Séparatisme : Emmanuel Macron appelle à un "réveil républicain"
Neutralité des services publics, instruction à domicile strictement limitée, associations contrôlées, formation des imams, égalité des chances : Emmanuel Macron a détaillé, vendredi 2 octobre aux Mureaux, les cinq grands axes de son plan contre le séparatisme islamiste. Plan qui fera l'objet d'un projet de loi présenté le 9 décembre en conseil des ministres. Les préfets pourront se substituer aux maires en cas de "carence républicaine".
On l’attendait à Lunel (Gard) fin septembre, c’est finalement aux Mureaux (Yvelines) qu’Emmanuel Macron a prononcé son discours sur le "séparatisme", vendredi 2 octobre. Histoire sans doute de raccrocher un volet "égalité des chances" à son programme qui faisait défaut dans son discours de Mulhouse de février 2020. Car pour le reste, on est sur la même ligne, avec quelques précisions d’importance cependant. Le président de la République a tout d’abord indiqué que le projet de loi contre le séparatisme préparé par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et sa ministre déléguée Marlène Schiappa serait présenté le 9 décembre en conseil des ministres. Appelant à un "réveil républicain", il a affirmé vouloir s’attaquer au problème "sans tabou" mais "sans tomber dans le piège de l’amalgame" et de la "stigmatisation de toute une religion". "Ce à quoi nous devons nous attaquer, c'est le séparatisme islamiste", a-t-il martelé, cet "islamisme radical" qui manifeste une "volonté revendiquée d'afficher une organisation méthodique pour contrevenir aux lois de la République et créer un ordre parallèle d'autres valeurs, développer une autre organisation de la société" et dont le "but final est de prendre le contrôle complet". Et "qui se traduit souvent par la constitution d'une contre-société et dont les manifestations sont la déscolarisation des enfants, le développement de pratiques sportives, culturelles communautarisées".
Devant un parterre d’élus locaux, Emmanuel Macron a mis cette évolution sur le dos d’une responsabilité partagée. "Nous avons laissé faire, chez nous comme à l’étranger (…) Nous avons nous-mêmes construit notre propre séparatisme. C’est celui de nos quartiers, c’est la ghettoïsation", a-t-il affirmé, évoquant à plusieurs reprises la "politique de peuplement".
Le président de la République a ensuite déroulé les cinq grands axes du futur projet de loi, "qui, 115 ans après l'adoption définitive de la loi de 1905, visera à renforcer la laïcité". Une laïcité dont il a donné une définition libérale – celle de la neutralité de l’Etat – prêtant le flanc à ceux qui, depuis des mois, l’accusent d’angélisme.
Neutralité du service public
Le premier axe comportera "des mesures d'ordre public" et "de neutralité du service public" mais c’est seulement ce dernier point que le président a développé, avec cette adresse directe aux élus qui "parfois sous pression de groupes ou de communautés, ont pu envisager et peuvent envisager d'imposer des menus confessionnels à la cantine". Ou à ces maires qui "excluent ou projettent d'exclure les hommes ou les femmes de certains créneaux d'accès aux piscines". Désormais le préfet pourra "suspendre" les actes municipaux correspondant à ces situations "en constatant cette carence républicaine". Si la décision n’est pas appliquée, il pourra se substituer à l’autorité municipale, avec l’accord du juge, comme c’est le cas en matière de logement social.
L’exécutif entend ensuite étendre le principe de neutralité des fonctionnaires aux salariés des entreprises délégataires de services publics. Une mesure qui vise notamment les transports publics.
Contrôle des associations
Autre volet très important pour les collectivités : le contrôle des associations (clubs sportifs, associations culturelles ou linguistiques…) derrière lesquelles les islamistes s’abritent bien souvent. Le projet de loi devrait étendre les motifs de dissolution - aujourd’hui limités aux faits de terrorisme, de racisme et d'antisémitisme – à de nouveaux griefs : "atteinte à la dignité de la personne ou de pressions psychologiques ou physiques". Ce qui impose d’accentuer les contrôles, notamment en matière de financement. Toute association déposant une demande de subvention devra signer un "contrat de respect des valeurs de la République et des exigences minimales de la vie en société" avec l’Etat ou la collectivité concernée. En cas de non-respect, l’argent public devra être remboursé.
Scolarisation
Le chef de l’Etat veut mettre fin au phénomène de "déscolarisation". Dès la rentrée 2021, "l'instruction à l'école sera rendue obligatoire pour tous dès 3 ans". L'instruction à domicile sera, elle, strictement limitée "aux impératifs de santé". Rappelons que l’obligation de l’instruction avait déjà été abaissée de 6 à 3 ans depuis la rentrée 2019. Il s’agit donc d’aller plus loin et de s’attaquer à "l’instruction à domicile" qui, selon le chef de l'Etat, concerne aujourd’hui 50.000 enfants et qui augmente chaque année. Par ailleurs, le contrôle des écoles hors contrat sera renforcé dans le prolongement des mesures de la loi Gatel du 13 avril 2018. Emmanuel Macron a confirmé la suppression des Elco (enseignements de langue et culture d’origine) - dont les enseignants sont recrutés et payés par des pays étrangers (Algérie, Turquie, Maroc…) et ne parlent souvent pas le français - et leur remplacement par des Eile (enseignements internationaux de langue étrangère) qui permettent "un vrai contrôle de l'Éducation nationale sur la qualité des enseignants et de l'enseignement". Il s'est d'ailleurs engagé à développer l'enseignement de la langue arabe et a annoncé la création d'un Institut de l'islamologie.
Islam de France
Le chef de l’Etat remet sur la table le vieux débat sur "l’islam de France" en vue de "construire un islam des Lumières dans notre pays". Il entend mettre fin à "l’islam consulaire" qui délègue la formation des imams et des psalmodieurs à des pays étrangers, là encore Turquie, Algérie, Maroc.
Les mosquées et toutes les associations cultuelles seront incitées à sortir de la forme associative (loi de 1901) pour s’orienter vers la loi de 1905 "à la fois plus avantageuse fiscalement et davantage contrôlée sur les plans des financements venant de l'étranger". Celles qui souhaiteraient rester dans le régime associatif verront leur contrôle renforcé "drastiquement". Emmanuel Macron a aussi annoncé vouloir "protéger les responsables des mosquées des putschs, des prises de contrôle hostiles par des extrémistes", sans préciser comment. Par ailleurs, le Conseil français du culte musulman aura six mois pour proposer ses pistes pour l'encadrement des imams (formation, certification, révocations…).
Logement
Enfin, dernier axe de cette intervention, l’égalité des chances et l’annonce de nouveaux moyens pour les quartiers : dédoublement des classes de grande section, création de 40 cités éducatives supplémentaires (voir notre article de ce jour), de 300 maisons France Services qui ouvriront "dans les prochaines semaines", "investissement supplémentaire" dans l’Anru, campagnes de testings, systématisation des "quartiers d’été", justice de proximité … Au-delà de ces moyens - pour la plupart inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021 -, le futur projet de loi devra "porter une réforme profonde de notre organisation en matière de logement, en particulier de logement social". "Nous ne pouvons pas continuer d’ajouter la pauvreté à la pauvreté."