Déconfinement : le casse-tête continue dans les transports publics
Le déconfinement s'annonce particulièrement ardu pour les transports publics, qu'ils soient urbains ou interrégionaux. Contraints d'appliquer de strictes règles de distanciation après le 11 mai, leur capacité risque d'être fortement réduite au moment où la fréquentation devrait reprendre. La question des transports scolaires est tout aussi complexe. Le secrétaire d'État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a donné quelques précisions sur la manière dont les mesures présentées le 28 avril par le Premier ministre devraient s'appliquer.
À quoi ressembleront les transports publics après le 11 mai ? Lors de la présentation de la "stratégie nationale du plan de déconfinement" ce 28 avril, le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé que le port du masque serait obligatoire pour tous les voyageurs, au moins pour les trois semaines de période de transition post-confinement envisagée jusqu'au 2 juin. La question du port du masque n'est pas une surprise et faisait consensus dans le monde des transports. Mais contrairement à ce que demandaient les opérateurs de transports - SNCF, RATP, Transdev, Keolis, les indépendants d'Agir et leur fédération, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) -, Édouard Philippe a suivi l'avis du Conseil scientifique : porter un masque ne saurait affranchir du respect d'une distance d'un mètre au moins autour de chaque passager.
La contrainte de la distanciation
"Les opérateurs devront (...) s'organiser pour permettre, même dans le métro, de respecter les gestes barrières", a-t-il déclaré. "Cela veut dire, par exemple, que la capacité du métro parisien sera (...) drastiquement réduite par rapport à sa capacité normale. Qu'il faudra (...) condamner un siège sur deux, favoriser, par des marquages au sol, la bonne répartition sur les quais, se préparer à limiter les flux en cas d'affluence", a-t-il précisé.
Les pouvoirs publics vont en contrepartie s'employer à faire "remonter au maximum l'offre de transports urbains" à partir du 11 mai. À Paris par exemple, l'offre de la RATP devrait remonter de 30% de véhicules en circulation aujourd'hui à 70%, avant de revenir "rapidement" à son niveau habituel. Or, obliger les passagers à garder leurs distances dans un métro, un tramway ou un bus de la capitale et de sa banlieue en réduirait le nombre d'"au moins 80%", selon la RATP. Mathématiquement, celle-ci devrait donc fonctionner à moins de 15% de sa capacité le 11 mai, alors que bureaux et commerces rouvriront.
"Faire baisser la demande"
Édouard Philippe veut aussi "faire baisser la demande", en favorisant le télétravail, en étalant les horaires et "en demandant aux Français de considérer que les transports aux heures de pointe doivent être réservés à ceux qui travaillent". Des concertations doivent s'engager très rapidement au niveau local entre les autorités organisatrices, les usagers et les opérateurs de transport pour régler les détails techniques. "S'il faut organiser les flux, réserver les transports à certaines heures à certaines populations, nous accompagnerons les autorités organisatrices de transport", a-t-il précisé.
En Île-de-France, la présidente de région, Valérie Pécresse, qui est aussi à la tête de l'autorité organisatrice des transports Île-de-France Mobilités, a indiqué mardi soir sur TF1 vouloir "limiter leur usage". Elle a aussi dit qu'elle "(négociait) un accord pour que 80% des personnes qui aujourd'hui télétravaillent continuent à le faire" après le 11 mai, et que les arrivées des salariés se fassent "entre 7h00 et 11h00 du matin" pour "desserrer l'heure de pointe".
La SNCF a pour sa part lancé un "appel solennel" aux employeurs pour que les entreprises limitent les déplacements de leurs employés, tandis que la RATP a fait savoir qu'elle s'emploierait avec sa tutelle et ses partenaires à "réadapter l'offre et limiter les flux".
Questions pratiques
Dans la pratique, un certain nombre de questions vont se poser : comment faire respecter les règles de distanciation ? Faudra-t-il filtrer les gens à l'entrée des rames et des stations, au risque de les entasser sur un quai ou un trottoir ? Pourra-t-on empêcher quelqu'un de monter dans un bus ? Que faire si un passager n'a pas de masque ?
"S'agissant du port du masque, nous organiserons des contrôles avec les forces de l'ordre, avec les opérateurs de sûreté de la SNCF et de la RATP, et pour cela le cadre est bien posé", a indiqué sur France 5 le secrétaire d'État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari. Ce 29 avril sur Europe 1, il a précisé que si la "bienveillance" sera de mise le 11 mai, il y aura ensuite "contrôle et potentiellement sanction". "Nous prévoyons d'habiliter les services de sûreté (...) et de solliciter les forces de l'ordre (...), nous travaillons avec les élus et les opérateurs, cela va être abordé dans les prochains jours", a-t-il affirmé.
Comment concilier limitation des transports interrégionaux et besoins de mobilité liés au travail ?
Les longs déplacements entre départements ou entre régions seront toujours réduits après le 11 mai "aux seuls motifs professionnels ou familiaux impérieux, pour des raisons évidentes de limitation de la circulation du virus", a annoncé Édouard Philippe. "Nous allons continuer à réduire l'offre, à exiger une réservation obligatoire dans tous les trains - TGV ou non -, à décourager les déplacements entre départements", a-t-il relevé, ajoutant que des attestations seraient toujours nécessaires pour les voyages dépassant 100 kilomètres. Dans un communiqué diffusé ce 28 avril, les régions, en tant qu'autorités organisatrices des transports, disent rester "en attente de précisions sur la nature des limitations des flux interrégionaux, voire interdépartementaux, au regard de la réalité des besoins de mobilités observés sur de nombreux bassins d’emplois à des échelles interrégionales."
Transports scolaires : nombreux points en suspens
Autre question épineuse : la reprise des transports scolaires. Sur Europe 1 le 22 avril, Nicole Bonnefoy, sénatrice de Charente et présidente de l'Association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public (Anateep) a estimé que "beaucoup de questions restent en suspens". "Quelle doit être la distanciation sociale ? Les élèves devront-ils mettre des masques, des gants ? Qui les fournit ? La famille, l'autorité qui organise les transports, le transporteur ? Les moyens de transports devront-ils être désinfectés ? Après chaque service, après chaque rotation ?" D'après elle, il faut "apporter une assurance et une sécurité sanitaire maximum" aux familles et aux élèves.
"La décision de maintenir une distanciation sociale dans les transports scolaires, particulièrement complexe dans son organisation dont l’offre n’est pas extensible (un tiers des élèves prennent en temps normal les lignes régulières) et le fait d’organiser une offre de service répondant aux besoins des familles supposent une très grande anticipation et la confirmation d’une coordination en amont avec les autorités académiques département par département, a aussi pointé Régions de France. Ce n’est qu’en confirmant ces principes que les Régions pourront faire le nécessaire pour être à ce rendez-vous également." Interrogé sur cette problématique des transports scolaires, Jean-Baptiste Djebbari a répondu sur Europe 1 que c'est le "couple maire - préfet qui mettra en place les mesures". "Les écoles vont reprendre progressivement, ça va s'organiser en symétrie entre les exigences du port du masque à l'école et dans les transports scolaires", a-t-il dit.