Réforme territoriale - Développement économique : les communautés se spécialisent dans les "services supports"
Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr), adopté en première lecture par le Sénat, puis l'Assemblée le 11 mars, a mis un peu d'ordre dans la compétence économique des collectivités. En confortant la région dans son rôle de stratège, il clarifie la place des intercommunalités. Le texte spécifie leur compétence en matière d'accueil immobilier des entreprises et d'animation des politiques commerciales. Pour autant, le débat parlementaire n'est pas clos et l'Assemblée des communautés de France (ADCF) compte encore peser pour faire des intercommunalités "les interlocuteurs de proximité sur les besoins des entreprises".
Les communautés sont en effet amenées à se spécialiser de plus en plus dans la fourniture de "services supports" de proximité, comme le montre une volumineuse étude intitulée "Regards sur les stratégies et actions économiques locales", menée en partenariat avec la Caisse des Dépôts, dans laquelle l'association a passé en revue les stratégies que les intercommunalités mettent en place sur leur sol.
Co-production avec la région
L'étude rappelle au passage l'impérieux besoin d'une clarification sachant que les collectivités de tous niveaux consacrent chaque année quelque 6,5 milliards d'euros au développement économique. "Tous les niveaux de collectivité interviennent sur les différents champs économiques, d'où une nécessaire collaboration ou, du moins, coordination entre tous ces niveaux d'acteurs", souligne l'ADCF. A ce titre, le projet de la loi Notr constitue un progrès puisqu'il confie à la région une compétence exclusive en matière d'aides directes (même si communes et communautés peuvent intervenir en complément ou par délégation). "Le renforcement des compétences régionales ne saurait se traduire par l'attribution d'une compétence exclusive en matière de développement économique", souligne cependant l'assemblée. "D'importants soutiens sont attendus pour les entreprises, au plus proche du terrain, de la part des acteurs publics locaux : communautés, pays, agences de développement…", fait-elle valoir.
Si le projet de loi Notr garantit la participation des intercommunalités à l'élaboration du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), l'ADCF souhaite qu'elles puissent "co-produire" ces schémas. La conférence territoriale de l'action publique (CTAP) instituée par la loi Maptam du 27 janvier 2014 devrait être le lieu de cette co-production, insiste l'ADCF. L'assemblée s'inquiète en revanche de la valeur prescriptive du schéma régional.
De cette co-production du SRDEII découlerait des stratégies d'animation économique (organisation des filières, clusters, pôles de compétitivité...) territorialisées.
Assurer des services supports de proximité
Au-delà des aides, "les entreprises sont en attente dans les territoires, de nombreux services support qui ne sont pas de la compétence première des régions", souligne encore l'AdCF qui souhaite faire des communautés le "niveau de l'opérationnalité et de la maîtrise d'ouvrage de proximité" : immobilier d'entreprises, accompagnement des créateurs, soutiens aux clubs locaux d'entreprises, qualité des services supports et équipements publics tels que le numérique... Les intercommunalités pourraient ainsi jouer le rôle de "tiers de confiance" des collaborations interentreprises, de point d'entrée unique, comme y invite le Pacte territorial pour la croissance et l'innovation, adopté par l'ADCF à Lille, début octobre 2014...
"De nombreux services complémentaires sont proposés aux entreprises, comme des crèches inter-entreprises de tous types, d'initiative publique comme privée, mais aussi un plan de déplacements urbaines à l'échelle des parcs d'activités, élaboré en partenariat avec la région et la CCI", témoigne ainsi dans l'étude Charles-Eric Lemaignen, président de l'ADCF et de la communauté d'agglomération d'Orléans, l'AgglO.
Le point commun de tous ces services est de "favoriser un écosystème local de développement" à l'échelle des bassins d'emploi. Il en va aussi, par exemple, des espaces de travail communs, des logements pour les salariés, ou de plans de déplacement inter-entreprises que les communautés peuvent mettre en place en tant qu'autorités organisatrices de transports… Bref, un ensemble de services que les auteurs de l'étude résument par "l'intégration servicielle".
Mais cette montée en puissance des communautés - qui s'accompagne d'une montée en gamme de leurs prestations (ingénierie, appui à des projets complexes...) - pose la question de l'articulation avec les autres niveaux de collectivités. A commencer par les départements réduits aux acquêts par le projet de loi Notr en matière économique. Dans le Loiret, le département et l'AgglO ont ainsi entrepris une fusion de leurs services : 70 agents auront été "mutualisés" d'ici 2017. Reste la question des communes avec qui les communautés partagent la responsabilité des aides à l'immobilier d'entreprise. Pour l'ADCF, le projet de loi Notr reste incomplet. Elle plaide pour un transfert complet de la compétence économique des communes aux communautés de manière à affirmer ces dernières comme "l'autorité organisatrice" du développement local.