Documents d’urbanisme : les géomètres-experts remettent leurs propositions pour accompagner les petites communes
Sollicité par le ministère de la Transition écologique pour savoir comment accompagner les petites communes sous règlement national d'urbanisme (RNU) vers l'élaboration d'un document de planification territoriale prenant en compte les enjeux de sobriété foncière, l'Ordre des Géomètres-experts a remis ses propositions ce 20 juillet. Il propose notamment qu'après avoir élaboré un projet de territoire, ces communes s'orientent vers une carte communale modernisée intégrant les objectifs de la loi Climat et Résilience.
A défaut de document d'urbanisme en vigueur sur leur territoire, 9.302 communes en France sont soumises au règlement national d'urbanisme (RNU) qui fixe les règles qu'elles doivent appliquer en matière de localisation, d’implantation et de desserte des constructions et aménagements, de densité et de reconstruction des constructions, de performances environnementales et énergétiques, de réalisation d’aires de stationnement, etc. "Il s'agit généralement de petites collectivités de moins de 500 habitants, situées dans les zones les plus éloignées des centres urbains avec des dynamiques démographiques faibles voire en léger déclin, et qui ont fait le choix de ne pas se doter de document d'urbanisme, indique l'Ordre des géomètres experts. Parmi celles-ci, 3.945 ont refusé de transférer leur compétence en matière de PLU à la suite de la loi Alur. Les 5.357 communes sous RNU restantes ont automatiquement été intégrées dans des PLUi [plans locaux d'urbanisme intercommunaux]".
Pour ces communes, reconnues comme vertueuses en matière d'artificialisation, car peu demandeuses de foncier pour construire en raison de la faiblesse de la demande, la loi Climat et Résilience est cependant venue rebattre les cartes. Ce texte intègre en effet deux objectifs temporels à intégrer dans les documents d'urbanisme pour construire de nouveaux schémas d’aménagement : une réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) à l’horizon 2031 et l’atteinte du "zéro artificialisation nette" (ZAN) à l’horizon 2050.
Un préalable : élaborer un projet de territoire
Le 7 décembre dernier, le gouvernement a sollicité l'Ordre des géomètres-experts pour savoir comment, en l'absence de document d’urbanisme, prendre en considération cet objectif de sobriété foncière sans faire obstacle au développement des communes sous RNU. L'Ordre a remis ses propositions ce 20 juillet. Pour Xavier Prigent, son vice-président en charge du pilotage de ces travaux, "il est indispensable d'établir des règles adaptées à l'hétérogénéité des territoires et d'introduire dans la loi une notion de contextualisation liée à leur diversité". La profession plaide d'abord pour la réalisation d'un projet de territoire, sous l'égide éventuelle de l'EPCI local. "Dans cette étude prospective menant à la déclinaison territoriale de la trajectoire du 'zéro artificialisation nette' seraient étudiés la reconquête des centres-bourgs souvent désertés par les habitants, la résorption des friches, la lutte contre les logements vacants ou insalubres, détaille l'Ordre. L'objectif affiché est de permettre aux habitants locaux de demeurer sur place, voire à de nouveaux arrivants en quête de qualité de vie de pouvoir s'installer dans des logements dignes à des prix abordables afin de réaliser un projet de vie".
Carte communale intégrant les objectifs de la loi Climat et Résilience
Après avoir élaboré ce projet de territoire, la collectivité pourrait s'orienter vers un format de "carte communale modernisée" dans laquelle les objectifs de la loi Climat et Résilience seraient intégrés "en tenant compte du nécessaire équilibre entre la sobriété foncière, la protection des espaces naturels et agricoles, les restaurations des continuités et des corridors écologiques et le développement adapté de l’habitat à la typologie du territoire", préconisent les géomètres-experts. "La carte communale modernisée obligerait à engager une étude prospective dans le respect des objectifs de la loi 'Climat et Résilience' et à la formaliser dans un rapport de présentation simplifié, de gérer la densité et l’esthétique des futures constructions via un règlement simplifié et d’organiser l’intensification urbaine dans les quelques poches de constructibilité via des orientations d’aménagement et de programmation (OAP)", détaillent-ils. Elle devra aussi "analyser finement les besoins d'équipements publics et les éventuels aménagements nécessaires", ajoutent-ils.
Faciliter le changement de destination des bâtiments
"Il pourrait également être judicieux, pour les très petites communes qui le souhaiteraient, de les inciter à réaliser des cartes communales à l’échelle de plusieurs communes en développant un nouvel outil, la carte inter-communale, afin de mutualiser les coûts de réalisation du document d’urbanisme", suggèrent-ils encore.
Ils proposent aussi d'alléger la procédure d'identification en cas de changement de destination des bâtiments. "Il s'agirait d'étendre l’autorisation des communes à identifier les bâtiments susceptibles de changer de destination après l’approbation du document d’urbanisme sans les obliger à engager une procédure de révision ou de modification souvent trop complexes et trop longues eu égard aux enjeux territoriaux de la commune", avancent-ils. "Le changement de destination nous semble être particulièrement adapté à la fois aux communes sous RNU, mais également aux objectifs de la loi Climat et Résilience puisqu'il permet d'adapter le bâti existant aux besoins de la société sans créer de nouvelles constructions", appuie Xavier Prigent.
Formation des élus et renforcement de l'ingénierie
Les géomètres-experts proposent aussi de former les élus locaux à la planification territoriale et aux enjeux de sobriété foncière et de les accompagner dans la réalisation d'une étude de trajectoire ZAN préalable à la mise en œuvre d'un document de planification. Selon eux, une telle étude doit permettre de piloter une stratégie de développement territorial en phase avec les objectifs de la loi Climat et Résilience.
Enfin, l'Ordre des géomètres-experts plaide pour un renforcement de l'ingénierie auprès des très petites communes. "Il semblerait par exemple pertinent de mettre en place un centre de ressource et d’ingénierie rassemblant les acteurs publics ou privés compétents en matière de planification et d’aménagement du territoire", estiment-ils. "Il pourrait s’agir de l’administration centrale, de l’administration territoriale, des CAUE, des membres de l’Observatoire national du cadre de vie", ajoute Xavier Prigent. "Les élus locaux disposeraient ainsi d’un répertoire d’organismes, d’institutions ou d’entreprises à contacter pour répondre à leurs interrogations et assurer l’ingénierie des projets de planification territoriale dont ils ont besoin pour leurs territoires", détaillent les géomètres-experts.
Selon eux, leurs propositions sont aussi en phase avec la toute nouvelle loi visant à faciliter la mise en œuvre du ZAN (lire notre article), qui prévoit la création d'une "garantie rurale", soit un droit à construire d'au moins un hectare attribué à toutes les communes à condition d'avoir lancé la procédure d'élaboration d'un document d'urbanisme d'ici août 2026. 3.945 communes sont dès lors susceptibles de pouvoir bénéficier de cette garantie rurale, selon les géomètres experts.