Doctrine technique du numérique pour l'éducation : bientôt un pilote dans l'avion ?

La doctrine technique du numérique pour l'éducation, publiée fin mai par l'Éducation nationale, dessine les contours d'une politique publique du numérique éducatif construite dans une logique de "plateforme". Sa première version entrait en vigueur à partir de mai 2023 mais des évolutions sont d'ores et déjà annoncées pour 2024. 

Le ministère de l'Éducation nationale a publié sa "doctrine technique du numérique pour l'éducation" fin mai 2023. Ce document vise à établir un cadre d'architecture et de règles communes pour les services numériques éducatifs en France. "Son objectif est de fournir aux utilisateurs (enseignants, élèves, parents, etc.) un ensemble de services numériques éducatifs clairs, organisés et facilement accessibles, tout en garantissant leur interopérabilité", peut-on lire en préambule du document.

Vingt ans après le lancement des Espaces numériques de travail (ENT), dix ans après la création d'un "service public du numérique éducatif", qualifié en 2019 de "concept sans stratégie" par la Cour des Comptes (lire notre article du 10 juillet 2019) et cinq mois après la présentation de la stratégie numérique 2023-2027 pour l'éducation (notre article du 27 janvier 2023 ), cette doctrine dessine les contours d'une stratégie qui se veut ambitieuse à défaut d'être aboutie.

Ce document décrit en effet des règles, exigences et outils nécessaires pour faciliter l’interopérabilité et la circulation des données entre les acteurs publics et privés, avec un cadre d’architecture des services. "Ces exigences et règles ont vocation à devenir, pour certaines d’entre elles, opposables juridiquement", est-il précisé dans la doctrine. "Des travaux d'évolution du document sont en cours pour une prochaine version en 2024", est-il également annoncé sur le site Eduscol

Logique de "plateforme"

L'idée est que l'État garantisse "à chaque acteur de l’éducation une égalité d’accès et un usage simple des services numériques dans un écosystème sécurisé, ouvert et interopérable à des fins de mise en œuvre des apprentissages dans le cadre des programmes et référentiels de compétences du ministère chargé de l’Education nationale". Et, pour cela, "le numérique pour l’éducation doit se développer selon une logique de plateforme au sens d'un ensemble d’acteurs respectant un cadre d'architecture et des règles et standards communs, pour mettre à disposition des usagers un ensemble lisible et structuré de services accessibles simplement et interopérables entre eux". Ce cadre d'architecture et ces règles communes, qui doivent faciliter la circulation des données entre les acteurs publics et privés, sont donc rassemblés dans la présente doctrine technique du numérique pour l’éducation.

Nécessité d'un écosystème ouvert et interopérable

Rappelons que les investissements massifs des collectivités territoriales et de l'État pour le numérique éducatif ont conduit à de nombreux projets d'équipements et de services pour les établissements scolaires et écoles (matériels collectifs, équipements individuels mobiles, câblage, raccordement à internet, tableaux numériques, ENT, ressources numériques, accompagnement et formation).  Des équipements qui pour autant n'ont pas toujours suffi à maintenir la continuité pédagogique, notamment lors de la crise sanitaire 2020-2021 qui a mis en exergue les lacunes du service numérique éducatif. "L'utilisation croissante des services numériques éducatifs dans les 1er et 2nd degrés, à des fins non seulement administratives et de suivi de la scolarité, mais aussi d’activités pédagogiques et de mise en œuvre des missions éducatives, a pour corollaire une augmentation conséquente de la fréquentation de ces services, qui nécessite la parfaite maîtrise des données et un écosystème ouvert et interopérable", soulignent les auteurs de la doctrine.

Quid des logiciels libres ?

La doctrine ne tranche cependant pas vraiment la question du recours aux logiciels libres. Le ministère de l'Education nationale avait pourtant explicitement demandé aux collectivités territoriales de renoncer aux offres gratuites de Microsoft Office et Google en fin d'année 2022 (notre article du 21 novembre 2022), dans les établissements scolaires. L'April, Association de promotion et de défense du logiciel libre dans l'espace francophone, qui avait répondu à l'appel à commentaire de la future doctrine en janvier 2023, s'était dit "satisfaite de voir des logiciels libres mis en avant, comme BigBlueButton, Moodle, ceux proposés sur le site apps.education.fr". "Cela dénote une réelle volonté de faire les choses correctement et c'est très encourageant pour la suite...", avait-elle commenté, ajoutant que cette doctrine pourrait "invalider l'utilisation de nombreux logiciels ou services privateurs déjà en place". Les prochaines versions du texte seront peut-être plus précises sur ce point. 

 

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