Archives

Habitat - De la lutte contre les taudis à l'ESS, les Pact toujours là

L'assemblée générale de la Fédération des Pact du 11 juin devrait ouvrir une nouvelle ère pour ce mouvement presque centenaire. Si la lutte contre le mal-logement est toujours d'actualité, les moyens ont changé. Aujourd'hui, le mouvement se reconnaît dans l'économie sociale et solidaire.

De tout temps et quel que soit le territoire où ils agissent, "les Pact sont convaincus du fait que l'insertion sociale et la qualité de vie des personnes passent par l'accès et le maintien dans un logement décent, accessible et situé dans un environnement propre à favoriser l'épanouissement de chacun". "En particulier nous considérons que l'habitat privé existant est un facteur d'insertion sociale et d'identité culturelle", ajoute leur Fédération, sachant que les deux tiers des personnes pauvres sont justement logées dans le parc privé.
Précurseur du mouvement, la "Ligue nationale contre le taudis" a été créée en 1924 à Paris. Le premier Pact est quant à lui né à Lyon en 1942. "Pact" signifiait alors "Propagande et action contre les taudis" : "Propagande" s'entendant comme la volonté de convaincre les familles mal-logées (et non pas les pouvoirs publics) de leur droit à un logement digne.

Le chantier Elan 2016

Sans renier ses origines ni ses valeurs, la Fédération des Pact entreprend un grand chantier de renouvellement baptisé "Elan 2016". Le mouvement s'est en effet donné jusqu'à 2016 pour définir un plan d'actions qui réponde à "une demande de progrès exprimée par l'ensemble du mouvement Pact", présente Xavier de Lannoy, président de la Fédération des Pact depuis maintenant un an. Tout sera passé en revue en ayant en tête le contexte de ce début du 21e siècle : les activités des Pact, leurs conditions de fonctionnement et leurs méthodes de gestion, leur organisation.
Xavier de Lannoy est convaincu que l'économie sociale et solidaire (ESS) pourrait servir de cadre. "La grande cause du logement s'y prête", estime-t-il, anticipant également "l'évolution du monde associatif dans l'évolution des financements publics et dans les mutations que nous vivons".

La "plus-value" associative

Aujourd'hui encore "très adossés aux pouvoirs publics", les Pact gagneraient peut-être à développer des financements inspirés de l'ESS. Xavier de Lannoy envisage par exemple de "créer des dispositifs de collecte d'épargne de dons défiscalisés auprès de particuliers".
"On ne valorise pas assez l'utilité sociale de notre action", constate-t-il aujourd'hui. Nous avons une "plus-value associative", ajoute Bernard Lacharme, directeur général de la Fédération depuis le 2 mai dernier (précédemment secrétaire général du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées). Une plus-value qui assure "un conseil neutre et désintéressé" aux collectivités notamment, reposant sur des compétences en matière d'assistance technique, juridique, financière et sociale. 
Les élus ne se rendent pas toujours compte que "pour des personnes vulnérables, l'amélioration de l'habitat est déjà quelque chose de difficile à vivre", souligne Xavier de Lannoy. Or, en plus de l'opération d'amélioration de l'habitat, "les Pact s'occupent également d'améliorer le bien-vivre de la personne dans son logement et dans son quartier", fait-il valoir. "Nous pensons le logement à partir des besoins de la personne et dans un projet de territoire, global", souligne pour sa part son président.

Vieillissement de la population

L'une des ambitions de la démarche Elan 2016 est d'afficher un socle commun d'activités aux 150 associations du mouvement (en réalité aux 100 réellement actives). Des activités qui, en les maquillant à peine, entrent dans le champ de l'ESS puisqu'elles répondraient à deux objectifs : favoriser l'accès au logement des personnes défavorisées (compétences des Pact : maitrise d'ouvrage d'insertion, gestion locative sociale personnalisée…) et assurer le maintien dans les logements dans des conditions dignes (montages immobiliers et financiers…)
Ainsi, le maintien à domicile des personnes âgées répond au grand enjeu sociétal du vieillissement de la population. Il correspond à un choix des personnes elles-mêmes, et représente l'option la plus économe pour les pouvoirs publics par rapport au placement en Ephad. Mais le maintien n'est pas toujours la bonne solution : "Il s'agit parfois de relocaliser les personnes âgées dépendantes vers le centre-bourgs ou le centre-ville, pour leur éviter la souffrance de l'éloignement", souligne Bernard Lacharme, illustrant la plus-value de l'approche globale "Pact".

"Il y a une idéologie de la croissance chez les élus locaux"

La réhabilitation des logements, en plus de donner un logement décent aux personnes fragiles, participe à la valorisation (ou la revalorisation) d'un quartier de centre-ville ou de centre-bourg. Mais une "revalorisation qui maîtrise l'occupation", insiste Bernard Lacharme, attentif à éviter les processus de gentrification qui, de fait, chassent les personnes les plus pauvres vers des logements pas en meilleur état que ceux qu'ils avaient quittés avant la réhabilitation.
"Beaucoup d'élus locaux sont sensibles au parc ancien", reconnait Xavier Lannoy. Il constate également que "souvent, les élus sont davantage portés à développer des programmes de lotissement en périphérie plutôt que de regarder dans le parc existant pour loger des personnes, réhabiliter des logements en centres-ville, centres-bourg, aller vers un habitat plus économe". Plus économe en charges pour l'habitant mais aussi en espace.
"Il y a toujours une idéologie de la croissance chez les élus locaux : ma commune croît, elle a de nouveaux logements, de nouveaux habitants. Cela a créé de la démesure", estime Xavier de Lannoy, qui a adopté le slogan "la réhabilitation de la ville sur elle-même". "Les élus voient les gens qui viennent leur demander un logement, ils voient moins ceux qui vivent dans des passoires thermiques", a également observé Bernard Lacharme.

Ouverture à la société civile

Autre point souligné par Xavier de Lannoy et qui pourrait être utile à une future labellisation "ESS" : les opérations d'amélioration de l'habitat utilisent une maîtrise d'œuvre non délocalisable et participent ainsi à l'activité des entreprises locales de bâtiment. Enfin, question gouvernance, le président souhaite voir la Fédération des Pact "s'ouvrir davantage encore à la société civile".
Le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire, qui sera présenté mi-juillet en Conseil des ministres, comportera une définition du périmètre de l'ESS : "non lucrativité ou lucrativité limitée, gestion désintéressée, le fait de ne pas faire de la recherche des bénéfices l'objectif principal et unique d'une entreprise, la gouvernance démocratique", a détaillé Benoît Hamon fin mai (voir notre article ci-contre du 28 mai). Jusque-là, les Pact semblent dans les clous.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis