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Infrastructures de transport - Dix-huit ports maritimes d'intérêt national passent aux mains des collectivités

Dix-huit ports maritimes d'intérêt national viennent d'être transférés à treize collectivités. Si le ministre des Transports se réjouit des "perspectives nouvelles et prometteuses" de ce transfert, certaines régions redoutent les conséquences des "sous-investissements de l'Etat" ces dernières années.

Depuis le 1er janvier, dix-huit ports maritimes d'intérêt national ont quitté le giron de l'Etat pour devenir propriété de collectivités territoriales, comme le prévoyait la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Les bénéficiaires de ce transfert, réalisé dans le cadre de conventions, sont  quatre régions - Aquitaine (port de Bayonne), Nord-Pas-de-Calais (Boulogne-sur-Mer et Calais), Bretagne (Brest, Saint-Malo et Lorient), Languedoc-Roussillon (Port-la-Nouvelle et Sète) -, quatre départements - Finistère (Concarneau), Charente-Maritime (port de pêche de La Rochelle), Alpes-Maritimes (Nice), Var (Toulon)-, deux syndicats mixtes (syndicat mixte régional des ports de Caen-Ouistreham et Cherbourg et syndicat mixte du port de Dieppe) ainsi que trois communes (Crozon, pour Le Fret, et Roscanvel, dans le Finistère, et Matoury, pour Le Larivot, en Guyane).
Les ports autonomes comme Le Havre ou Marseille-Fos, qui sont les plus importants de France, sont exclus de cette décentralisation. Dans l'ensemble du patrimoine transféré, la région Nord-Pas-de-Calais hérite du plus gros trafic avec Calais, quatrième port français pour les marchandises (38,3 millions de tonnes) et Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche.
Pour le ministre des Transports, Dominique Perben, la décentralisation offre aux ports maritimes des "perspectives nouvelles et prometteuses puisque les centres de décision les concernant en seront rapprochés". "Elle confie aux collectivités territoriales des outils performants au service du développement économique local", estime-t-il.

L'Etat accusé de ne pas tenir ses engagements

Mais ce transfert n'est pas du goût de certaines collectivités qui craignent de subir les effets des "sous-investissements" de l'Etat ces dernières années dans les ports. "Nous demandons pour le moins que l'Etat solde ses dettes. Plus de la moitié des investissements prévus pour les ports dans le cadre du contrat de plan 2000-2006 n'ont pas été réalisés", affirme ainsi le président de la région Bretagne, Jean-Yves Le Drian. Selon lui, c'est la première fois que l'Etat ne réalise pas le contrat "de manière aussi spectaculaire".
La Bretagne chiffre à 55 millions d'euros le coût de la remise en état des trois ports dont elle récupère la charge et qu'elle voudrait redynamiser en favorisant les synergies. La convention de transfert prévoit le versement par l'Etat d'une enveloppe de 1,3 million d'euros par an, une somme qui correspond à celle dépensée en moyenne ces trois dernières années dans les ports de Brest, Lorient et Saint-Malo. "Comme l'Etat n'investissait pas beaucoup, ça ne fait pas beaucoup et il y a beaucoup d'investissement à faire. C'est une spirale un peu machiavélique", juge Jean-Yves Le Drian. Même si le conseil régional a adopté fin décembre la convention de transfert des trois ports, son président se dit prêt à ne pas signer le contrat de projet 2007-2013 "si l'Etat ne répond pas à notre préoccupation sur les ports".
Région voisine de la Bretagne, la Basse-Normandie, qui prend possession des ports de Cherbourg et de Caen-Ouistreham, via un syndicat mixte avec les conseils généraux de la Manche et du Calvados, formule les mêmes griefs. Son président, Philippe Duron, s'est joint à Jean-Yves Le Drian pour alerter, dans un courrier commun, le Premier ministre. "Les audits que nous avons conduits montrent la dégradation de certaines infrastructures non entretenues et soulignent le besoin d'intervenir urgemment pour préserver l'outil portuaire", soulignent les deux élus qui proposent de pérenniser les engagements de l'Etat dans le contrat de plan 2000-2006 en les faisant porter par le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afitf) sur 2007 et 2008.

Des concessions d'exploitation inchangées

Face à ces critiques, le ministre des Transports fait valoir que durant l'année 2006, les projets d'investissement des ports concernés par le transfert "ont été significativement accélérés, le taux d'engagement des contrats de plan Etat-région 2000-2006 ayant été multiplié par 2 en 2006". "Cette accélération est le signe que l'Etat, loin de se désintéresser de ces ports au moment d'en préparer le transfert aux collectivités a voulu au contraire les préparer au mieux pour l'avenir", avance Dominique Perben dans un communiqué, qui précise en outre que le transfert du patrimoine a été réalisé à titre gratuit. "Les services de l'Etat concernés seront dans un premier temps mis à disposition des collectivités ou groupements compétents avant de leur être transférés. Les concessions d'exploitation en cours restent en vigueur. Celles qui arrivent prochainement à expiration sont automatiquement prorogées jusqu'à fin 2007 afin de permettre aux collectivités concernées de préparer les appels à candidatures qu'elles souhaiteraient lancer."

Anne Lenormand