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PLF 2019 - Dotations, communes nouvelles, péréquation… Tous les amendements adoptés par le Sénat

Dans le cadre de la discussion en cours de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2019, et plus particulièrement des crédits de la mission "relations avec les collectivités territoriales", le Sénat a modifié les dispositions du texte concernant les dotations de l'Etat et la solidarité financière entre les collectivités. Au cœur de ses amendements : la volonté de protéger les communes contre les baisses de dotations, d'encourager les communes nouvelles, ou encore de mieux flécher vers les territoires ruraux les subventions de l'Etat aux investissements. Localtis fait le point sur l'ensemble des évolutions voulues par la Haute assemblée.

Comme l'avaient fait leurs collègues du Palais Bourbon, les sénateurs ont cherché à trouver des solutions aux baisses, parfois significatives, des attributions de dotations de l'État aux collectivités qui peuvent survenir dans le contexte de stabilité de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Lors du dernier congrès de l'Association des maires de France, les élus ont une nouvelle fois dit combien ils avaient été surpris, au printemps dernier, par l'ampleur des réductions. D'après l'AMF, le phénomène a affecté près de la moitié des communes. Pour beaucoup d'entre elles, l'origine du problème n'est autre que la nouvelle carte intercommunale entrée en vigueur début 2017, laquelle a pu modifier artificiellement le niveau des ressources communales.
Le Sénat a ainsi adopté un amendement du groupe socialiste exigeant que les intercommunalités ayant connu une modification de leur périmètre réalisent un bilan des conséquences de cette évolution sur les montants des dotations perçues par leurs communes membres. L'amendement prévoyait aussi, dans le cas où des communes subissaient une baisse de leur DGF du fait de l'évolution de la carte intercommunale, l'obligation d’une compensation interne à l’EPCI à fiscalité propre concerné. Les attributions de compensation des communes connaissant une hausse de leur DGF auraient été diminuées pour pouvoir majorer celle des communes perdantes. Mais cette disposition a été retirée pour éviter d'ériger "une tutelle de l'intercommunalité sur les communes", selon les mots du rapporteur spécial, Claude Raynal.
Début novembre, l'Assemblée nationale avait inscrit dans le projet de loi un dispositif de sortie lissée pour les communes perdant, à partir de 2019, l'éligibilité à la fraction cible de la dotation de solidarité rurale (DSR). À l'initiative du groupe LREM, le Sénat a prévu que ce dernier sera applicable en 2018. Par ailleurs, contre l'avis du ministre, il a voulu qu'à partir de 2019, le mécanisme de sortie de la DSR "cible" ait une durée de trois ans (contre une seule année prévue par l'Assemblée nationale). Toujours malgré un avis négatif du gouvernement, le Sénat a aussi voté une disposition affirmant que des communes "ne peuvent être pénalisées sur leur dotation globale de fonctionnement communale par le seul fait d’intégrer une intercommunalité plus favorisée".
Enfin, les sénateurs ont rendu plus opérationnel le dispositif créé par les députés, qui renforce l’information des collectivités territoriales sur les motifs d’évolution d'une année à l'autre de leurs attributions individuelles de dotations.

Aux petits soins pour les communes nouvelles

Au cours de cette discussion, les sénateurs ont montré aussi la ferme intention de donner un coup de pouce aux communes nouvelles, alors qu'à l'approche des élections municipales, la création de ces entités tend à s'essouffler.
Quelques heures à peine après avoir examiné en commission la proposition de loi de Françoise Gatel visant à faciliter la mise en place de ces fusions de communes, la Haute Assemblée a prolongé la mise en œuvre du "pacte de stabilité financière" dont bénéficient les communes nouvelles. Alors que le dispositif doit prendre fin le 31 décembre prochain, il serait prorogé de deux ans. Le ministre en charge des collectivités territoriales a donné sa bénédiction à la mesure. En bénéficieraient les communes nouvelles "créées entre le 2 janvier 2019 et le 1er janvier 2021". Une période que l'on sait marquée par les élections municipales. Mais Françoise Gatel, qui est à l'origine de l'amendement, l'assure : des communes nouvelles pourront être créées durant ce temps. Selon elle, les conseils municipaux pourront prendre ce type de décision "jusqu'au 1er mars 2019, ainsi qu'au lendemain des prochaines élections municipales de mars 2020".
Le pacte de stabilité financière ne serait toutefois pas identique à celui que l'on connaît aujourd'hui. La loi de finances pour 2018 avait étendu le bénéfice de la majoration de 5% de la dotation forfaitaire pendant trois ans aux communes nouvelles dont la population est inférieure ou égale à 150.000 habitants. Une mesure jugée coûteuse pour la grande majorité des collectivités locales, puisqu'elle est financée à l'intérieur de l'enveloppe des dotations. L'amendement ramène donc le seuil à 30.000 habitants. Mais, dans le même temps, il prévoit le relèvement à 150.000 habitants - au lieu de 15.000 - du seuil de population en dessous duquel les communes nouvelles constituées à l’échelle d’un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre bénéficient pendant trois ans de la stabilité de la dotation de consolidation qu’elles perçoivent en remplacement de la dotation d’intercommunalité, ainsi que de la dotation de compensation qu’elles perçoivent en lieu et place du ou des EPCI à fiscalité propre supprimés.
Les sénateurs ont aussi accordé une petite rallonge de dotation de solidarité rurale (DSR) aux communes nouvelles qui, du fait de la fusion des communes historiques, dépassent le seuil de 10.000 habitants au-dessus duquel, dans le droit commun, les communes ne bénéficient plus de la dotation. Au-delà des trois années pendant lesquelles elles sont assurées de percevoir cette dotation, s'ouvrirait une période, également de trois ans, pendant laquelle elles bénéficieraient d'attributions dégressives de DSR (90% la première année, 75% la deuxième année, puis 50 % la troisième).

Soutenir l'investissement des petites communes

Par ailleurs, les sénateurs ont montré une grande attention au financement par les subventions de l'Etat des investissements des communes rurales. Objectif : rééquilibrer les choses, tant "les métropoles" et "les communes les plus peuplées" seraient aujourd'hui privilégiées. A cette fin, ils ont réservé, dans chaque département, une quote-part de 15% de l’enveloppe de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) au financement des projets des communes de plus de 2.000 habitants, dont le coût n’excède pas 50.000 euros.
Dans le même esprit, le Sénat a abaissé de 20% à 5% la participation minimale des communes de moins de 1.000 habitants au financement des projets dont elles sont le maître d'ouvrage. Elles pourront ainsi bénéficier de cofinancements plus élevés de la part de l'Etat, du département et de la région.
En outre, le Sénat a souhaité que soit revue en profondeur la procédure d'attribution de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Un amendement, adopté contre l'avis du gouvernement, transfère la responsabilité de l'attribution de 80% de la dotation du préfet de région à celui de département. Il crée aussi une commission départementale des investissements locaux, chargée de contrôler la répartition de la part départementale de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Son fonctionnement s'inspire de celui de la commission qui existe aujourd'hui pour la répartition de la DETR. Mais ses compétences sont renforcées.
 

Les sénateurs ont adopté de nombreuses autres dispositions relatives aux dotations de l'État et à la péréquation entre les collectivités locales. Qui visent principalement à :

- porter de 60 millions d'euros, cette année, à 180 millions d'euros, en 2019, les ressources du fonds de solidarité pour les départements de la région Île-de-France (FSDRIF), dont les Hauts-de-Seine sont le principal contributeur. Les deux amendements adoptés vont plus loin que la proposition faite, début octobre, par les départements de petite et grande couronne francilienne (doublement du montant du fonds) et n'ont pas eu le soutien du ministre en charge des collectivités territoriales. Le dispositif qui renforce de 250 millions d'euros la péréquation interdépartementale sur les droits de mutation à titre onéreux (voir notre encadré ci-dessous) "est un bon point d'équilibre", a déclaré Sébastien Lecornu. "Attention (…) à ne pas abîmer ce consensus !", a-t-il prévenu.

- reporter de 2020 (date fixée par l'Assemblée nationale) à 2026 la prise en compte des redevances d’eau et d’assainissement dans le calcul du coefficient d’intégration fiscale (CIF) des communautés de communes. Pour rappel, cet indicateur permet de mesurer le poids des ressources fiscales d'une intercommunalité par rapport à celles du territoire et reflète donc l'importance des compétences intercommunales. Ce report donne satisfaction à l'Association des maires de France (AMF). Cette dernière estimait que le choix des députés remettait en cause la possibilité offerte aux élus des communautés de communes de reporter la prise en charge des compétences obligatoires "eau" et "assainissement" jusqu’en 2026, prévue par la loi Ferrand du 3 août 2018.

- modifier le calcul du CIF des communautés. Il s'agit de prendre en compte les situations dans lesquelles des communes versent une attribution de compensation au groupement auquel elles appartiennent. De tels cas surviennent avec la croissance des compétences intercommunales.

- ouvrir le bénéfice de la nouvelle dotation "Natura 2000" (5 millions d'euros au total, en 2019) à "toute commune" de moins de 10.000 habitants, dont les ressources financières ne dépassent pas un certain niveau et dont la "partie terrestre" est couverte par un site classé "Natura 2000" (du nom du réseau européen qui a pour objet de préserver la biodiversité). En plus des autres critères, l'Assemblée nationale avait exigé que la "surface terrestre" des communes soit couverte à plus de 75% par un site Natura 2000. Un seuil que les sénateurs ont jugé "très élevé".

- pour le financement de la hausse des dotations de péréquation du secteur communal notamment, organiser la participation des communes qui ont un certain niveau de potentiel fiscal et n'ont plus de dotation forfaitaire (communes dont la DGF est dite négative). Actuellement, ce financement est assuré uniquement par un écrêtement de la dotation forfaitaire des communes. Les communes qui ne perçoivent plus cette dotation – au nombre de 439 en 2018 - échappent donc à tout prélèvement effectué dans ce cadre. Or, ces collectivités étant parfois aisées financièrement, la situation est injuste.

- charger le gouvernement d'étudier d'ici le 1er août 2019 la possibilité de mettre en place un outil de mesure du coût de production des services publics locaux. Ce système, que l'Italie a mis en oeuvre avec succès, pourrait permettre de répartir plus justement les dotations de l'État aux collectivités locales.

- faire en sorte que les recettes réelles de fonctionnement des communes de la métropole du Grand Paris ne soient pas majorées artificiellement du fait de la mécanique complexe du financement de la métropole. Considérées comme plus riches qu'elles ne le sont, les entités seraient actuellement ponctionnées plus qu'elles ne le devraient dans le cadre de la réduction opérée sur la dotation forfaitaire pour financer notamment, à l'échelle nationale, la progression des dotations de péréquation.

- revenir sur la décision prise par l'Assemblée nationale de supprimer en 2019 la dotation de soutien à l’investissement territorial (DSIT) que la métropole du Grand Paris verse aux établissements publics territoriaux.
- modifier la composition du comité des finances locales (CFL) pour résoudre la question de l'absence aux réunions d'une partie des élus locaux qui en sont membres, ainsi que celle des sièges vacants.
- sécuriser le dispositif des fonds de concours que de nombreux syndicats d’énergie reçoivent de la part de leurs communes membres en contrepartie de certains investissements qu’ils réalisent sur leurs territoires, notamment en matière d’éclairage public.

Le Sénat devait poursuivre, en cette fin de semaine, l'examen de la deuxième partie du projet de budget pour 2019, le vote sur l'ensemble du texte étant prévu mardi prochain.

Création du "fonds de soutien interdépartemental"

Le Sénat a adopté ce vendredi, dans le cadre de l'examen des articles rattachés à la mission "relations avec les collectivités territoriales", l'amendement du gouvernement instituant "un fonds de soutien interdépartemental". Bien que déposé par le gouvernement, cet amendement vient traduire la proposition de péréquation horizontale entre départements élaborée au printemps dernier par l'Assemblée des départements de France (ADF). Il s’inscrit donc dans le cadre plus global des mesures devant contribuer à répondre aux difficultés des départements notamment liées au financement des allocations individuelles de solidarité.
Ce "fonds de soutien  interdépartemental" de 250 millions d’euros sera alimenté par les départements eux-mêmes, en l'occurrence par les DMTO. L'exposé des motifs souligne que "le montant et les règles de répartition sont conformes à la proposition de l’ADF", en vue d'une "meilleure répartition des recettes au bénéfice des départements confrontés à des difficultés sociodémographiques particulières", à savoir : "les départements très ruraux, marqués par une insuffisance structurelle de moyens pour répondre aux défis de l’aménagement et de l’attractivité de leur territoire" et/ou "les départements caractérisés par une situation sociale dégradée à laquelle s’ajoutent des recettes de DMTO inférieures à la moyenne nationale". Les ressources du fonds sont donc composées de deux fractions.

Le principe de la création de ce fonds a été acté le 28 novembre dernier par l'ADF. Un peu moins de trois semaines après son congrès (lire nos articles du 8 novembre et du 9 novembre), l'association réunissait ce jour-là son bureau, en l'élargissant à l'ensemble des présidents de départements. Les présidents de départements ont réaffirmé que les dispositions financières mises sur la table par le gouvernement à l'occasion de ce congrès de Rennes n'étaient pas "à la hauteur" et nécessiteront des mesures complémentaires. Mais ont néanmoins voté pour ce fonds de solidarité entre départements. En sachant que le groupe de gauche de l'ADF avait choisi de ne pas prendre part à ce vote.
Cette idée de péréquation entre départements avait été lancée au sein de l'ADF dès le printemps dernier (lire notre interview de Dominique Bussereau de juin dernier) et avait été soumise au gouvernement, qui avait donné un accord de principe. Mais l'idée était accompagnée d'une autre : pour financer cette péréquation horizontale, l'ADF demandait de pouvoir relever le plafond du taux des DMTO. Initialement, la demande portait sur un relèvement de 0,4%. Selon l'ADF, le Premier ministre avait donné son feu vert pour une hausse de 0,2%. Sauf que cet accord, on le sait, est tombé à l'eau. La péréquation devra donc se faire à ressources constantes. "Ce montage revient à faire financer par certains départements, y compris certains rencontrant des difficultés financières, un effort de solidarité envers les territoires les plus fragiles sans moyens financiers nouveaux", résume le groupe de gauche de l'ADF.

Les présidents auraient en outre jugé normal que l'Etat contribue à la même hauteur à aider les départements et mette donc sur la table 250 millions de péréquation horizontale. Or le "fonds de stabilisation" (ex fonds d'urgence, désormais pérennisé sur trois ans), également annoncé la veille du congrès de l'ADF et inscrit dans le PLF par voie d'amendement, sera de 115 millions.
Certes, à Rennes, le gouvernement avait affiché "un nouveau soutien financier direct de 250 millions d'euros en 2019". Au lendemain du bureau de l'ADF, les ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu ont d'ailleurs souligné dans un communiqué que "la solidarité financière de 250 millions entre départements est ainsi paritaire avec le soutien financier direct de 250 millions, dès 2019, proposé par le gouvernement". Sauf que ce montant inclut en réalité les 135 millions du "fonds de lutte contre la pauvreté et l'accès à l'emploi" annoncé par Emmanuel Macron en septembre dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté (fonds dédié au déploiement d'actions départementales de lutte contre la pauvreté). Ce fonds-là sera doté de 135 millions en 2019, 177 millions en 2020 et 208 millions en 2021. En sachant que Frédéric Bierry, président du Bas-Rhin, a été chargé d’une mission visant notamment à définir les critères de répartition de ce fonds.
Plus largement, cette mission, dont les conclusions sont attendues en janvier prochain devra notamment : "identifier les conditions d’amélioration de l’orientation des allocataires du RSA", "déterminer les outils susceptibles d’être déployés dans le cadre de la contractualisation [Etat-département] afin d’améliorer le parcours d’accompagnement des allocataires du RSA", "élaborer les référentiels nationaux à déployer au sein des territoires dans le cadre de la Garantie d’activité, nouvelle offre d’accompagnement prévue dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté".

C. Mallet

 

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