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Environnement - Des déchets de plus en plus coûteux

Les 16 et 17 septembre, la 11e édition des Assises nationales de la prévention et gestion territoriale des déchets s'est tenue à Paris. Les problématiques abordées ont porté sur des sujets variés, de la collecte en habitat dense à la tarification incitative, en passant par l'incontournable question de l'envolée des coûts de gestion.

Le problème de l'envolée des coûts de gestion était sur toutes les lèvres lors de ces 11e Assises nationales de la prévention et de la gestion territoriale des déchets qui se sont tenues pour la première fois à Paris les 16 et 17 septembre. Laure Tourjansky, adjointe au chef de service de la prévention des nuisances et de la qualité de l'environnement au ministère de l'Ecologie, a rappelé que la dépense de gestion des déchets municipaux atteignait 7,7 milliards d’euros en 2007. "Dès 2006, les investissements ont progressé avec la nécessité de mettre aux normes les incinérateurs. Puis, dès 2009, avec la mise aux normes des décharges. Depuis, les coûts continuent d’augmenter, non à cause des investissements techniques qui ont déjà été réalisés mais à cause de la hausse des flux à traiter", a-t-elle expliqué. Dominique Labrouche, directeur des services du Syctom de l'agglomération parisienne, a ajouté que le coût des modes de traitement y était le suivant : 250 euros la tonne pour le recyclage, 85-90 euros/t pour l’incinération et 90 euros/t pour la mise en décharge.

Pour que le recyclage reste compétitif, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur l'incinération a été créée et celle sur le stockage augmentée. Les collectivités souhaiteraient que leur produit serve plus concrètement à améliorer au quotidien la gestion et la prévention des déchets. "Face à cette inflation des coûts qui semble inexorable, les collectivités sont inquiètes et se demandent jusqu’à quel point leurs habitants pourront payer leur facture", a témoigné Thierry Aubry, du cabinet de conseil Adekwa. Selon lui, en 1993, le coût de gestion revenait en moyenne à 35 euros hors taxes par habitant, contre 82 euros en 2006. "Ce coût a donc augmenté de 7% par an, alors que la croissance du produit intérieur brut atteint 2,1% sur la même période. Si cette dynamique se poursuit, on atteindra un coût de 150 euros par habitant en 2015."

Mieux analyser les coûts

Pour agir sur les coûts, il est nécessaire de mieux les connaître. "Il faut que les élus aient le courage de mieux les regarder en face, même si c’est loin d’être évident car ces coûts font encore peur. Il prévaut aussi une certaine tendance à la sous-tarification. Certains y parviennent, mais en Ile-de-France par exemple, le millefeuille comptable est tellement dense qu’il rend difficile toute visibilité", a poursuivi Thierry Aubry. Rendre lisible l’analyse de ces coûts est donc la première étape à franchir pour pouvoir agir dessus. Cela permet aussi d’assurer une plus grande transparence vis-à-vis des usagers et d'établir des comparaisons entre collectivités voisines ou membres d’une même agglomération. Lorsqu'il y a des choix à faire, cela aide également à mieux maîtriser les coûts d’incinération ou de transport des ordures ménagères ou encore à envisager de collecter exclusivement le verre en apport volontaire.

Parmi la cinquantaine de collectivités qui se sont engagées en France dans la démarche ComptaCoût, qui permet aux collectivités d'avoir une photographie réelle des coûts pour chaque type de déchets pris en charge, le Smitom Centre-ouest seine-et-marnais a témoigné des avantages du dispositif. "Passer à une comptabilité analytique prend du temps. Notre système était insuffisamment développé pour évoluer vers la matrice ComptaCoût, si bien qu’il a fallu intégrer des données extérieures et croiser des renseignements. Sans oublier de former le personnel comptable et technique à son utilisation. Cette matrice nous permet de pouvoir avancer des coûts clairs et de parler le même langage que d’autres collectivités", a expliqué Patrick Scheurer, DG de ce Smitom. "Les techniciens sont souvent convaincus de l’intérêt de cette méthode, les élus sont plus difficiles à toucher", a résumé Christian Militon, chef du service planification et observation des déchets à l’Ademe.

Harmoniser les consignes de tri et tester de nouveaux outils

Divergence des pratiques et des signalétiques : d’une ville à l’autre, les déchets ne sont pas collectés de la même façon et suivant les mêmes consignes. Même les couleurs des bacs diffèrent : selon les villes, les bacs pour les emballages recyclables, prévus en jaune, peuvent être bleus ou verts. Et les bacs à verre verts, blancs ou bleus… Un atelier a ainsi porté sur l’objectif d’harmonisation des pratiques et consignes de tri. Il intégrera à terme un changement représentant en soi une petite révolution : un pictogramme imprimé sur les emballages indiquera ceux qui peuvent être recyclés, et donc par défaut ceux qui ne peuvent pas l’être.

Camille Durand, ancien premier vice-président de Nantes métropole, est revenu sur l’expérience de déploiement de la collecte sélective Tri'Sac. "Pour développer la collecte en habitat vertical, on nous proposait de modifier pour une somme astronomique le bas des tours. On a imaginé un autre système : un sac jaune pour les recyclables et un sac bleu pour les déchets partant en incinération sont distribués aux habitants, puis collectés dans un même bac et séparés en entrée de centre par un lecteur optique. Passées les premières difficultés (refus de tri, réglage des bennes pour que les sacs n’explosent pas), le système évite d’augmenter les tournées mais n’empêche en aucun cas d’avoir recours à des ambassadeurs du tri", a-t-il indiqué. Lancé fin 2006, le dispositif concerne aujourd'hui près de 68.000 foyers nantais, mais sa généralisation à toute la ville semble reportée.

Autre outil concret, la déchetterie mobile, dont un atelier a dévoilé le faible coût : 900 euros par jour pour 150 jours d’utilisation par an. Il en existe une petite vingtaine en France, surtout en zone rurale (Nord-Allier, Montbrison (Loire)). Complémentaire d’une déchetterie fixe, elle facilite notamment la collecte des encombrants. Autre moyen jugé efficace par les collectivités qui l’ont testé : l’informatique embarquée sur les véhicules de collecte des déchets. "Elle fait baisser les coûts de gestion et de carburant", a ainsi assuré Carole Renaud-Goud, directrice des services du Sycodec Plaines et montagnes rémoises, l’une des premières structures à l’avoir expérimentée. Quant à la tarification incitative, elle intéresse de plus en plus les collectivités, a confirmé Cathy Blanchard, consultante chez Recytec : "Mais son coût de fonctionnement n'est pas à négliger, si bien que nombre d’entre elles demandent des aides pour la mettre en place. Elles en obtiennent généralement plus facilement pour les bacs à puces et la pesée embarquée."
 

Morgan Boëdec / Victoires éditions

 

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