plusieurs égards exceptionnelle (reprise post-Covid et climat plus rude, entraînant une hausse des consommations).
Des données encore parcellaires et pas toujours fiables
Autre bémol, les données saisies sur Opérat sont encore parcellaires – la surface du parc tertiaire déclarée sur l’outil en 2021 était de 600 millions de m2, alors que le parc assujetti au DEET est estimé à 996 millions de m2 (et le parc tertiaire total à 1,233 milliard de m2 en 2022). L’Ademe y voit toutefois plutôt un verre à moitié plein, estimant que "les assujettis se sont massivement mobilisés". Tant publics que privés, alors que l’on aurait pu croire les premiers davantage sensibilisés et enclins à participer : "Le niveau d’engagement semble à peu près similaire sur les deux secteurs", estime ainsi Emerson Cabane.
L’Ademe juge en outre que près d’un quart des données sont insuffisamment fiables. Elle estime par exemple que les "énergies de stock" (produits pétroliers et bois) sont sous-représentées. "Le fait qu’elles soient stockables, et donc sujettes à des livraisons plus ou moins régulières, rend plus difficile la reconstitution d’une consommation annuelle", explique Emerson Cabane.
Premiers enseignements
Ce qui n’empêche pas de tirer quelques enseignements. Au global, le rapport fait notamment ressortir une légère évolution du mix énergétique, à périmètre constant, entre 2022 et la décennie 2010 : la part de l’électricité augmente (elle passe de 54,6% à 58,1% du total), quand celle du gaz régresse (de 36,8% à 32,5%). Les réseaux de chaleur urbain progressent très légèrement (de 5,8% à 6,9%).
Plus en détail, on relèvera par exemple que les locaux dédiés à l’enseignement représentent 21% des surfaces déclarées en 2021, mais 16% des consommations. Des bâtiments pour lesquels Emerson Cabane relève que "la part du gaz dans le mix énergétique est particulièrement important" (56%, mais 12% de réseau de chaleur urbain, taux le plus important recensé pour un secteur d’activité, avec les sports). À l’inverse, les locaux ayant trait à la santé représentent 13% des surfaces, mais 20% des consommations déclarées (42% électricité, 42% gaz, 11% réseau de chaleur).
Emerson Cabane observe également que "la dynamique des consommations n’est pas uniforme sur l’ensemble des typologies d’activités". Il souligne de même que "les travaux efficaces pour certaines ne le seront pas forcément pour d’autres". Et de prendre l’exemple des "bâtiments d’enseignement, où la part du chauffage est très importante et pour lesquels on mettra plutôt en avant des travaux d’isolation alors que dans les hôpitaux, où l’on a d’importantes déperditions de chaleur du fait du renouvellement d’air, on misera plutôt sur des solutions de récupération d’énergie sur la ventilation de ces bâtiments".
Le patrimoine des collectivités bientôt en open data ?
Mais Opérat n’a pas pour vocation de délivrer ce type de conseils. Emerson Cabane rappelle sa triple mission : permettre aux assujettis (propriétaires et preneurs à bail de bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments de plus de 1.000 m2) de répondre à leurs obligations réglementaires en renseignant la surface des bâtiments soumis à l’obligation de réduction de la consommation d’énergie finale, les consommations annuelles par types d’énergie, etc. ; fournir à ces derniers l’attestation annuelle prévue par les textes, "qui leur permet de savoir où ils se situent par rapport aux attentes" ; valoriser et diffuser les données collectées, alors qu’ "on a un défaut de connaissance sur ce parc". En la matière, Emerson Cabane précise que des évolutions sont notamment prévues pour mieux connaître le patrimoine des collectivités : "Notre objectif, c’est de mettre en 2025 en open data les jeux de données brutes du parc public, déclaration par déclaration, pour lequel il n’y a pas de risque ou de contre-indication à le faire".
De nouveaux arrêtés à venir
D’autres évolutions de l’outil sont également à venir, ne serait-ce que pour suivre l’évolution de la réglementation. "Tout n’est pas parfait, mais le bilan est quand même positif. Le dispositif éco énergie tertiaire est relativement complet, et donc complexe, notamment à traduire dans un outil informatique". Après de nouveaux arrêtés "Valeurs absolues" publiés en décembre, mars et juillet derniers, un autre, "très attendu, qui concerne les commerces qui ne sont aujourd’hui pas couverts", est en vue. Et il "y aura probablement un ultime arrêté après ce dernier", est-il encore précisé.