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Dans la machinerie de "25 lieux qui changent l’innovation en France"

Le guide "25 lieux qui changent l’innovation en France" dévoilé le 12 juillet 2022 au Hub des Territoires, à Paris, souhaite "initier un débat sur le rôle, l'organisation, les services, les modèles d'exploitation, les modalités d'ancrage immobilier et territorial de ces lieux".  

"Pourquoi aujourd'hui, dans un monde de plus en plus dématérialisé, avons-nous encore besoin de lieux physiques qui sont difficiles à construire, à gérer à organiser ?", interroge Jean-Louis Meynet de JML Conseil, en introduction de la conférence du 12 juillet 2022, organisé au Hub des Territoires, à Paris, et consacrée à la présentation du guide "25 lieux qui changent l'innovation en France". "Parce qu'il y a une essentialité dans la relation physique entre les gens et, à la faveur de la période post-Covid, nous savons que nous avons besoin de cela", tranche-t-il. "Nous traversons aussi des enjeux de transformations économiques, sociétales et tous ces lieux d'innovation racontent cela", contextualise le consultant avant de résumer le parti pris "non pas de faire un inventaire des 300 ou 400 lieux existants comme l'a déjà fait Banque des Territoires mais de faire des choix pour aller dans la machinerie de chaque lieu".

Ainsi, tous ces lieux ont en commun de vouloir participer à la dynamisation des écosystèmes. Dans des registres différents, "tous ont eu à traverser la crise sanitaire et puisent des ressources dans la qualité des communautés locales", peut-on lire en introduction du document co-rédigé par France urbaine, la Banque des Territoires, le groupe Patriarche et JLM Conseil. "Tous ces lieux sont aussi "des offreurs de service" et sont toujours "voulus en corrélation forte avec les collectivités, voire même peuvent devenir un élément de reconfiguration d'un site, comme par exemple l'Atelier des Capucins à Brest", a-t-on pu entendre lors de la rencontre du Hub des Territoires (lire notre interview ci-dessous). 

"Place de village", "agora"

Le panorama offert par cet échantillon de 25 lieux dévoile quelques enseignements. Ainsi, la surface moyenne des lieux analysés est de 7.300 m2, pour 14 personnes en moyenne par site pour les animer. "Même s’ils sont hétérogènes en taille, la masse critique nécessaire à l’agrégation de fonctions et d’espaces variés nécessite de la place, dans des opérations immobilières conséquentes", souligne le guide. Le document note qu'ils sont très majoritairement déployés dans des opérations de renouvellement urbain de sites industriels (60%) et historiques (16%) contre seulement 24% de sites neufs. À noter également que les investissements immobiliers sont très majoritairement consentis par le secteur public (collectivités locales, SEM…). Ces sites bénéficient tous d’un ancrage territorial et urbain de premier ordre : "Souvent parties prenantes ou catalyseurs d’une opération de renouvellement urbain d’ampleur, ils ont tous pour feuille de route de devenir un lieu ouvert, évènementiel, d’attirer un public varié dans une forme de 'centralité renouvelée'." Le vocabulaire de "place du village" ou "d’agora" est d’ailleurs assez régulièrement employé. Enfin, bien au-delà de la relation avec les collectivités, souvent financeuses au démarrage, le guide souligne que ces lieux d’innovation jouent un "rôle de boîte à outils de rencontres et d’initiatives hors des silos avec des acteurs dispersés sur les territoires : universités, écoles, associations ou collectifs, entrepreneurs, grands comptes du territoire". 

Cette sélection des 25 premiers lieux n’est qu’une première étape de la démarche qui a vocation à s’actualiser tous les deux ans, "en continuant d’enrichir le dialogue et l’analyse des facteurs clés de réussite et mais aussi des risques". Toute structure innovante qui souhaite valoriser son engagement en faveur du développement de la France de l’innovation, qu'il s'agisse de technopôles, clusters, accélérateurs, incubateurs, pépinières, hub, living lab, Satt, organismes de recherche, start-up", peut répondre à un cet appel à candidature

  • Alain Lelièvre, directeur général de l'Atelier des Capucins à Brest : "Il n'y a pas de règlement intérieur"

Localtis - Les Ateliers des Capucins à Brest figurent dans le guide "25 lieux qui changent l’innovation en France". Qu'est-ce qui fait la spécificité de ce lieu ?
Alain Lelièvre - L'idée générale du lieu, comme son nom l'indique, est d'être un atelier, donc un lieu d'expérimentation dans son mode de gestion, dans son occupation, dans à sa capacité à donner envie, donner à réfléchir… Je pense aussi qu'il est fortement inscrit dans la mémoire collective brestoise. Autrefois, c'était un lieu de construction navale militaire donc un lieu interdit au public. Sa réouverture a fait qu'il a donné à voir aux nouveaux habitants et également aux anciens. Nous avions gardé quelques outils emblématiques - un tour, une fraiseuse, une aléseuse. Nous souhaitions avant tout une appropriation du lieu par les habitants et éviter de faire quelque chose hors-sol. Il y a aussi une volonté de laisser libre court aux usages. C'est la raison pour laquelle, par exemple, il n'y a pas de règlement intérieur. Je pars du principe que les usagers sont des gens intelligents et qu'une régulation va se mettre en place entre eux spontanément. Notre rôle consiste plutôt à opérer une gestion des espaces entre les différentes pratiques.

Selon quel projet d’aménagement ce tiers-lieux "qualifié de plus grande place publique couverte d’Europe" a-t-il été conçu ?
Nous disposons en effet d'une place couverte de 10.000 mètres carré. C'est avant tout une place publique. C'est la raison pour laquelle tous les usages sont possibles. Seules les manifestations à caractère politique ou cultuel sont interdites. Au départ du projet, imaginez, vous récupérez 16 hectares de friches dont 35.000 m2 carré de bâtisse. Un cadeau empoisonné pour certains, un lieu d'expériences fantastiques pour d'autres ! Nous avions l'ambition de reconstruire un quartier dans une zone qui était un peu difficile en termes d'habitat, de sociologie, de trouver une mixité entre les habitants et de pouvoir lancer un vrai projet de territoire. Le projet d'aménagement s'est construit entre Brest Métropole, l'État, la région et le département. Les travaux d'aménagement se sont élevés à 45,5 millions d'euros, financés à 64% par la participation, 23% par des subventions et 13% par les recettes de cession foncière. Le budget de gestion est d'environ 2,1 millions d'euros. À titre de comparaison, celui du Centquatre à Paris est d'environ 20 millions d'euros.

Quels sont vos projets pour l'avenir de la structure ?
Une de mes envies serait de trouver une idée de coproduction avec le Centquatre, justement, ou la Friche de la Belle de Mai par exemple, et de faire tourner de belles expositions internationales dans ces lieux hors-normes. Nous sommes devenus un lieu d'attractivité qui a permis de donner un vrai souffle à la ville et à son développement du tourisme urbain. Nous pourrions aller plus loin sur le Grand Ouest et faire en sorte que ce lieu accompagne la métropole dans ses efforts d'attractivité. Nous devons aussi finir le remplissage de l'ensemble des cellules commerciales. Enfin, une salle de cinéma était en projet depuis longtemps, elle devrait arriver d'ici la fin de l'année 2022 et offrir cinq à six salles avec une programmation très familiale.

Propos recueillis par V.F.