Crise du logement et fiscalité des résidences secondaires : le Sénat peine à trouver une réponse
Après de longs débats, les sénateurs ont, dans le cadre du PLF 2023, voté contre l'avis du gouvernement un "compromis" permettant d'"augmenter dans la limite de 25% la taxe d'habitation sur les résidences secondaires sans augmenter la taxe sur le foncier bâti". Ils se sont par ailleurs opposés au report de deux ans de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation.
Le Sénat à majorité de droite a tenté mardi 22 novembre, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, d'apporter une réponse à la tension du marché du logement en zones touristiques, sans convaincre le gouvernement.
"Ce sujet n'est que la suite d'une réforme (suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale, ndlr) non financée, bâclée, et que les collectivités doivent aujourd'hui, comme elle le peuvent traiter", a d'emblée affirmé le rapporteur général Jean-François Husson (LR). "Les Français ont peut-être fait des économies" mais ils "n'arrivent plus à se loger", a renchéri la centriste Annick Billon.
Le gouvernement a introduit dans le PLF (considéré comme adopté en première lecture par l'Assemblée) un article permettant d'élargir les "zonages" sur lesquels les communes sont autorisées à majorer de 60% la taxe d'habitation des résidences secondaires. L'objectif : offrir un levier supplémentaire aux communes où les populations locales peinent à trouver un logement à l'année, alors qu'il en existe qui sont rarement occupés. Le ministre chargé des Comptes publics, Gabriel Attal, a indiqué que "selon Bercy, 80% des communes" ayant droit à cette majoration ne l'utilisent pas.
Des propositions ont été faites pour aller au-delà en permettant de "décorréler" les taux de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et des taxes foncières, afin que l'augmentation de la première ne pénalise pas mécaniquement l'habitat permanent. Mais des sénateurs ont alerté contre un risque de "matraquage" des résidences secondaires. "Cette règle de lien, certes contraignante, permet d'éviter qu'une collectivité fasse peser la charge de l'impôt sur une catégorie particulière de contribuables", a expliqué Jean-François Husson. "Ce que nous demandons, c'est d'autoriser les collectivités à décider ce qui est bon pour elles en matière fiscale", a plaidé Patrick Kanner, patron des sénateurs PS.
Après de longs débats, le Sénat a finalement voté, contre l'avis du gouvernement, un "compromis" proposé par Philippe Bas (LR) pour donner aux collectivités une marge de manoeuvre limitée. "Il serait possible d'augmenter dans la limite de 25% la taxe sur les résidences secondaires sans augmenter la taxe sur le foncier bâti", a-t-il précisé.
Par ailleurs, afin de lutter contre la hausse des locations de type Airbnb, les sénateurs ont voté l'exclusion d'un abattement fiscal pour les micro-entreprises des contribuables qui "donnent en location au moins trois meublés de tourisme". "On voit que vous visez (...) ces investisseurs qui ont acheté plusieurs appartements et les mettent sur Airbnb", a répondu Gabriel Attal, reconnaissant un "sujet majeur". Mais "vous ne pouvez pas moduler (l'abattement) selon le nombre d'appartements", a-t-il poursuivi, évoquant un risque "constitutionnel". D'abord opposé à la mesure, le ministre a convenu de poursuivre le travail dessus, "mais si on se rend compte que c'est manifestement inconstitutionnel dans la navette (parlementaire), je pense qu'on le supprimera".
Les sénateurs ont également voté un report de trois mois, au 1er avril 2023, de la baisse prévue des avantages fiscaux du dispositif Pinel, qui doit disparaître totalement en 2024.
Et ce mercredi 23 novembre, le Sénat s'est par ailleurs opposé au report de deux ans du calendrier de révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, confirmant ainsi la position adoptée la semaine dernière par la commission des finances (voir notre article du 14 novembre). La loi de finances pour 2020 avait prévu la mise en oeuvre de leur révision à compter de 2023 pour une prise en compte en 2026 dans les bases d'imposition. Le gouvernement a retenu dans le projet de loi de finances pour 2023, lors de son passage à l'Assemblée nationale, un amendement MoDem décalant de deux ans ce calendrier, soit une prise en compte à compter de 2028. "Les élus locaux sont pourtant dans l'attente de la modernisation de leurs impôts", a souligné Jean-François Husson. "Ca fait des années qu'on parle de cette révision, si quelqu'un ne s'y met pas un jour, ça ne se fera jamais", a lancé Roger Karoutchi (LR).
Le Sénat a en revanche acté le report de deux ans de l'actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels, qui rencontre des difficultés techniques. Un report souhaité par les associations d'élus. Initialement prévue pour 2023, cette actualisation devrait donc intervenir en 2025.