Innovation et numérique : comment la smart city impacte les politiques publiques
Smart mobilité, smart waste (traitement des déchets) ou encore smart tourisme (culture, patrimoine, hébergement…) : la smart city imprègne l'ensemble des domaines d'intervention et des métiers des collectivités territoriales et entraîne une révolution des pratiques et des compétences. Dans ces enjeux forts, les collectivités sont accompagnées par la Banque des Territoires pour s’approprier les nouveaux sujets, au service des citoyens.
La smart city, un concept protéiforme
Bien que le vocable smart renvoie généralement au numérique, le concept de smart city ne se limite pas à l’intelligence artificielle, l’automatisation ou encore la data. Pour Jeanne Carrez-Debock, Responsable du programme Innovation territoriale et smart city à la Banque des Territoires, il s’agit d’une notion bien plus large : « La smart city englobe toutes les manières dont le numérique et l’innovation peuvent aider les collectivités locales à mieux piloter les politiques publiques, en réponse aux grands enjeux de leurs territoires ». C’est donc tout à fait logiquement que l’on y retrouve aussi bien des questions d’habitat que de transition énergétique, des sujets de mobilité ou encore de participation citoyenne. Autant de domaines dans lesquels la smart city peut apporter des bénéfices très divers :
- La création de nouveaux services, tels que des plateformes de mobilités partagées.
- L’efficacité des politiques publiques, à travers par exemple les smart grids grâce à des capteurs installés dans les bâtiments, les réseaux de gestion de l’eau, de l’énergie ou des déchets.
- L’amélioration de l’offre existante : l’analyse de données permet par exemple de s’assurer que la tarification d’un service public est attractive pour toutes les familles, quel que soit leur quotient familial.
- La résilience des territoires face à certains risques : ainsi, les outils smart permettent de détecter les îlots de chaleur ou de visualiser les bâtiments exposés au risque d’inondation.
- Le réenchantement des centres-villes : une analyse approfondie de la fréquentation des commerces permet de concevoir ou d’améliorer les services utiles aux riverains.
La smart city englobe toutes les manières dont le numérique et l’innovation peuvent aider les collectivités locales à mieux piloter les politiques publiques
Une transformation au service du citoyen
Un des enjeux de smart city les plus prégnants est sans doute celui de la participation citoyenne, car « une smart city est bien plus qu’une ville remplie de capteurs, c’est aussi une communauté qui s’appuie sur l’intelligence collective », précise Jeanne Carrez-Debock. De plus en plus, les collectivités sollicitent les citoyens pour imaginer la ville de demain, participer au budget municipal (« budget participatif ») ou recueillir des avis sur des projets impliquant les riverains.
La Banque des Territoires a ainsi pris des participations dans la start-up Cap Collectif, leader français de la CivicTech qui déploie des outils numériques afin que les collectivités puissent mieux associer leur communauté à la prise de décision. « Le numérique permet d’embarquer des publics qui n’ont pas l’habitude de se déplacer aux réunions de concertation. C’est une manière d’aller à leur rencontre », constate Aymeric Buthion, Responsable Marketing & Animation territoriale au Département des investissements de la Banque des Territoires.
Plus largement, il s’agit pour les collectivités d’adopter une vision « user-centric » (centrée autour de l’utilisateur), en partant des besoins de la population. Ce rapprochement entre collectivités et administrés mène parfois à des collaborations étroites, les citoyens étant mis à contribution pour signaler des dégradations ou, comme à Rennes, pour mesurer en temps réel la qualité de l’air.
Un nouveau rôle et de nouvelles compétences pour les collectivités
Le développement de la smart city n’est pas sans défis pour les collectivités, qui se retrouvent placées dans un rôle nouveau pour elles. En effet, le déferlement des trottinettes en libre-service dans les grandes villes ou l’explosion des locations Airbnb dans nombre de territoires ont placé les administrations publiques dans un rôle d’agrégateur ou de régulateur, et non plus exclusivement de pilote. « Elles ont pu être quelque peu déstabilisées au départ, mais trouvent petit à petit les moyens de s’adapter », relève Jeanne Carrez-Debock. Certaines collectivités ont ainsi signé des partenariats avec les opérateurs de nouvelles mobilités ou mis en place des chartes afin de réguler et fluidifier le trafic.
Nous sommes engagés dans une première étape pour ensuite accompagner les collectivités dans la formation de leurs équipes.
Ce nouveau rôle pose évidemment la question de l’évolution des compétences des acteurs territoriaux. Dans sa dernière étude sur les impacts de la transition numérique sur les métiers de la fonction publique territoriale, le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) souligne une transformation massive et rapide, mais aussi des avancées variables dans l’action territoriale.
Soucieuse d’accompagner cet enjeu, la Banque des Territoires a soutenu la démarche de la start-up d’État Pix visant à concevoir et à tester des parcours sur mesure d’évaluation des compétences numériques des agents : « l’évaluation est une première étape pour que les collectivités mettent ensuite en place des stratégies d’accompagnement au développement des compétences adaptées au niveau de leurs agents ».
La Banque des Territoires intervient également sur le sujet à travers des initiatives telles que Destination Data : cette plateforme recense les expérimentations menées en collectivité autour de la data. Une manière de partager les expériences et montrer qu’identifier les cas d’usage, collecter et structurer la donnée n’est pas toujours aussi complexe qu’il y paraît. Si seules quelques grandes métropoles commencent à rééquilibrer les relations avec leurs prestataires de manière à reprendre la maîtrise de leurs données, les « petites villes de demain » peuvent déjà accéder à de nombreuses données en open source (car issues du ministère de l’Économie, de l’Union européenne, de l’INSEE, etc.), structurées en datavisualisation par la Banque des Territoires.
Un appui multidimensionnel à destination des collectivités
La Banque des Territoires a réalisé à ce jour une vingtaine d’investissements dans le secteur de la smart city. « Qu’il s’agisse d’interventions en fonds propres ou en quasi-fonds propres, l’existence d’un cas d’usage ou d’un besoin pour les acteurs publics est le premier critère pour nos prises de participation », affirme Aymeric Buthion, dont l’équipe effectue aussi des mises en relation, à la demande des collectivités, avec des partenaires potentiels.
Des guides sont également proposés, sur des sujets d’actualité comme la digitalisation des commerces de centre-ville, la gestion de la donnée territoriale ou plus prospectifs comme les technologies immersives. « Nous donnons aux acteurs territoriaux des éléments pour nourrir leur intérêt et appréhender le sujet, mais aussi les informer sur les premières étapes ou le coût. Ce travail d’acculturation fait partie intégrante de notre rôle ».
L’existence d’un cas d’usage ou d’un besoin pour les acteurs publics est le premier critère pour nos prises de participation
Plus en amont, la Banque des Territoires accompagne les collectivités en finançant des études d’ingénierie. Une enveloppe de 50 millions d’euros a été mobilisée au service de l’innovation dans le programme « Action Cœur de Ville ». De l’ingénierie est également mobilisable par les villes bénéficiaires du programme « Petites villes de demain » : elle permet la mise à disposition de compétences ou le cofinancement d’études, dans le but de mettre en place une stratégie numérique autour de sujets tels que les mobilités intelligentes ou la digitalisation des commerces. Ce fonds a aussi permis des expérimentations ou des amorçages de projets, à l’image des tickets-commerçants à Laval ou des boutiques éphémères installées dans d’anciens conteneurs à Dunkerque.
La smart city ne constitue pas une politique publique en soi mais impacte l’ensemble des champs d’action publique. Dès lors, l’accompagnement proposé se veut suffisamment large et multifacettes, afin que chaque collectivité puisse trouver une réponse à ses enjeux.
Jeanne Carrez-Debock
Responsable du programme Innovation territoriale et smart city à la Banque des Territoires
Diplômée de l’EM Lyon et d’un troisième cycle en développement territorial à la Sorbonne, Jeanne Carrez-Debock rejoint en 2005 le cabinet EY en tant que consultante en développement économique. Entrée en 2011 à la Caisse des Dépôts, elle est désormais responsable du programme Innovation territoriale et smart city.
Aymeric Buthion
Responsable Marketing & Animation territoriale au Département des investissements de la Banque des Territoires
Après une formation d’aménageur-urbanisme, Aymeric Buthion s’est spécialisé dans la transformation numérique des territoires que ce soit au sein de la Direction Générale de la modernisation de l’Etat puis de la DATAR. Il a également participé au développement des filières industrielles en santé numérique et internet des objets au travers de l’initiative French Tech portée par le ministère de l’Economie.
Depuis 3 ans, il a rejoint la Banque des Territoires au sein du Département de la transition numérique de la Direction de l’investissement.