Développement de l’agrivoltaïsme : le guide technique est paru
Très attendue, une instruction interministérielle relative aux conditions d’autorisation et de contrôle des installations agrivoltaïques et photovoltaïques au sol dans les espaces naturels, agricoles et forestiers explicite l'arsenal réglementaire technique issu de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Aper). Sa publication est intervenue à point nommé, ce 19 février, soit quelques jours avant l’ouverture du 61e Salon de l’agriculture.
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Le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 - complété d’un arrêté du 5 juillet 2024 - a permis d’apporter les premières briques du cadre réglementaire de développement de l’agrivoltaïsme et du photovoltaïque sur espaces naturels, agricoles et forestiers. Une instruction technique, publiée ce 19 février au Bulletin officiel du ministère de l'Agriculture, à l'attention des préfets et services instructeurs, fournit les derniers éclairages. L’ensemble des régimes mis en place par l’article 54 de la loi du 10 mars 2023 d’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite Aper, est ainsi passé en revue dans le guide qui figure en annexe. Celui-ci fera l’objet "d'une mise à jour périodique en fonction des retours d’expérience", est-il précisé. Y sont distingués : les projets agrivoltaïques qui doivent apporter un service direct à l’activité agricole et garantir le maintien d’une activité agricole principale et significative et d’un revenu durable en étant issu (art. L.314-36 du code de l’énergie) ; les projets photovoltaïques compatibles avec une activité agricole, pastorale ou forestière (dits "PV compatibles" ), qui ne pourront être autorisés que sur des terrains identifiés dans un document-cadre départemental décrit à l'article L.111-29 du code de l’urbanisme (CU) ; et l'implantation de serres, de hangars et d’ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques, qui devront être instruits au titre de l’article L.111-28 du CU.
Tout est question de définition
Le plus ardu est d’apprécier le caractère agrivoltaïque d’une installation (L.111-27 CU), à travers une batterie de critères cumulatifs, à commencer par la notion de "parcelle agricole à considérer", qui sert de référence pour toutes les analyses relatives au projet agrivoltaïque, et notamment pour la détermination de la surface minimale de la zone témoin éventuelle.
Les centrales solaires au sol "classiques" n’ont qu’une seule fonction : la production d’énergie électrique et relèvent donc du régime prévu à l’article L.111-29 CU ("PV compatibles"), apprend-on également. Quant aux projets de hangars agricoles photovoltaïques, ils devront être instruits au titre de l’article L.111-28 CU exclusivement : "(…) n'ayant pas vocation à surmonter des cultures, des pâtures, ou des parcours extérieurs accessibles aux animaux, ils ne peuvent donc pas prétendre assurer une synergie avec une activité de production agricole, et ne peuvent donc pas par définition constituer des installations agrivoltaïques, à la différence des ombrières", explicite l’instruction. Il est rappelé en outre que le régime prévu par l’article L.111-28 CU ne s’applique qu’en cas d’implantation concomitante d’une serre, d’un hangar, ou d’une ombrière et de l’installation photovoltaïque située au-dessus. Autrement dit, ce régime n’est pas applicable en cas d’installation de panneaux photovoltaïques sur un bâtiment préexistant.
Une ombrière agricole, fixe ou mobile, a vocation à fournir de l’ombre et/ou une protection contre les intempéries et permettre un couplage avec les productions agricoles sous-jacentes ou un accès libre aux animaux. Et, en conséquence, "peut être autorisée au titre de l’article L.111-27 si elle répond aux conditions des installations agrivoltaïques prévues par l’article L.314-36 du code de l’énergie". Des panneaux photovoltaïques destinés de manière principale à produire de l’énergie (pour la revente ou en autoconsommation) rentreront en revanche dans la catégorie des installations dites "PV compatibles" au titre de l’article L.111-29 CU. Ainsi, dès lors que le document cadre départemental sera entré en vigueur, les projets photovoltaïques au sol (hors agrivoltaïsme) ne pourront être autorisés que sur des sols réputés incultes ou non exploités depuis le 10 mars 2013, et les surfaces incluses d’office listées à l’article R.111-58. Ces surfaces pourront donc concerner des terrains situés par exemple en zone naturelle N ou agricole A d’un PLU où l’exploitation agricole ou pastorale y est impossible au sens de l’article R.111-56. En revanche, elles ne concerneront pas les terrains classés en zone à urbaniser AU ou U, même si l’usage effectif des sols relève encore de la vocation naturelle ou agricole dans l’attente d’une ouverture à l’urbanisation : l’implantation d’installations photovoltaïques sur ces terrains continue de relever du régime d’admissibilité applicable au regard du code de l’urbanisme et des documents de planification en vigueur.
Procédures de suivi et de contrôles
L’instruction comporte également quelques développements sur les dispositions particulières propres à certains territoires (loi Littoral, loi Montagne, etc.), et surtout les attendus de la part des services instructeurs concernant le suivi des projets, de l’autorisation d’urbanisme - procédure précisée au nouvel art. R.431-27 CU - au démantèlement. Ces derniers auront notamment à préparer le passage des dossiers en commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) : avis conforme (pour les installations agrivoltaïques et les serres, hangars et ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques) ou simple (sur des projets d’installations photovoltaïques au sol après l’entrée en vigueur du document-cadre départemental, y compris en outre-mer).
Un large dispositif de contrôle et de sanction est par ailleurs prévu, à partir de rapports de suivi réguliers, entre autres à la mise en service, puis six ans après l’achèvement des travaux. S’y ajoute la possibilité pour les préfets, compétents pour la délivrance des autorisations d’urbanisme, et leurs agents, de visiter, de façon inopinée, les installations, durant les six premières années. À l’instar des ouvrages agrivoltaïques, les "PV compatibles" doivent être réversibles, et des opérations de démantèlement et de remise en état sont donc attendues, au terme de la durée d’autorisation (c’est-à-dire au maximum quarante ans, avec possibilité de la proroger de 10 ans, si l’installation présente encore un rendement significatif) ou au terme de la durée de l’ouvrage si elle survient avant (sanction). Si à l’expiration du délai imparti, il n’a pas été procédé au démantèlement, l’autorité compétente procède d’office aux travaux, met en œuvre les garanties financières et fait supporter au propriétaire du terrain d’assiette le coût du dépassement éventuel.