Urbanisme - De nouvelles propositions visant à accélérer le traitement des contentieux
La conseillère d'Etat Christine Maugüé a remis ce 11 janvier à Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, le rapport de la mission qu'elle a menée pour un traitement du contentieux des autorisations d’urbanisme "plus rapide et plus efficace". Quatre champs de simplification et d’accélération du traitement du contentieux sont proposés, nécessitant des mesures législatives et réglementaires. Le ministre a demandé que les dispositions législatives "les plus opportunes" soient intégrées au prochain projet de loi "Evolution du Logement et Aménagement Numérique" (Elan).
Véritable serpent de mer auquel se sont déjà attaqués de nombreux gouvernements, le contentieux de l'urbanisme est l'un des plus complexes en France. Le délai moyen de jugement des recours contre les permis de construire est de l'ordre de 24 mois en première instance, selon le ministère de la Cohésion des territoires. Dans la consultation qu'il a menée dans le cadre de la préparation de la Stratégie Logement du gouvernement, le développement de recours abusifs dans le champ de l'urbanisme est apparu comme un obstacle pour les projets de construction, notamment en secteur urbain tendu.
Groupe de travail
Par une lettre du 9 août 2017, le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard a donc confié à la conseillère d'Etat Christine Maugüé, la mission de procéder à l'évaluation des dispositions existantes en termes de lutte contre les recours abusifs dans le champ de l'urbanisme et de faire des propositions de dispositions complémentaires d'amélioration. A la tête d'un groupe de travail associant des représentants d'associations d'élus locaux, des universitaires, des avocats, des notaires, des professionnels de la construction, des magistrats administratifs et des représentants du ministère de la Cohésion des territoires et du ministère de la Justice, Christine Maugüé a remis son rapport au ministre ce 11 janvier.
Réduire les délais de jugement des recours
Dans le respect du droit des tiers, les propositions du rapport couvrent quatre champs de simplification et d'accélération du traitement du contentieux dans l'urbanisme qui nécessitent des mesures législatives et réglementaires.
Le premier volet vise à réduire les délais de jugement des recours contre les autorisations d'urbanisme. La mission propose dans ce cadre de clarifier les règles d'appréciation de l'intérêt pour agir, d'encadrer dans le temps le débat contradictoire, d'explorer davantage la voie du référé comme outil de régulation du contentieux et d'expliciter le régime contentieux applicable aux permis de construire valant autorisation au titre d'une autre législation.
Parmi les mesures les plus notables, elle suggère d'interdire à un requérant de demander au juge la suspension de l'autorisation au-delà d'un certain délai, certains requérants attendant en effet sciemment que la construction soit entamée pour demander la suspension des travaux. Pour accélérer le déroulé du traitement du contentieux, elle propose aussi de fixer une date au-delà de laquelle il est impossible de soumettre aux juges de nouveaux arguments pour le requérant ("cristallisation" des moyens). Elle préconise aussi la mise en place d'un délai de jugement à 10 mois pour certains projets, alors que le délai de jugement moyen en urbanisme est actuellement de 24 mois en première instance devant les tribunaux administratifs.
Consolidation des autorisations existantes
Le deuxième volet du rapport porte sur la consolidation des autorisations existantes. Le groupe de travail a ainsi formulé plusieurs propositions destinées à favoriser l'information du bénéficiaire d'une autorisation sur les contestations ou remises en cause dont celui-ci pourrait être l'objet. D'autres mesures visent à permettre au pétitionnaire, une fois la juridiction saisie, de régulariser sa situation, sous l'égide du juge. Le groupe de travail a aussi proposé de couper le lien entre illégalité du plan local d'urbanisme (PLU) et autorisations de construire et permis d'aménager, lorsque l'illégalité du PLU n'affecte pas les règles applicables au projet. Il a également cherché à réduire l'incertitude sur l'existence d'un risque pénal en cas d'exécution de travaux de construction conformes à une autorisation de construire définitive mais non conformes aux dispositions du PLU en vigueur au moment où ils sont exécutés.
Pour renforcer la stabilité juridique des constructions achevées, la mission a également proposé de clarifier les règles de la prescription administrative en précisant la portée des termes "construction sans permis de construire", à l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme, de reconnaître au préfet un droit spécifique pour demander la démolition d'une construction et de limiter à six mois le délai de contestation des constructions achevées.
Sanctions des recours abusifs
La dernière partie du rapport préconise de sanctionner plus efficacement les recours abusifs. La mission propose d'abord d'assouplir l'article L.600-7 du code de l'urbanisme, en modifiant les conditions d'ouverture des conclusions reconventionnelles à caractère indemnitaire. Elle propose aussi d'étendre l'encadrement du régime des transactions (article L.600-8 du code de l'urbanisme), en prévoyant notamment que celles conclues avec des associations ne puissent pas avoir pour contrepartie le versement d'une somme d'argent.
En recevant le rapport, Jacques Mézard a demandé que les dispositions législatives "les plus opportunes" soient intégrées au projet de loi "Evolution du Logement et Aménagement Numérique" (ELAN) et que les travaux réglementaires soient "rapidement engagés pour concrétiser ces mesures de simplification et de facilitation dans l'acte de bâtir au quotidien".