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Sécurité - De plus en plus de bailleurs sociaux se dotent de "référents sûreté"

Les bailleurs sociaux investissent de plus en plus le champ de la sécurité. Ce qui n'est pas sans poser la question de leur légitimité dans ce domaine...

Trafic de drogue au nez et à la barbe des gardiens, squats de hall d'immeuble, dégradations, menaces voire agressions… Une étude de l'IAU (Institut d'aménagement et d'urbanisme) d'Ile-de-France jette une lumière crue sur le quotidien des gardiens et autres personnels de proximité des bailleurs sociaux. Les auteurs de l'étude, une urbaniste et une sociologue, prennent des précautions. Il ne faudrait "pas réduire ces quartiers aux seuls préoccupations de sécuritaires et céder aux visions trop alarmistes", préviennent Camille Gosselin et Virginie Malochet. Il n'empêche. Elles sont vite rattrapées par la réalité. Celle de bailleurs "relativement démunis", "à la limite de l'exercice", "sur le fil". Les trafics de drogue concentrent "un tiers de nos résidences. Ça c'est quelque chose qui nous dépasse", témoigne, dépité, un référent sûreté de l'ESH (Entreprises sociales pour l'habitat). Tel autre responsable de secteur d'une cité d'Orly constate que deux halls servent de lieu de deal. "Mais ce n'est pas visible" pour les passants... Les auteurs relatent aussi les tensions voire les altercations dont sont victimes les personnels dont les témoignages "traduisent en creux une forme d'ethnicisation". "Ces situations de tensions relationnelles dégénèrent parfois, et il arrive que les agents de proximité soient la cible d'actes d'intimidation plus ou moins violents, d'injures et de menaces verbales (régulièrement), voire de filatures et d'agressions physiques (heureusement plus rarement)", indiquent-ils dans cette étude réalisée à partir de trois sites situés sur des quartiers prioritaires de la politique de la ville, à Orly, Argenteuil et Bagneux-Cachan.

Apparition d'un nouveau métier

Cette situation a amené les bailleurs à investir de plus en plus le champ de la sécurité. "Dans bon nombre d'organismes, des référents sûreté ont été recrutés", constate l'IAU. "Quoi que leur position organisationnelle et leur périmètre d'action change d'un organisme à l'autre, un nouveau métier est en train de se constituer autour d'eux", observe-t-il. L'USH anime ainsi un réseau de 150 référents qui "concourt à la constitution et à la diffusion d'une culture professionnelle spécifique". "Autour des référents sûreté, un nouveau segment professionnel est en train de se structurer dans le champ du logement social". Cas plus rares, "quelques bailleurs se dotent même d'un service ou d'une direction spécifique".
L'enquête montre aussi un intérêt croissant pour la "sécurisation passive" ou "prévention situationnelle", c'est-à-dire tout ce qui, dans l'aménagement des espaces extérieurs et des parties communes, peut dissuader la commission d'infractions ou d'incivilités : l'éclairage, les caméras, l'ouverture des espaces… Pour de nombreux bailleurs, l'aménagement des espaces est considéré comme "un levier important en matière de tranquillité". Même si "la présence humaine s'impose comme un levier essentiel". Ainsi, toutes ces mesures "n'ont d'efficacité qu'intégrées dans une approche plus globale", développe l'étude.

Pression des pouvoir publics

Trois motivations expliquent cette montée en puissance de la sécurité chez les bailleurs. Tout d'abord, les bailleurs sociaux seraient "de plus en plus sensibles à l'orientation 'client'", or l'insécurité joue sur l'attractivité des sites, la vacance des logements et donc les performances économiques. Les bailleurs sont aussi responsables de la sécurité et de la santé de leurs employés. Leurs personnels de proximité sont "les plus exposés aux tensions et aux risques d'agression". Mais en une vingtaine d'année, le législateur a également accru leur responsabilité en matière de sécurité. Ils doivent prendre des mesures pour faire cesser les troubles de voisinage, garantir la tranquillité résidentielle, sont soumis à des obligations de gardiennage, de surveillance, de prévention situationnelle (éclairage, contrôle d'accès). Ils sont aussi fortement sollicités pour collaborer avec les forces de police, notamment en transmettant leurs images de vidéosurveillance. "Autrement dit, si les bailleurs sociaux se mobilisent toujours plus sur le volet tranquillité/sécurité, c'est aussi parce qu'ils subissent une pression de la part des pouvoirs publics, et non par seulement de la part de leurs personnels et de leurs locataires." Mais cette collaboration avec les forces de police n'est pas sans poser de problèmes. La discrétion est de rigueur. "Jusqu'où ne pas aller trop loin ?", s'interrogent les auteurs. Les bailleurs sont ainsi "bien souvent tiraillés par la question de savoir dans quelle mesure investir ce terrain dont nombre estiment qu'ils relèvent avant tout des missions régaliennes de l'Etat". Chez certains d'entre eux, l'intégration de référents sûreté "ne va pas toujours de soi", et suscite même parfois "scepticisme voire méfiance".

Un partenariat local pas assez opérationnel

Entre tranquillité résidentielle et sécurité publique, les bailleurs ont parfois du mal à se positionner. A ce titre, les instances de partenariat local, notamment les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), ne semblent pas toujours adaptées ou pas assez opérationnelles. "De l'avis majoritaire, ces espaces d'échanges ne sont certes pas inutiles, parce qu'ils permettent 'de se voir, de se connaître et de maintenir un lien', mais n'ont pas nécessairement de répercussions sur le terrain." On notera à ce titre l'exemple de la convention passée entre l'Opac de l'Oise et la gendarmerie sur la zone de sécurité prioritaire de Méru-Chambly. Cette convention permet des opérations coordonnées (mais pas conjointes !) deux fois par mois, notamment sur les points chauds de trafics de stupéfiants. Cette initiative est cependant accueillie avec réserve par l'USH qui juge qu'elle "va très loin". Trop ?
"Dans une logique plus transversale de prévention sociale de la délinquance, il importe parallèlement d'élargir le partenariat à d'autres sphères professionnelles, et de renforcer les liens avec d'autres acteurs locaux (prévention spécialisée, centres socioculturels, établissements scolaires, etc.)", jugent les auteurs.  

 

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