Economies : le gouvernement cible les arrêts maladie des agents publics

L'exécutif va déposer des amendements au projet de loi de finances pour 2025 pour faire passer d'un à trois le nombre de jours de carence dans la fonction publique et réduire à 90% l'indemnisation des arrêts de travail. Les mesures s'inscrivent dans un plan d'économies supplémentaires de 5 milliards d'euros en 2025.

La FSU dénonce "une provocation et beaucoup de mépris pour les fonctionnaires", tandis que la CFDT fustige "la volonté d’instauration de vieilles recettes dont l’impact positif n’a jamais été prouvé". De son côté, l'Unsa Fonction publique déplore la "double injustice" qui "frappe la fonction publique". Il s'agit de "tout sauf d'une mesure de justice sociale", s'indigne-t-on de même chez Force ouvrière.

L'annonce ce 27 octobre par le gouvernement de mesures nouvelles censées lutter contre "l'absentéisme" dans la fonction publique a suscité un véritable tollé chez les syndicats d'agents publics. Il s'agit de porter de un à trois le nombre de jours de carence dans la fonction publique : en cas d'arrêt maladie, un agent public ne serait indemnisé qu'à partir du quatrième jour. Par ailleurs, les jours suivants (jusqu'au quatre-vingt-dixième) ne seraient plus indemnisés qu'à 90%, contre 100% aujourd'hui. En sachant que les exceptions au jour de carence en vigueur aujourd'hui (affections liées à une grossesse, affections de longue durée, accidents de service, invalidité, maladies graves) seraient maintenues.

Individuellement, les agents publics qui le souhaiteront pourront peut-être "couvrir ce risque" en disposant d'un contrat de protection sociale complémentaire (assurance, mutuelle…). "Je suis totalement ouvert à ce qu'[ils] puissent le faire", a déclaré Guillaume Kasbarian dans une interview au Figaro.

Economie d'1,2 milliard d'euros

Le gouvernement s'apprête à déposer des amendements dans le cadre de l'examen prochain de la deuxième partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 à l'Assemblée nationale pour faire passer ces nouvelles règles. Ces dernières reviendraient à aligner le secteur public sur les pratiques du privé, a soutenu l'entourage du ministre de la Fonction publique lors d'un échange avec la presse. En soulignant "l'écart qui se creuse" entre les deux secteurs (avec 14,5 jours d'absence en moyenne dans la fonction publique en 2022, contre 11,6 dans le privé la même année).

Les absences pour raison de santé des agents publics ont coûté 15,1 milliards d'euros en 2022, dont 5,8 milliards d'euros pour les employeurs territoriaux. Ce "fléau" emporte aussi "des effets sur la qualité du service rendu", avec une "désorganisation" des services publics", pointe le cabinet de Guillaume Kasbarian, en soulignant que les agents en sont "les premières victimes".

Le gouvernement s'est inspiré des préconisations d'un rapport des inspections générales, rendu public début septembre, qui, déjà, avait fait vivement réagir les syndicats (voir notre article sur ce rapport). Celui-ci évaluait à 900 millions d'euros (300 millions d'euros pour chacun des versants) les économies possibles grâce au plafonnement de la rémunération à 90% pendant un congé maladie ordinaire et à 289 millions d'euros les économies liées au passage à trois jours de carence. C'est ainsi près d'1,2 milliard d'euros que les employeurs publics pourraient espérer gagner.

"Perte de pouvoir d'achat" pour les agents

Le ministre chargé de la Fonction publique a annoncé qu'il mènerait, en complément de ces mesures, des discussions avec les représentants des personnels et des employeurs sur les conditions de vie au travail des agents – notamment pour "traiter les causes de l'absentéisme" et améliorer "la prévention des risques psychosociaux". Deux autres concertations sur "la débureaucratisation" et le "renforcement de la protection des agents face aux violences et agressions" seront inscrites à l'Agenda social de la fonction publique.

Dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, le débat sur l'utilité du jour de carence instauré en 2018 devrait donc resurgir. Le gouvernement fait valoir que celui-ci a fait reculer le nombre de jours d'absence des agents publics. Mais un bilan établi par l'Insee montre que les choses sont plus complexes : si les arrêts de courte durée ont bien diminué, les absences de longue durée ont à l'inverse augmenté. La légitimité d'un alignement de la fonction publique sur le secteur privé devrait aussi donner lieu à des discussions. En effet, les trois quarts des salariés du privé bénéficieraient de la prise en charge des jours de carence par l'intermédiaire de leur entreprise ou de leur mutuelle. En revanche, ce n'est pas le cas dans la fonction publique car, comme l'indique le cercle de réflexion "Sens du service public", "il est juridiquement impossible qu'un accord collectif de prévoyance [y] prenne en charge la carence". 

Au total, "la mise en place de deux jours supplémentaires [de carence] constituera seulement une réelle perte de pouvoir d'achat et une nouvelle perte d'attractivité des métiers publics", conclut ce groupe d'agents publics. Qui estime à 186 euros bruts la perte salariale de trois jours de carence pour un agent de catégorie C ayant une ancienneté moyenne.

Véhicules électriques, culture, opérateurs…

L'économie de 1,2 milliard d'euros sur les absences dans la fonction publique fait partie d'un paquet de 5,2 milliards d'euros d'économies supplémentaires envisagées dans le cadre du projet de budget pour 2025. Annoncé ce 27 octobre par le gouvernement, ces économies doivent permettre à la France d'atteindre un déficit public de 5% du PIB, la cible prévue par l'exécutif l'an prochain.

Plus de la moitié de ces 5 milliards d'économies additionnelles, soit 2,6 milliards, proviennent de l'annulation d'une partie "significative" de la réserve de précaution de quasiment tous les ministères et de leurs opérateurs. Les ministères de la Défense, de l'Intérieur, de la Justice, de l'Enseignement supérieur et des Outre-mer ne seront pas concernés.

S'y ajoute un bloc de 1 milliard d'euros d'"économies ciblées" sur des politiques publiques, dont 640 millions d'euros de baisse pour l'aide publique au développement, 55 millions de réduction pour la culture - notamment l'audiovisuel public et le recentrage du Pass Culture - et 300 millions de baisse sur les dispositifs de soutien au verdissement des véhicules. Sur ce dernier point, l'enveloppe passe à 700 millions d'euros au lieu de 1 milliard, "étant précisé que ces 700 millions d'euros seront complétés par des aides via les certificats d'économie d'énergie", a précisé l'entourage du ministre chargé du Budget.

Une dernière poche d'environ 300 millions d'euros d'économies additionnelles sera prélevée dans la trésorerie de certains opérateurs excédentaires, dont les agences de l'eau et l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afit).

Par ailleurs, le gouvernement compte accentuer la réduction des effectifs de l'Etat en 2025, avec un "effort supplémentaire" de 1.000 emplois publics en moins (équivalents temps plein). Ils s'ajoutent aux 2.200 postes de fonctionnaires que le gouvernement veut supprimer dans le projet de budget, a dévoilé Laurent Saint-Martin dans Le Parisien.

 

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