Transition énergétique des établissements de santé : un bilan d'étape de l’impact du Ségur sur l’investissement

La prise en compte de la transition écologique dans le pilotage du plan Ségur de la santé reste encore insuffisamment marquée, même si elle suscite de nombreuses initiatives locales encore dispersées faute de cadrage, estime un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas), dévoilé début juillet. Un suivi plus resserré des objectifs énergétiques apparaît donc nécessaire et, au-delà du Ségur, des mesures d’accompagnement et d’investissement supplémentaires sont préconisées pour répondre au "décret tertiaire", alors que les coûts de transformation du parc sanitaire et médicosocial sont colossaux.

Un récent rapport d’inspection formule près d’une vingtaine de recommandations pour améliorer le pilotage de la performance énergétique dans les projets immobiliers financés par le plan Ségur et, plus généralement, pour accélérer la transition énergétique des établissements sanitaires et médicosociaux. Trois ans après le lancement du Ségur de l’investissement en 2021, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) s’est attelée, - comme l’exige la feuille de route sur la planification écologique du système de santé présentée en mai 2023 -, à un exercice de bilan, afin d’en connaître le véritable impact sur la transformation écologique des bâtiments sanitaires et médicosociaux, dont plus de la moitié ont été construits avant 1980. 

Conçu comme un plan de modernisation et de transformation de l’offre de soins et d'accompagnement dans les territoires - entre autres doté de 9,3 milliards d’euros de crédits d’aides à l’investissement immobilier - le Ségur de la santé n’a pas fixé d’objectif environnemental et de cadrage précis à son lancement. Si les enjeux de transition énergétique sont depuis systématiquement abordés dans l’instruction des dossiers Ségur, "ils ne constituent pas pour autant un critère prépondérant de validation des projets", relève l’Igas. En outre, "en l’absence d’objectifs et d’indicateurs communs, l’impact global du programme [en termes de réduction de consommation d’énergie ou d’émissions de gaz à effet de serre-GES] est difficilement mesurable", souligne le rapport, qui plaide notamment pour un "monitoring plus fin" des objectifs énergétiques au regard de la forte contribution du secteur à hauteur de 8% des émissions nationales. La réduction de l’empreinte environnementale du système de santé est inévitable, et doit passer par une baisse des émissions de 5% par an pour atteindre la neutralité carbone en 2050. 

Des initiatives locales en ordre dispersé

Pas de doute sur "le saut qualitatif important" en matière de performance énergétique de l’enveloppe du bâtiment et d’émissions que la réglementation applicable aux bâtiments tertiaires doit permettre. Les investissements immobiliers financés dans le cadre du Ségur auront par conséquent "un impact environnemental nécessairement positif", reconnaît le rapport, rappelant au passage que la nouvelle réglementation environnementale (RE 2020) plus ambitieuse devrait concerner dès 2024 ce secteur dans les projets de construction neuve. La mission a pu constater que les établissements sanitaires et médicosociaux sont nombreux à s’engager dans des démarches volontaristes pour leurs projets immobiliers en retenant parfois des référentiels environnementaux "plus exigeants que les normes réglementaires", mais se heurtent à la hausse des coûts et un contexte budgétaire dégradé. Environ 10% des projets sélectionnés dans le cadre du plan Ségur affichent le développement durable comme un objectif prioritaire. En Occitanie, Bretagne, Île-de-France, les agences régionales de santé (ARS) ont développé un référentiel commun pour intégrer la transition écologique dans les projets immobiliers. Certaines (Pays de la Loire et Nouvelle-Aquitaine) adoptent même un dispositif de bonification des projets d’investissement médicosociaux ambitieux sur le plan environnemental. 

Développer des indicateurs de pilotage

La mission recommande notamment, sans définir d’objectifs trop ambitieux, de consolider un référentiel commun et opposable d’analyse des enjeux environnementaux des projets immobiliers Ségur, gradué en fonction de la taille du projet, avec quelques indicateurs simples de pilotage associés, basés sur les exigences réglementaires (incluant gain énergétique et baisse des émissions de GES attendus). Il est également préconisé de conditionner les aides à l’investissement des projets les plus importants à la réalisation d’un audit patrimonial et énergétique pour inciter les établissements à optimiser leurs surfaces et les consommations énergétiques afférentes. La bonification pourrait être un levier pour des projets immobiliers exemplaires visant le niveau "bâtiment basse consommation" (BBC) dans le cadre de la directive européenne sur l’efficacité énergétique. Le décalage dans le temps des projets Ségur permet encore cette adaptation immédiate. Sachant qu’à l’automne 2023, seuls 26% des projets d’investissement dans le champ sanitaire ont fait l’objet d’une validation finale, et 63% des projets n’ont pas encore franchi la première étape d’instruction.

Des leviers supplémentaires à activer 

"Plus globalement, au-delà des enjeux de court terme liés au Ségur de l’investissement, l’accélération de la transition écologique des établissements nécessite une meilleure connaissance du patrimoine, un accompagnement technique renforcé et un plan d’aide à la rénovation énergétique, dans le cadre d’un pilotage plus resserré au niveau régional", souligne le rapport. 

La mise en œuvre du décret tertiaire -qui prévoit une réduction de la consommation d’énergie de 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050 par rapport à l’année de référence comprise entre 2010 et 2019- "va nécessiter un accompagnement renforcé des établissements et des investissements très conséquents pour atteindre les objectifs fixés", souligne-t-il. Les mesures de sobriété, d'économie et d’optimisation énergétique devront y jouer un rôle majeur en permettant "de réduire d’environ 30% la consommation énergétique des établissements et, pour certains d’atteindre le premier jalon du décret tertiaire en 2030, sans investissement majeur". Le rapport recommande ainsi de consolider le réseau des 165 conseillers en transition écologique et énergétique en santé (CTEES). Un programme national "certificat d’économie d’énergie" (CEE) est proposé pour financer notamment l’extension de ce réseau. 

Le document préconise également de procéder rapidement à un inventaire du patrimoine des établissements de santé et médicosociaux pour préparer un plan pluriannuel de rénovation énergétique à horizon 2050 dans le cadre de la stratégie pluriannuelle de financement annuel de la transition écologique (SPFTE), qui devrait être discutée dans le cadre du projet de loi de finances 2025. Une enveloppe annuelle d’aide publique comprise entre 500 et 600 millions d’euros par an jusqu’en 2050 pourrait ainsi être envisagée pour surmonter le mur d’investissement à venir (évalué entre 27 milliards d’euros et 67 milliards d’euros sur la période 2025-2050, soit un investissement annuel compris entre 1 et 2,5 milliards d’euros). 

 

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