Économie circulaire : la loi Agec rattrape son retard d'application
La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) connaît des débuts laborieux. À l’approche du premier anniversaire de sa promulgation, le rattrapage du retard pris dans sa mise en œuvre s’accélère avec la publication fin décembre d’une moisson assez conséquente de décrets d'application.
Des retards à l’allumage, des mesures qui se font attendre et des collectivités qui s’impatientent. Concernées au premier chef par les évolutions apportées par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec), dont une cinquantaine de mesures sont applicables par décrets ou arrêtés, ces dernières ont dû attendre la trêve des confiseurs pour en savoir plus. En octobre dernier, le taux d’application de cette loi flirtait à peine avec les 5%. La crise sanitaire expliquait ces difficultés cumulées durant une période clé pour l’élaboration des textes.
Collecte sélective dans les ERP
Les collectivités peuvent désormais se référer au décret qui exige d’elles, en tant qu’exploitants d’établissements recevant du public (ERP), d’organiser dans ces lieux une collecte sélective des déchets du public reçu, ainsi que ceux générés par leur personnel. Introduit à l’article 74 de la loi Agec, cet enjeu important pour renforcer la continuité du geste de tri jusque dans ces établissements pouvant être aussi bien privés (enseignes de vente) que publics (par exemple des gymnases ou piscines) a fait réagir des organisations professionnelles et des associations d’élus lors de la phase de consultation. Le projet de décret prévoyait une obligation différenciée selon la catégorie d’ERP, contestée notamment par Amorce. Le réseau d’élus et d’entreprises semble avoir eu gain de cause. En effet, le texte final ne fait plus mention de ces exceptions. Il retient pour seul critère le volume de déchets produits, avec un seuil fixé à 1.100 litres par semaine, tous déchets confondus. Cette obligation, désormais gravée dans le marbre du code de l'environnement, auquel un article dédié est ainsi ajouté (art. R. 541-61-2), est assortie de sanctions si l’exploitant de l’ERP ne met pas à disposition des moyens de collecte adaptés.
Déchets de chantier : formaliser l’amont
Les collectivités se retrouvent également, en tant que maîtres d'ouvrage publics, en première ligne des obligations de la loi sur l'économie circulaire qui les contraint à mieux valoriser les déchets de chantier. Ceux-ci représentent 46 millions de tonnes par an à l’échelle du secteur du bâtiment. La loi fixe à janvier 2022 l’échéance imposant aux maîtres d'ouvrage plus de traçabilité dans l’après-vie des déchets de chantier. Mais pour bien les orienter en aval, encore faut-il les préparer en amont. D’où la réforme du diagnostic "déchets des bâtiments" (voir notre article du 30 novembre 2020), mais aussi la formalisation de lignes déchets dans les devis de travaux commandités par les maîtres d'ouvrage. Tous deux entrent en vigueur en juillet prochain.
Un décret publié le 31 décembre met ainsi en place de nouvelles exigences pour que "les maîtres d'ouvrage puissent s'assurer de la bonne gestion des déchets issus de leurs chantiers, dont ils sont responsables". Entreprises, professionnels du bâtiment ou du jardinage devront affiner leurs devis de travaux de construction, de rénovation, de démolition ou de jardinage en y détaillant les coûts associés aux modalités d'enlèvement et de gestion des déchets. "Ils doivent également mentionner les installations dans lesquelles les déchets seront déposés en fonction de leur typologie".
Réparabilité et réforme de la REP
Au Journal officiel du 31 décembre est par ailleurs paru le décret relatif à l'indice de réparabilité des équipements électriques et électroniques (DEEE). Il concerne les producteurs, distributeurs et metteurs sur le marché de ces équipements (lave-linges, téléviseurs, ordinateurs et téléphones mobiles, etc.). Ce texte fixe les grandes lignes de l’indice entré en vigueur au 1er janvier qui prend la forme d’une note sur dix calculée sur la base de plusieurs critères, dont le détail figure dans l'arrêté relatif aux paramètres et modalités d'affichage de l'indice, qui doit avant tout être lisible notamment en magasin.
Plus important pour les collectivités chargées de la gestion des déchets, un décret du 29 décembre vient préciser la réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP). Sachant que cette réforme a déjà fait l’objet d’un décret fin novembre 2020. Ce nouveau décret s’applique à plusieurs filières à REP (piles, DEEE, textiles, déchets d’imprimés papiers, etc.). Il introduit dans le code de l’environnement les notions d’emballage réemployable et emballage composite qu’il définit. Il revient aussi sur un dispositif régulièrement retouché depuis le Grenelle de l'environnement, à savoir l'harmonisation des consignes de tri des déchets d'emballages ménagers. Les collectivités, leurs groupements, syndicats mixtes et éco-organismes ont jusqu’au 31 décembre 2022 pour mettre en place ce "dispositif harmonisé de règles de tri", c’est-à-dire "la liste des types de déchets d'emballages ménagers faisant l'objet d'une collecte séparée". Le texte précise aussi les contours de la nouvelle filière de REP pour les produits du tabac.
Déchets chimiques des ménages
Pour renforcer la prévention et réduire la quantité, la nocivité des déchets ménagers issus de produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l'environnement, ainsi que la part de ces déchets collectés avec les ordures ménagères non triées, l’actuelle information des utilisateurs ne suffit plus. Il convient de mettre en place, toujours selon ce même décret, "un dispositif de collecte de ces déchets sur des points d'apport volontaire qui couvre l'ensemble du territoire national". Ce en collaboration avec les collectivités territoriales et les distributeurs. Les coûts de cette collecte sur des PAV, effectuée à minima une fois par semestre, devront être pris en charge par les collectivités et leurs groupements.
Mobilier, logos et invendus non alimentaires
Une dernière disposition du décret intéressera les collectivités. Elle concerne les déchets d'éléments d'ameublement. Cette filière compte deux éco-organismes agréés, Valdélia pour le mobilier professionnel, Eco-mobilier pour les meubles des particuliers. Avec le second, elles bénéficient d’un nouveau barème de soutien aux tonnes triées, qui tient compte depuis peu du taux de remplissage des bennes. Mais pour que chacun des deux "contribue équitablement aux coûts de collecte, d'enlèvement et de traitement", un mécanisme de péréquation financière "peut être mis en place". Les modalités de cet "équilibrage" sont précisées par le cahier des charges. Sur ces produits soumis au principe de REP, la signalétique visant à informer les consommateurs sur leur règle de tri présente en outre des marges de progrès. L’arrêté du 30 novembre 2020 instaure ainsi une pénalité pour les signalétiques et marquages pouvant induire une confusion sur la règle de tri.
Étancher la soif
Une dernière mesure phare anti-gaspillage entre en application. L'interdiction de la destruction des invendus non alimentaires fait l’objet d’un décret. Outre lister les produits (hygiène, puériculture) devant de préférence faire l'objet d'un réemploi grâce au don, il clarifie des dispositions visant à limiter l'usage de vaisselles jetables à usage unique, au profit de vaisselle réemployable. Enfin, il précise quelles catégories d’ERP sont soumis à l'obligation d'installer des fontaines d'eau.
Références : décret n°2020-1758 du 29 décembre 2020 portant diverses modifications des dispositions du code de l'environnement relatives à la gestion des déchets ; décret n°2020-1817 du 29 décembre 2020 portant sur les informations des devis relatives à l'enlèvement et la gestion des déchets générés par des travaux de construction, de rénovation, de démolition de bâtiments et de jardinage et des bordereaux de dépôt de déchets ; décret n°2020-1757 du 29 décembre 2020 relatif à l'indice de réparabilité des équipements électriques et électroniques ; arrêté du 29 décembre 2020 relatif aux modalités d'affichage, à la signalétique et aux paramètres généraux de calcul de l'indice de réparabilité ; décret n°2020-1725 du 29 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation relatives à la responsabilité élargie des producteurs ; arrêté du 30 novembre 2020 relatif aux signalétiques et marquages pouvant induire une confusion sur la règle de tri ou d'apport du déchet issu du produit ; décret n°2020-1724 du 28 décembre 2020 relatif à l'interdiction d'élimination des invendus non alimentaires et à diverses dispositions de lutte contre le gaspillage. |