Dans les Deux-Sèvres, la « Tiny House » au service des jeunes en milieu rural (79)
Qu'ils soient apprentis, saisonniers, stagiaires ou en contrat court, les jeunes en mobilité professionnelle ont du mal à se loger en milieu rural. En Gâtine et dans le Bocage Bressuirais, l’association Un toit en Gâtine développe, à leur intention, une expérimentation d’habitat écologique et mobile : la « Tiny House Eco Cosy ».
« À l’origine du projet, il y a deux diagnostics jeunesse réalisés au début des années 2010, par les Maisons de l’emploi du Bocage Bressuirais et de Gâtine. Ils ont mis en évidence le manque d’offre d’habitat pour les jeunes sur les plus petites communes rurales de ces deux territoires du Nord Deux-Sèvres », explique Valérie Leloup, directrice d’Un toit en Gâtine. Cette association d’éducation populaire œuvre pour l’insertion via le logement, et est affiliée à l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (Unhaj). Autre constat posé : « La quasi-impossibilité, pour les collectivités locales, de créer pour ces jeunes des places d’habitat en dur, du fait des lourds investissements que cela nécessiterait. »
Qu’imaginer, alors, pour accueillir ces jeunes en mobilité professionnelle ? Au sein de l’association, la réflexion s’est engagée et l’idée a germé : « Pourquoi pas des "Tiny Houses", ces petites maisons en bois, mobiles et écologiques, construites sur remorque routière ? Cette solution permet d’amener le logement au plus près du lieu d'emploi ou de formation des jeunes et d’être réactif en cas de demande ponctuelle. Cela nous a semblé pertinent. Voilà l’idée à l’origine de l’expérimentation », poursuit la responsable associative.
Conjonction favorable, en octobre 2015 un appel à projet du Programme d’investissement d'avenir (PIA) en faveur de la jeunesse est lancé par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Les collectivités et les acteurs associatifs du secteur jeunesse du Bocage Bressuirais et du Pays de Gâtine unissent leurs forces pour répondre. Avec succès. Début 2016, l’association BoGaJe (pour Bocage Gâtine Jeunesse) est créée, pour gérer les projets du PIA. Et la mise en œuvre des projets peut s’engager, au premier rang desquels l’expérimentation des Tiny Houses.
Une jeunesse mobilisée
Un comité de pilotage, auquel sont conviés élus, entreprises, et jeunes, est créé, ainsi qu’un comité technique, chargé de la conception des six Tiny Houses prévues par l’association. « Une soixantaine de jeunes du territoire s’investissent dans le projet, aux côtés du charpentier et de l’architecte ou lors d’ateliers de sensibilisation à l’habitat écologique organisés sur le territoire. Sept d’entre eux s’engagent même dans le comité technique », explique Pauline Poupard, chargée de mission à Un Toit en Gâtine.
Le travail partenarial joue à plein. Des afterworks sont organisés avec les clubs d’entreprise. Et en 2018, un questionnaire est envoyé aux maires de toutes les communes du Pays de Gâtine et du Bocage Bressuirais, afin de recenser les terrains sur lesquels des Tiny Houses pourraient être installées. « Tous se sont montrés intéressés par le projet, et ont d’ailleurs, le moment venu, mis à disposition des terrains communaux et facilité, via l’intervention de techniciens municipaux, les branchements sur les réseaux, eau, électricité ou évacuation des eaux usées », souligne Valérie Leloup.
Déjà 14 jeunes locataires
Début 2018, quatre jeunes munis d’un livret de bord ont testé l’habitat en Tiny House, ultime phase d’ajustements techniques avant la mise en location effective d’une première maisonnette mobile, en juillet 2019.
Aujourd’hui, cinq Tiny Houses sont opérationnelles – la sixième sera prête en mai 2021 – et 14 jeunes de 16 à 30 ans en ont bénéficié. La demande de logement se fait auprès d’Un Toit en Gâtine, sur le même principe qu’une demande classique de résidence Habitat Jeunes, l’association se chargeant de déplacer, au fil du temps, les Tiny Houses à proximité des lieux de travail ou de stage des jeunes.
Pour chaque location, une redevance mensuelle de 400 euros est appliquée, mais, grâce à une subvention de la Caisse d’allocations familiales (CAF) des Deux-Sèvres palliant l’absence d’allocation personnalisée au logement (APL) sur ce mode d’habitat mobile, les jeunes hébergés ne paient que le résiduel (en moyenne 50 euros pour un apprenti, 150 pour un étudiant). Quant au préavis de départ, il n’est que de huit jours.
Le coût d’une Tiny House, meublée et équipée, avoisinant les 60.000 euros, des soutiens financiers ont été nécessaires. Outre l’apport du PIA – finançant la moitié de l’investissement sur la base d’un budget prévisionnel de 300.000 euros – plusieurs acteurs se sont investis : la caisse d'allocations familiales (CAF) des Deux-Sèvres (30.000 euros), la région Nouvelle-Aquitaine (63.000 euros), la Fondation de France (15.000 euros), la Fondation Sillon solidaire (30.000 euros), la Mutuelle sociale agricole (15.000 euros) …
Dynamique territoriale
« En ce moment, deux des Tiny Houses sont installées dans le petit village de Vausseroux, l’une est occupée par un apprenti charpentier, l’autre par une étudiante en stage de design d’espaces verts. Une autre Tiny House est à Airvault, dans le parc du centre socioculturel, elle est occupée par un jeune arrivant de Dordogne, en CDD à la communauté de communes d’Airvault. Il y en a une encore à Argenton-les-Vallées, occupée par un jeune en service civique à l’éco-lieu la Colporteuse. La dernière est à Saint-Loup-Lamairé, occupée par un étudiant en formation à la maison familiale rurale du village », détaille Pauline Poupard.
« Ce projet est un vrai plus, synonyme de dynamique territoriale. C'est une réponse aux difficultés de recrutement des petites entreprises et des artisans disséminés sur le territoire. Un moyen de pallier le manque d’offre d’habitat adapté aux plus jeunes en zone rurale, les logements à louer étant rares et pas toujours en bon état. Même les chambres chez l’habitant manquent », commente Pascal Bironneau, maire de Saint-Loup-Lamairé (987 habitants). Dans ce village, l’aire de camping-cars, en centre bourg du village, accueille une Tiny House depuis près d’un an. Un jeune en apprentissage y a logé neuf mois. Aujourd’hui c’est un étudiant… « L’intégration se fait très vite, les gens sont curieux. Conquis ! »
Un guide en préparation
Pour assurer le suivi et l’évaluation de ce projet expérimental, l’association Un Toit en Gâtine s’est associée avec le centre de formation continue (Cafoc) de Nantes. Objectif, explique Valérie Leloup, « faire de ce dispositif expérimental et complémentaire d’une offre de logements plus traditionnelle, un projet inspirant. Un guide est d’ailleurs en préparation, afin de faciliter la transposition du projet sur d’autres territoires ». Mais, d’ores et déjà, l’intérêt est là, ajoute-t-elle. « La Croix-Rouge française nous a contactés. Et des projets portés par le réseau habitat jeunes sont déjà en route, à Limoges et en Charente notamment. »
Une démarche écologique marquée
Construites, avec le soutien d’artisans locaux, par West Wood Tiny – une petite entreprise de Vausseroux fondée par Grégoire Désert, architecte, et Eddy Fruchard, charpentier – les six Tiny Houses mesurent 16 m2 au sol, et disposent d’une mezzanine avec un lit deux places. Composées de bois et de matériaux éco-responsables, elles sont synonymes de durabilité et d’isolation thermique et phonique, en été comme en hiver. Chauffage au gaz, toilettes sèches, douche, panneaux photovoltaïques, etc., elles sont meublées et tout équipées (machine à laver, micro-ondes, vaisselle…). La Tiny House ? « C’est petit mais confortable. Un cocon en somme », commentent les jeunes qui y ont logé.
Commune de Saint-Loup-Lamairé
Pascal Bironneau
Association Un toît en Gâtine
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