Décret anti-mortiers : symbole de l'incapacité à faire respecter la loi

Le décret d'Élisabeth Borne interdisant les ventes de mortiers d'artifice en prévision du 14 Juillet a de quoi surprendre puisque, depuis la loi Sécurité globale du 25 mai 2021, ces ventes sont officiellement interdites aux non-professionnels.

Si la tension est retombée dans les cités, le gouvernement craint un nouvel embrasement à l'approche du 14 Juillet. Dans un entretien publié dans Le Parisien samedi, Élisabeth Borne a promis des moyens "massifs pour protéger les Français". Ces moyens doivent encore être précisés par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, mais la Première ministre a notamment évoqué un décret pour interdire la vente, le port et le transport de mortiers d'artifice, ces derniers étant détournés de leur usage initial comme arme par destination depuis des années. "Afin de prévenir les risques de troubles graves à l'ordre public au cours des festivités du 14 Juillet, sont interdits jusqu'au 15 juillet inclus, la vente, le port, le transport et l'utilisation d'articles pyrotechniques et artifices de divertissement sur l'ensemble du territoire national", indique ce décret paru au Journal officiel le 9 juillet. Ces interdictions "ne sont pas applicables lorsque l'acquisition, le port, le transport et l'utilisation des matériels qu'il mentionne sont le fait de professionnels disposant des agréments et habilitations requis ou de collectivités publiques". Voilà qui est dit. Même si elle vise l'ensemble des "articles pyrotechniques", la mesure a de quoi surprendre puisque depuis au moins 2009, l'exécutif tente de réguler ces achats (voir notre article du 5 novembre 2019). En vain. Une interdiction de la vente de mortiers d'artifice avait été envisagée suite à l'incendie de l'école du cirque de Chanteloup-les-Vignes, en novembre 2019. Mais c'est l'assaut du commissariat de Champigny-sur-Marne, le 10 octobre 2020, qui avait conduit à intégrer cette mesure d'interdiction dans la loi Sécurité globale du 25 mai 2021 (articles 70 et 71 intégrés au code de l'environnement). Depuis lors, la vente à des non-professionnels est passible de 7.500 euros d'amende et de six mois d'emprisonnement. La peine est portée à 15.000 euros d'amende et un an d'emprisonnement en cas de vente en ligne.

En outre, depuis un décret du 17 décembre 2021, pris en application de cette loi, les commerçants ont obligation de signaler au ministère de l’Intérieur tout achat semblant suspect. Le décret précise ce qu'il entend par "transactions suspectes". Il en est ainsi lorsque le client "refuse de préciser l'usage qu'il envisage de faire des articles", "souhaite l'acquisition d'articles dans des quantités inhabituelles", "sollicite l'acquisition d'articles inhabituels pour l'usage envisagé", "refuse de prouver son identité", "insiste pour recourir à certaines méthodes de paiement, notamment, pour des achats importants, en numéraire". En pareils cas, le signalement "doit être effectué immédiatement après la tentative de transaction, et au plus tard dans un délai de 72 heures à compter de la tentative. À défaut, le commerçant encourt une contravention de cinquième classe. Las, le décret n'avait pas empêché un festival de tirs de mortiers quelques jours plus tard, lors la nuit de la Saint-Sylvestre (voir notre article du 5 janvier 2022). Aujourd'hui, les tirs de mortiers d'artifices sont monnaie courante dans les cités, pas simplement comme arme par destination dirigée contre les forces de l'ordre, mais comme ostentation et provocation.

Référence : décret n° 2023-576 du 8 juillet 2023 portant interdiction de la vente, du port et du transport d'engins pyrotechniques et d'artifices de divertissement, JO du 9 juillet 2023.