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LME - De l'économie solidaire aux grandes surfaces : le grand écart

Les discussions sur le projet de loi de modernisation de l'économie ont démarré avec l'examen de la première partie, notamment les mesures en faveur de l'économie solidaire. En attendant la suite, les esprits s'échauffent sur la question des grandes surfaces et du rôle des maires.

Les députés ont adopté cette semaine les articles de la première partie du projet de loi de modernisation de l'économie (LME), intitulée "Mobiliser les entrepreneurs". Vingt articles ont ainsi été examinés, parmi lesquels l'Article 1, qui crée un statut fiscal et social simplifié pour les petits entrepreneurs, l'Article 3, qui permet une dispense d'immatriculation au registre des commerces et des sociétés pour les personnes dont l'activité complémentaire ne dépasse pas 30.000 euros de chiffre d'affaires par an, ou l'Article 4, qui facilite l'utilisation de locaux d'habitation comme locaux professionnels quand ceux-ci sont situés au rez-de-chaussée. Les députés ont également adopté les dipositions relatives aux délais de paiements et l'Article 7, grâce auquel les acheteurs publics pourront réserver jusqu'à 15% de leurs marchés technologiques aux PME.

Au-delà de ces thématiques, les discussions ont essentiellement porté sur l'économie solidaire. L'Article 20, qui définit les entreprises solidaires, a été adopté sans changement. Sont ainsi concernées les entreprises qui "soit emploient des salariés dans le cadre de contrats aidés ou en situation d'insertion professionnelle, soit remplissent certaines règles en matière de rémunération de leurs dirigeants et salariés". "Leclerc pourrait être demain une entreprise solidaire", s'est indigné en séance le député de l'Isère François Brottes pour qui "la liste des conditions pour qu'une entreprise soit estampillée entreprise solidaire pose problème car les conditions sont alternatives". Le député socialiste avait au contraire proposé un amendement favorable à une définition cumulative. Mais Hervé Novelli, secrétaire d'Etat, a donné un avis défavorable à cet amendement, considérant que cette mesure conduirait à exclure de l'agrément "des entreprises qui ont déployé des efforts importants en faveur de l'emploi des personnes en difficulté".

Autre sujet discuté : le microcrédit. "A l'échelle de nos collectivités, nous avons du mal à mobiliser les établissements bancaires et à les convaincre de la nécessité de ne pas prêter qu'aux riches", a souligné François Brottes, défendant l'amendement 872 proposé par Dominique Baert, député du Nord. Un amendement inspiré des textes législatifs américains et selon lequel les établissements de crédit auraient été obligés d'indiquer dans leur rapport annuel le nombre et les montants des dépôts collectés et des prêts consentis aux personnes résidant sur le territoire des zones urbaines sensibles. Objectif : développer le microcrédit, une des clés du développement de la création d'entreprises par des demandeurs d'emploi. Pour Hervé Novellli, "il n'est pas nécessaire de recourir à la loi" pour forcer les établissements à communiquer sur leur action. L'amendement a lui aussi été rejeté.

Les députés doivent poursuivre l'examen du projet de loi dès lundi. Au programme : les grandes surfaces, le livret A et le haut-débit.

 

Emilie Zapalski

 

Les esprits s'échauffent, le gouvernement tempère


Le volet "grandes surfaces" du projet de loi de modernisation de l'économie sera discuté à partir de lundi, mais il a donné lieu cette semaine à une véritable passe d'arme entre tenants de la libre ouverture des enseignes et défenseurs du commerce de proximité. Michel-Edouard Leclerc, dont on dit qu'il est l'un des inspirateurs de ce volet, s'est élevé mercredi contre l'implication des maires dans le choix des enseignes lors des autorisations de nouvelles ouvertures. Il a jugé "surréaliste" l'idée de seuil pour la libre implantation, un seuil que le projet de loi prévoit de relever de 300 à 1.000 mètres carrés. Il a qualifié en revanche d'"astucieuse" la proposition du député UMP Jean-Paul Charié, rapporteur du projet, de mettre fin aux autorisations en 2009. "Il y a une confusion des genres, a-t-il dénoncé, il faut séparer ce qui est de l'ordre de l'administration du territoire, qui échoit aux territoires, de l'aspect concurrence". "Ce n'est pas aux élus de choisir entre Leclerc et Intermarché ou Ikea et Mr Meuble", a ajouté Michel-Edouard Leclerc.
La réplique est venue de l'Union professionnelle artisanale (UPA). "Vingt millions de m² supplémentaires de grandes surfaces ont été accordés ces dix dernières années au point que la France détient le record européen de m² de grandes surfaces, et pourtant les prix dans les grandes enseignes françaises sont parmi les plus élevés d'Europe", a relevé le syndicat, jeudi, appelant à "un vrai débat de société auquel chaque Français doit pouvoir participer". L'UPA demande aux parlementaires d'engager "une réflexion sur la façon de soutenir et développer l'économie de proximité".
Entre ces deux positions, le gouvernement tente de faire le grand écart. François Fillon a ainsi déclaré en début de semaine que le maire ne devait "pas être l'arbitre de la concurrence". Car "là, on rentre dans un système administré, et ce système administré a donné les pires résultats qui soient", a-t-il déclaré lors d'une nouvelle émission politique sur téléphones portables et internet (lefigaro.fr et orange.fr). Il est en revanche "normal" que les conseils municipaux puissent "décider du visage de la ville", et reçoivent donc des pouvoirs supplémentaires en matière d'urbanisme. Et puis vendredi, en déplacement à Nancy, le Premier ministre a fait un nouveau geste en faveur du commerce de proximité en annonçant le lancement d'"appels à projets thématiques" pour assurer son développement. "Il s'agira de susciter et d'appuyer partout en France des projets innovants avec les élus et les commerçants de proximité." Ces mesures seraient financées par le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) que la LME prévoit de faire passer de 80 à 100 millions d'euros.
M.T. avec AFP