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E-Fran, un pas pour structurer le numérique éducatif

La restitution des projets e-Fran, lancés en 2016, a permis de mettre en avant la pertinence d'une vingtaine de programmes visant à approfondir les impacts du numérique éducatif. Si quelques faiblesses sont à relever, le ministère de l'Éducation nationale comme le Secrétariat général pour l'Investissement ont fait part de leur volonté de les pérenniser.

"On ne doit pas avoir une vision magique des outils numériques." Jean-Michel Blanquer n'a pas tenu, le 15 novembre 2021 à l'occasion de la restitution du programme e-Fran, un discours empreint de béatitude technophile. Le ministre de l'Éducation nationale s'est même dit "très inquiet par l'addiction aux écrans", assurant qu'il en voyait "trop les dégâts". "Mais on ne peut pas nier la civilisation numérique", a-t-il nuancé. Et pour cause. Jean-Michel Blanquer avait face à lui un panel d'acteurs ayant participé à l'action e-Fran.

Depuis 2016, dans le cadre du programme d’Investissements d’avenir (PIA2), cette action apporte un soutien financier – pour un total de 19,5 millions d'euros à ce jour – à des projets destinés à approfondir les impacts du numérique sur l’enseignement et l’apprentissage. Concrètement, il s'agit de lier plus étroitement les pratiques éducatives et les apports de la science au bénéfice d’une connaissance améliorée des conditions requises pour la réussite de tous les élèves. Particularité de ces projets : ils doivent associer des équipes de recherche pluridisciplinaires, des écoles et des établissements scolaires, mais aussi des entreprises, des associations et des collectivités.

Implication des enseignants

L'évaluation a donc d'abord porté sur l'implication des différents partenaires. Des 22 projets sélectionnés il y a cinq ans et ayant fait l’objet d’une convention avec la Caisse des Dépôts, il ressort que plus de 25 établissements d’enseignement supérieur ont été impliqués, ainsi que 57 unités de recherche, 22 entreprises ou jeunes pousses, 10 associations et 30 collectivités territoriales. Côté Éducation nationale, ce sont plus de 890 écoles et établissements scolaires, de la maternelle au BTS, 1.240 enseignants et 25.000 élèves qui ont participé aux projets. Pour Édouard Gentaz, président du comité d’évaluation, "l'objectif de faire travailler ensemble des personnes et des institutions très diverses sur un objectif commun a fonctionné". Surtout, on a pu noter que "dans les projets qui se sont le mieux déroulés, il y a toujours eu une implication des enseignants".

"On ignore les effets sur les performances des élèves"

En pratique, plusieurs applications numériques pour l’enseignement et l’apprentissage ont été développées et des applications existantes ont été améliorées. Dans l'académie de Grenoble, le projet Fluence (financé à hauteur de 1.532.792 euros) visait à entraîner la fluence en lecture pour prévenir les difficultés d'apprentissage. Dans l'académie d'Aix-Marseille, le projet Arabesc (soutenu à hauteur de 362.232 euros) avait pour but d'expérimenter l'apprentissage d'une langue étrangère avec un clavier ou un stylet. Tandis que le projet Silva numerica, développé dans l'académie de Dijon pour une enveloppe de 802.235 euros, envisageait de développer une plateforme de réalité virtuelle pour la filière bois-forêt, en lien avec un lycée agricole local.

Dans ce bilan globalement positif, Édouard Gentaz a toutefois relevé deux faiblesses. Tout d'abord, il a constaté que si beaucoup d'actions de formation avaient été proposées aux enseignants – plus de 2.500 durant quatre ans –, dans la plupart des programmes il n'y a pas eu d'évaluation qualitative et quantitative des effets de ces formations sur les gestes professionnels des enseignants. "Par ricochet, a-t-il regretté, on ignore les effets sur les performances des élèves." Autre faiblesse mise en exergue : à l'heure de l'école inclusive, très peu des applications développées prennent en compte le handicap. Enfin, pour ce directeur de recherche au CNRS et professeur de psychologie, "on ne sait pas si les résultats trouvés à ce jour se maintiendront dans le temps".

Continuité des politiques publiques

De son côté, Jean-Michel Blanquer s'est déclaré "séduit" par ce qui a été présenté. Le ministre de l'Éducation nationale a vu dans ces projets "tous les ingrédients de ce que nous voulions", à commencer par la "rigueur dans l'approche et sur le fond", tout en constatant que "l'enjeu de l'utilité des outils numériques" était bien au rendez-vous.

Désireux de "sortir de l'empirie pour commencer à se structurer" en matière de numérique éducatif, Jean-Michel Blanquer a rappelé que la logique des investissements d'avenir permettait "d'avoir une continuité des politiques publiques". De façon plus pragmatique, le ministre souhaite dupliquer ce qui a marché dans les classes concernées par les différents projets d'e-Fran. "Cela ne saurait retomber comme un soufflet et doit être l'enclenchement d'une dynamique pérenne", a-t-il précisé. Directeur adjoint pour l'éducation, la jeunesse et la formation professionnelle au secrétariat général pour l'investissement (SGPI), Olivier Vandard a de son côté assuré que tous les projets allaient continuer : "Ils doivent être déployés, rendus plus robustes."