Directeurs d'école : adoptée par les députés, la proposition de loi crée la confusion
La proposition de loi créant la fonction de directeur d'école a été adoptée en seconde lecture à l'Assemblée nationale. La mesure visant à doter les directeurs de moyens administratifs reste une énigme pour les collectivités directement concernées.
L'Assemblée nationale a adopté le 29 septembre 2021, en seconde lecture, la proposition de loi "créant la fonction de directrice ou de directeur d’école". La disposition emblématique du texte est la création inédite d'une "autorité fonctionnelle" des directeurs.
Selon le texte voté par les députés, le directeur "organise les débats sur les questions relatives à la vie scolaire", et pour cela, "il bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige. Il dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées". Une grande partie des débats, et des contestations de l'opposition, a consisté à savoir si, oui ou non, cette autorité "fonctionnelle" risquait de se transformer de facto en autorité "hiérarchique", rejetée par la majorité du corps enseignant. L'avenir le dira…
Pour les collectivités, l'article 2 bis retient plus particulièrement l'attention : "Lorsque la taille ou les spécificités de l’école le justifient, l’État et les communes ou leurs groupements peuvent, dans le cadre de leurs compétences respectives, mettre à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de garantir l'assistance administrative et matérielle de ces derniers." Cette disposition, réintroduite après que le Sénat eut prévu la mise à disposition obligatoire de moyens par le seul État, pose trois questions.
Mesure non contraignante
La première est bien évidemment celle du recours à l'assistance administrative, prévue "lorsque la taille ou les spécificités de l’école le justifient". Si la taille peut facilement être définie, il n'en va pas de même des "spécificités de l’école". On ne sait donc pas à ce stade quelles écoles – et quels directeurs – pourront se prévaloir du droit à une assistance.
La deuxième question tient à l'ambiguïté du verbe "pouvoir". Si l’État et les communes ou leurs groupements "peuvent" mettre à disposition des moyens, rien ne les y contraint. Quand bien même l'État se soumettrait-il systématiquement à cette mesure, qu'en sera-t-il des communes ? Selon leurs moyens financiers ou leur volonté politique, on pourrait voir apparaître ici une aide, là aucune. Et, par conséquent, non seulement une insécurité financière pour le directeur d'école, dont l'assistance ne sera pas garantie dans le temps, mais encore une inégalité territoriale entre les communes qui aideront et celles qui ne le feront pas.
Chacun sa compétence
La troisième question que pose la rédaction de l'article découle de la notion de "compétences respectives" de l'État et des communes. Pour tenter de comprendre cette rédaction, il faut remonter à la version du texte adopté en première lecture à l'Assemblée. À l'époque, un article 4 stipulait que le directeur d’école pouvait "cumuler la responsabilité de l’organisation du temps périscolaire confiée par la commune ou le groupement de communes". Dans ce cadre, il était prévu que "la commune ou le groupement de communes dont relève l’école [puisse] mettre à sa disposition une aide de conciergerie ou administrative". Or, l'article 4 ayant disparu du texte, la situation est et restera la suivante : la collectivité assure la prise en charge du temps périscolaire dans toutes ses dimensions, y compris administrative. On voit donc mal en quoi pourrait consister une assistance en faveur du directeur d'école dans le cadre d'une compétence de la collectivité effectivement exercée par celle-ci. Ceci posé, la crainte des élus est de se voir contraints à octroyer une assistance dans le cadre d'une compétence relevant de l'État, et ce sans qu'une compensation soit prévue dans la loi (lire notre article du 28 septembre).
Le Sénat doit examiner le texte en deuxième lecture le 20 octobre 2021.