Création de l’homicide routier : l’Assemblée vote à l’unanimité la proposition de loi
La proposition de loi créant l'infraction d'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière a été adoptée en première lecture, ce 31 janvier, par l'Assemblée nationale. Destiné à apporter une réponse aux familles et associations de victimes heurtées par le terme "d’homicide involontaire", ce texte de "re-qualification" pénale à visée symbolique comporte d’autres mesures concernant la prévention, les circonstances de l’accident et les sanctions qui lui font suite.
L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, à l’unanimité (par 160 voix pour, 0 contre et 24 abstentions à gauche), ce 31 janvier, la proposition de loi transpartisane créant l'infraction d'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière. Reprenant un combat de longue date des associations de victimes pour la suppression du terme "involontaire" s’agissant des homicides commis par suite d’un comportement délibérément imprudent du conducteur fautif, le texte s’inscrit dans le prolongement des annonces faites par le gouvernement à l’occasion du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni en juillet 2023. "L’idée est, somme toute, simple et de bon sens" a souligné Anne Brugnera (Renaissance-Rhône), co-rapporteure du texte aux côtés d’Eric Pauget (LR-Alpes-Maritimes) : faire évoluer la qualification pénale sans toucher aux quantums de peine qui prévoient déjà une gradation selon qu’il existe ou non des circonstances aggravantes. Ainsi sans circonstance aggravante, ces infractions demeureront qualifiées d’homicide involontaire et d’atteinte involontaire ; avec une ou plusieurs circonstances aggravantes, ces infractions seront qualifiées d’homicide routier et de blessures routières.
Nouvelles circonstances aggravantes et peines complémentaires
Cette évolution des qualifications pénales, rendues "autonomes et indépendantes" et dorénavant qualifiées d'homicide routier ou blessures routières, s’accompagne de plusieurs mesures concrètes. Certaines modifient le champ des infractions d’homicide routier ou de violences routières, pour y ajouter de nouvelles circonstances résultant d’autres formes de comportements à risques, et en particulier, la non-assistance à personne en danger, l’utilisation par le conducteur d’écouteurs ou du téléphone à la main et la consommation volontaire, de façon détournée ou manifestement excessive, de substances psychoactives.
En commission, les députés les ont complétées de l’infraction de refus d’obtempérer et de rodéo urbain. Ils ont en outre abaissé de 50 km/h à 30 km/h le seuil de dépassement de vitesse nécessaire pour constituer un homicide routier ou une blessure routière. Certaines peines complémentaires voient par ailleurs leur champ d’application - ou leur durée - élargi. Le texte systématise ainsi la suspension administrative du permis de conduire en cas de conduite sous l’emprise de l’alcool ou après usage de stupéfiants et double la durée de suspension encourue pour les professionnels chargés du transport de personnes. Il sanctionne plus sévèrement le conducteur qui cumule usage de stupéfiants et emprise de l’alcool, y associe la confiscation systématique du véhicule et fait passer de 6 à 9 le nombre de points perdus de plein droit.
Autre ajout en commission : le conducteur impliqué dans un accident de la route ayant causé un homicide routier ou des blessures routières avec une ITT supérieure à trois mois devra se soumettre à un examen médical dans les soixante-douze heures de manière à évaluer son aptitude à la conduite. Peu de modifications ont en revanche été introduites en séance.
Un coup d'épée dans l'eau?
"Bien sûr, cette proposition de loi ne résoudra pas tout. Mais elle est une étape importante pour lutter contre les drames routiers et pour renforcer la sécurité de nos concitoyens", s'est félicité Eric Pauget. "Ce texte, nous vous le devions" a insisté le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, en se tournant vers les tribunes du public. A la gauche de l’hémicycle les députés se sont, à quelques exceptions, abstenus y voyant essentiellement "un texte d’affichage", qui "sera presque sans effet", faute d’affronter "les vrais problèmes", dont celui de l’alcool, ont notamment tancé Jérémie Iordanoff (Ecologiste-Isère) et Frédéric Maillot (GDR-Réunion). "Est-ce que la justice sera plus efficace, et mieux disposée à condamner celles et ceux qui ont enfreint la règle et qui ont été dangereux en conscience ? Nous n’en sommes pas sûrs", a réagi la députée socialiste Marietta Karamanli (Sarthe) tout en partageant la préoccupation qui sous-tend ce texte.
Le proposition de loi doit à présent poursuivre son parcours législatif au Sénat.