Développement rural : l'AMF défend le maintien des ZRR

L'Association des maires de France (AMF) souhaite que les zones de revitalisation rurale (ZRR) soient maintenues après 2024, date de leur extinction programmée. À partir d'une enquête réalisée auprès de ses adhérents, présentée le 19 octobre 2022, l'association avance quinze propositions dont le retour à l'échelle communale et l'instauration d'un double niveau d'intervention.

Maintenir les zones de revitalisation rurale (ZRR) tout en les faisant évoluer pour améliorer leur efficacité. C'est la proposition de l'Association des maires de France (AMF) qui a réalisé une enquête sur le sujet entre mai et juin 2022 auprès de ses adhérents. Présenté le 19 octobre 2022, le rapport, réalisé par Régine Povéda, maire de Meilhan-sur-Garonne, et Ludovic Rochette, maire de Brognon et président des maires de la Côte-d'Or, qui sera remis au gouvernement, avance quinze propositions dans ce sens, avec un double objectif : s'assurer de la pérennisation des ZRR après 2024, et en faire le fondement d'une véritable politique rurale. "La ruralité est porteuse d'avenir, car elle porte une qualité de vie qui est l'aspiration ultime de chacun ; nous sommes force de proposition sur les ZRR qui sont plus précises et plus pointues que l'agenda rural", a affirmé David Lisnard, président de l'AMF, précisant que l'association dispose à ce sujet d'une bonne écoute de la part de la Première ministre.

Créées en 1995, les ZRR concernent aujourd'hui 13.669 communes classées et 4.018 qui ont été maintenues dans le cadre d'un régime transitoire. 95% de ces communes ont une population inférieure à 2.000 habitants et 72% ont moins de 500 habitants. Cela concerne ainsi 9,6 millions d'habitants et 24.000 entreprises. Coût estimé pour l'État et les collectivités : 289 millions d'euros en 2018, hors exonérations supplémentaires votées par les collectivités. Alors qu'il est l'objet de critiques récurrentes, le dispositif doit s'achever au 31 décembre 2023 après avoir été déjà prolongé. Mais aucune solution de rechange n'a pour le moment été arrêtée. Un rapport d'inspection de 2020 considérait que les exonérations fiscales et sociales des ZRR n'avaient "pas démontré leur efficacité en matière de création d’entreprises et d’emplois" (voir notre article du 7 mai 2021). Plusieurs rapports parlementaires récents plaident au contraire pour leur maintien, c'est le cas d'un rapport sénatorial de mars 2022, qui sera complété par une étude dont les résultats seront communiqués dans les prochains jours (voir notre article du 28 juin 2022). Et surtout d'un rapport parlementaire (deux députés, deux sénateurs) remis le 11 avril 2022 au gouvernement, plaidant pour un retour au zonage communal (voir notre article du 20 avril 2022).

Revenir à l'échelon communal pour le classement en ZRR

C'est aussi la voie suivie par l'AMF qui préconise de s'appuyer sur l'échelon communal pour réintégrer les communes sorties du zonage en 2015. Un choix qui ne fait toutefois pas l'unanimité chez les répondants à l'enquête : si 79% souhaitent un changement de méthode, 40% veulent un système mixte et 39% souhaitent le retour à l'échelle communale. Le problème de l'échelle intercommunale réside dans le fait que certaines communes rurales appartenant à une intercommunalité riche ne sont plus prises en compte. Exemple avec le cas d'Aix-en-Provence, où le zonage désavantage certaines petites communes incluses dans l'intercommunalité prospère.

Le retour à l'échelle communale permettrait d'évaluer la situation de chaque commune, assure l'AMF, qui propose toutefois de maintenir le zonage de l'ensemble de l'EPCI rural lorsqu'il y a peu d'écarts de situation entre les communes membres et que celles-ci présentent toutes une dimension rurale. Autre proposition : ajouter la possibilité d'intégrer dans le zonage des communes fragiles isolées dans un EPCI non classé et l'obligation de sortir certaines communes urbaines/non rurales du zonage lorsqu'elles sont classées par l'EPCI dont elles sont membres.

Instaurer un double niveau d'intervention

Un double niveau d'intervention est aussi préconisé, dans l'objectif de mieux répondre aux spécificités et à la diversité des territoires ruraux. C'était aussi une des propositions des parlementaires. Il s'agirait ainsi d'instaurer un premier niveau ZRR 1 ou ZRR pour les territoires peu denses, avec toutes les aides adossées au dispositif actuel et un second niveau ZRR 2 ou ZRR + pour les territoires très peu denses, avec un accompagnement renforcé et plus ciblé. "Pour définir ce zonage d'intervention prioritaire, la mission propose de renforcer les critères de bases et d'ajouter des critères supplémentaires, notamment l'isolement et l'absence d'accès aux services", détaille le rapport.

L'AMF préconise aussi de changer le nom du dispositif estimant que l'appellation "ZRR" n'est pas très positive. Les appellations "soutien à la dynamique rurale", "territoire rural prioritaire" ou "zones d'opportunités rurales" ont ainsi été envisagées par les personnes interrogées. Il s'agirait aussi d'améliorer la connaissance du dispositif, de simplifier l'accès aux aides et de renforcer l'ingénierie pour les communes.

L'AMF propose d'évaluer les critères du dispositif, avec des simulations avant toute modification, et d'instituer un dispositif de suivi annuel, au niveau national avec l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) en lien avec les associations d'élus, et au niveau local, avec le préfet, en collaboration avec les services fiscaux et l'Urssaf.

Renforcer les aides à la rénovation des logements

Autres propositions : renforcer les mesures favorisant l'installation et le maintien des professionnels de santé (tout en veillant à éviter les effets d'aubaine) et les mesures fiscales d'aide à la rénovation des logements, une dimension qui n'est pas prise en compte par les ZRR d'aujourd'hui. La mission propose de permettre de déroger aux limitations des droits à artificialiser imposées par l'objectif ZAN lorsque la commune est classée en ZRR. "Concrètement, les cartes communales, PLU et PLUI de ces communes n'auraient pas à intégrer l'objectif ZAN de manière aussi rigoureuse que les autres documents d'urbanisme, et pourraient proposer des objectifs adaptés à leur situation et à leur besoin de revitalisation", détaille le document. Des dispositifs, notamment fiscaux, pourraient aussi favoriser la construction neuve, la réhabilitation ou la rénovation dans l'ancien, pour accompagner l'offre en accession et en location et lutter contre l'inflation des loyers dans certains territoires.

Concernant l'offre de commerces, une des problématiques centrales des communes rurales, la mission préconise - à l'instar de la mission parlementaire - de restaurer le Fisac et de créer une aide au maintien du dernier commerce avec la création d'un fonds pour permettre l'intervention publique dans ce domaine. L'aide serait mobilisable pour le rachat du foncier, du fonds de commerce et/ou de la licence de débit de boisson, pour les travaux de rénovation, l'achat de matériel ou de stock et même le recrutement du personnel dédié à l'exploitation du commerce. Enfin, l'AMF estime qu'il faudrait maintenir les exonérations sur une période transitoire avant la sortie du dispositif. "Il conviendrait de s'assurer que seules les communes dont la situation démographique et économique s'est améliorée, sont concernées, indique le rapport, à défaut les conséquences pourraient être dramatiques sur la situation de ces communes déjà fragiles".

Enfin, la mission reprend une idée déjà préconisée par la mission "Agenda rural", à laquelle participait Céline Gallien, maire de Vorey (Haute-Loire), en 2020, sur l'expérimentation du financement des "aménités rurales", à savoir les bienfaits apportés par ces territoires.

L'AMF doit rencontrer prochainement les parlementaires pour voir "s'ils peuvent croiser leurs propositions et avoir une cause commune pour le portage de ces futures zones", a détaillé Ludovic Rochette.