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Politique sportive - De l'argent pour les clubs sportifs professionnels, des risques pour les collectivités

La Cour des comptes a rendu public le 10 décembre 2009 un rapport intitulé "Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels". Jugement très sévère des pratiques actuelles, appel à la prudence pour l'avenir...

La Cour des comptes a publié, jeudi 10 décembre, un rapport issu d'une enquête effectuée par 19 chambres régionales des comptes sur les financements apportés par les collectivités à des clubs sportifs professionnels. Celle-ci a porté sur une quarantaine de clubs professionnels, relevant de six disciplines sportives : football, hockey sur glace, basket-ball, handball, volley-ball et rugby. En dépit du durcissement de la législation depuis le début des années 2000, la Cour constate que "la sécurité et la transparence des relations entre les collectivités et les clubs professionnels ne sont pas totalement garanties, que ce soit pour l'attribution des subventions, l'achat de prestations de services ou la mise à disposition des équipements sportifs". Tour d'horizon des pratiques déviantes... et des moyens que propose la rue Cambon pour y remédier.

Des dépenses publiques guidées autant par le coeur que par la raison ? 

9 milliards d'euros : c'est la somme dépensée par les communes pour développer la pratique du sport en 2007. Un effort financier bien supérieur à celui des départements (0,8 milliard d'euros) et des régions (0,5 milliard d'euros). Dans ces enveloppes, et bien qu'il soit difficile d'évaluer exactement leur montant, les collectivités territoriales réservent des sommes importantes au sport professionnel. Sans mesurer précisément - ce que dénonce la Cour -, l'effet de ces dépenses publiques guidées parfois autant par le coeur que par la raison.
Les collectivités interviennent d'abord sous forme de subventions : depuis 1999, les subventions directes aux clubs professionnels sont plafonnées à 2,3 millions d'euros par club et par saison. Celles-ci doivent uniquement dédommager les clubs des missions d'intérêt général qu'ils assurent, comme la formation des jeunes, et donc ni assurer leur fonctionnement ou combler un déficit. Or, dans la quasi-totalité des cas étudiés, les chambres régionales des comptes ont constaté que la référence aux missions d'intérêt général dans les conventions liant collectivité et clubs est soit absente, soit imprécise, soit contraire à la réglementation (rapport, p.30). Une référence pourtant obligatoire.
Deuxième forme d'intervention autorisée par le Code du sport, le paiement de prestations de service : la collectivité achète au club des places pour un match ou des espaces publicitaires. Relevant du Code des marchés publics, ces achats ne peuvent dépasser 30% des produits de la société sportive et sont limités à 1,6 millions d'euros par saison... et ne doivent pas essentiellement permettre aux conseillers et employés municipaux d'assister aux matchs. Une précision visiblement utile.
Enfin et surtout, les collectivités, propriétaires de 83% des équipements sportifs français, les mettent à disposition des clubs. Or, ces biens appartiennent au domaine public : hors délégation de service public, la collectivité doit autoriser formellement, par une convention d'occupation du domaine public, le club à les utiliser, contre redevance. Et le juge administratif a précisé que l'assiette de la redevance doit être constituée non seulement par la valeur locative de l'emplacement, mais également par les avantages de toute nature que l'occupation est à même de procurer à son bénéficiaire. La Cour a constaté de nombreuses irrégularités sur ce plan, "qui vont de l'occupation sans titre du domaine public, à l'absence de redevance ou au versement d'une redevance symbolique" (rapport, p.36).

Prudence pour l'Euro 2016

Dans tous ces domaines, les chambres régionales des comptes ont relevé "de nombreux contournements de textes, faute, il est vrai, d'une vigilance suffisante des services de l'Etat". Au-delà du risque juridique, la Cour souligne l'importance des risques financiers et patrimoniaux pris par les collectivités. Des risques non-maîtrisés  : faute d'outils comptables et financiers adaptés, la plupart des collectivités sont incapables d'évaluer le montant total de leurs aides, directes et indirectes.
La Cour critique également des travaux de mise aux normes des stades lors du passage d'un club dans une division supérieure. Dans ce cas, les communes engagent des travaux disproportionnés par rapport à leurs ressources pour répondre au cahier des charges imposé par les ligues professionnelles. Des travaux dont les principaux bénéficiaires seront des sociétés privées.
Dans le cadre de la candidature de la France à l'organisation de l'Euro 2016, la loi du 22 juillet 2009 a facilité l'intervention financière des collectivités dans la construction de stades. Prudence tout de même. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a rappelé que les collectivités doivent se concentrer sur les seuls travaux d'intérêt public : ainsi, le projet de complexe sportif que l'Olympique lyonnais souhaite construire pourrait conduire la communauté urbaine à réaliser entre 80 et 150 millions d'euros de travaux routiers et de transport. Même situation à Lille. Sur ce point cependant, les collectivités ne sont pas les seules sur le banc des accusés : "L'Etat doit porter une plus grande attention au bilan coût-avantages de la construction du nouvel équipement, avant de délivrer les autorisations nécessaires."
Un rapport donc d'une lecture indispensable – et en particulier ses recommandations finales - pour adopter des règles de prudence, juridiques et financières... et concilier ainsi les intérêts des contribuables et ceux des amateurs de sport...

 

Hélène Lemesle

 

 

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