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Directeurs d'école : le Sénat retricote la proposition de loi

La proposition de loi visant à créer la fonction de directeur d'école a été largement modifiée par les sénateurs. Plusieurs amendements sont revenus sur des mesures qui touchaient directement les collectivités territoriales, comme l'aide matérielle aux directeurs ou leur participation au temps périscolaire.

Déposée à l'Assemblée nationale il y a dix mois, la proposition de loi visant à créer la fonction de directeur d'école avait été largement vidée de sa substance lors de son examen par les députés. Le texte issu de leurs travaux ne fixait pas de cadre d'exercice à la fonction de directeur d'école, ne prévoyait pas de temps de décharge, ne garantissait pas d'aide administrative ou matérielle aux directeurs. Mais il sollicitait les collectivités et incitait les directeurs à prendre en charge une compétence supplémentaire, le temps périscolaire. En séance publique au Sénat le 10 mars 2021, une partie de cette substance a été réintroduite.

Autorité… par encore hiérarchique

Le Rubicon est franchi dès le premier article. Un amendement adopté prévoit que le directeur d'école "dispose d'une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l'école et la réalisation des missions qui lui sont confiées". Il s'agit d'une disposition symbolique forte qui rejoint celle prévue dans la proposition de loi initiale, laquelle envisageait "une délégation de l’autorité académique". Cette version avait été atténuée à l'Assemblée par une formule plus alambiquée : le directeur "bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique". Surtout, les députés avaient explicitement mentionné que le directeur "n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école". Cette formulation radicale, qui entendait donner des gages aux tenants du statu quo, a été sciemment écartée par les sénateurs. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, a soutenu l'amendement, affirmant que l'autorité fonctionnelle des directeurs d'école lui paraissait "adaptée et pragmatique".

Assistance matérielle… de l'État uniquement

Un autre point important était celui de l'aide administrative accordée aux directeurs d'école. La proposition d'origine instituait la possibilité de mise à disposition d'une aide de conciergerie ou administrative et mettait, le cas échéant, cette aide à la charge de la commune ou du groupement de communes dont relève l’école. Les députés avaient apporté deux nuances à cette disposition. En conditionnant toute assistance administrative et matérielle à la taille ou aux spécificités de l’école, d'une part. En faisant appel à l'État, aux côtés des communes ou de leurs groupements, selon les compétences respectives de chacun, pour l'octroi de cette assistance, d'autre part. Les sénateurs ont ici opéré un virage à 180° degrés. Leur texte prévoit qu’il appartient à l’État, et en aucun cas aux communes ou à leurs groupements, de mettre à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de garantir l’assistance administrative et matérielle de ces derniers. Des conditions de taille ou de spécificités de l’école doivent cependant justifier une telle aide. Conditions qui ne sont pas définies dans le texte. Le ministre de l'Éducation nationale s'est déclaré en "désaccord profond" avec cet amendement et a parlé "d'erreur grave" à propos d'une disposition qui limite pour les collectivités volontaires la possibilité d'aider les écoles.

Périscolaire… pour les collectivités seules

Une autre modification du texte intéresse directement les collectivités territoriales. Il s'agit de la suppression de la mesure qui permettait au directeur d’école de prendre en charge l’organisation du temps périscolaire par convention conclue avec la commune ou le groupement de communes dont relève l’école. Dans l'exposé des motifs de l'amendement de suppression, on peut lire que "la gestion du temps périscolaire est sous la responsabilité des collectivités territoriales" et que "la possibilité pour le directeur d'école de gérer ce temps périscolaire […] entraîne une confusion dans la répartition des compétences et des responsabilités qui en découlent entre les collectivités territoriales et l'Éducation nationale". Surtout, il rappelle  que "l'état actuel du droit n'interdit pas aux enseignants, et a fortiori aux directeurs d'école, de contribuer, de façon contractuelle, à l'organisation et à la mise en œuvre des temps périscolaires". Jean-Michel Blanquer avait, de son côté, émis un avis défavorable à l'amendement de suppression, arguant que cette participation du directeur au temps périscolaire "est juste une possibilité" et qu'elle a "beaucoup d'importance" puisque "nous défendons tous le fait d'avoir une vision complète du temps de l'enfant".

À l'Assemblée, en juin 2020, c'est la rapporteure du texte en personne, Cécile Rilhac, qui avait apporté les amendements qui remettaient le plus en cause la force du texte initial. Le Sénat a changé de cap. Sera-t-il maintenu pour le retour du texte à l'Assemblée ?...