Les députés examinent une proposition de loi créant l'infraction d'homicide routier
Les députés ont entamé en séance ce 29 janvier l'examen d'une proposition de loi transpartisane créant l'infraction d'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière. Le texte, adopté en commission le 23 janvier, a donné lieu à une quinzaine d'amendements. L'un d'entre eux vise à inclure le rodéo urbain parmi les circonstances aggravantes donnant lieu à la qualification d'homicide routier ou de blessures routières.
Rares sont aujourd'hui les textes législatifs à s'afficher d'emblée comme transpartisans. La proposition de loi créant l'infraction d'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, que les députés examinent dans l'hémicycle à partir de ce 29 janvier, fait partie de ces exceptions puisqu'elle compte parmi ses premiers signataires des élus de six groupes politiques différents, aux côtés de ses deux rapporteurs, Anne Brugnera (Renaissance-Rhône) et Eric Pauget (LR-Alpes-Maritimes). "Ce sujet de la violence routière nous mobilise toutes et tous, a souligné Anne Brugnera, lors de l'examen du texte en commission le 23 janvier. Dans nos circonscriptions, c’est quotidiennement que des drames de la route endeuillent des familles, brisant chaque année la vie de plus de 3.500 personnes en métropole et en outre-mer."
Au cœur du texte "se trouve un combat ancien des associations de victimes, a-t-elle rappelé : la suppression du terme 'involontaire' s’agissant des homicides commis par suite d’un comportement délibérément imprudent du conducteur fautif". Cette revendication a été intégralement reprise dans la dixième mesure recommandée par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni en juillet 2023. La création d’une infraction d’homicide routier ayant été annoncée par le gouvernement, les députés souhaitent à travers leur texte "en venir aux actes" et "inscrire cette évolution dans la loi", a expliqué la corapporteure.
Homicide ou blessures commis avec circonstance aggravante
Aujourd'hui, le code pénal distingue l’homicide involontaire commis par un conducteur selon qu’il est commis avec ou sans circonstance aggravante. Dans ce dernier cas, l’homicide résulte d’une maladresse, d’une imprudence, d’une inattention, d’une négligence ou bien d’un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité. Il s’agit alors d’un accident et l'homicide demeure un acte entièrement involontaire. La proposition de loi n'apporte donc aucune modification sur ce point.
En revanche, quand l’homicide est commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes et même si la mort est donnée sans intention de le faire, les auteurs de la proposition de loi jugent "difficilement acceptable de qualifier cette infraction de totalement involontaire, alors qu’elle a eu lieu dans des circonstances qui, elles, résultent bien d’un comportement délibéré du conducteur", estime Anne Brugnera.
Ces circonstances aggravantes sont aujourd’hui au nombre de six : la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité, la consommation d’alcool, l’usage de stupéfiants, le délit de fuite, la conduite sans permis, l’excès de vitesse de plus de 50 kilomètres par heure au-dessus de la vitesse maximale autorisée. "Dans ces six cas, il y a bien un acte délibéré du conducteur fautif (…), souligne la députée. Sans modifier le caractère involontaire de l’infraction, il nous semble donc logique que notre droit adopte des termes plus justes et plus précis, afin de tenir compte de l’aspect volontaire de la circonstance qui a conduit à cette situation dramatique."
L'intention générale du texte est donc de "créer une surqualification pénale permettant de mieux qualifier ces infractions, qu’il s’agisse d’homicide routier ou de blessures routières", résume-t-elle. Pour ces dernières, dès lors qu'il s'agit d'atteintes involontaires commises par un conducteur avec circonstances aggravantes, le texte crée deux nouvelles infractions autonomes et indépendantes : d’une part, les blessures routières ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à trois mois ; d’autre part, les blessures routières ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à trois mois.
Trois nouvelles circonstances pour les qualifications pénales
En plus de cette évolution des qualifications pénales, le texte crée trois nouvelles circonstances qui permettront de qualifier l’homicide routier ou les blessures routières : la non-assistance à personne en danger, l’utilisation par le conducteur d’écouteurs ou du téléphone à la main et la consommation volontaire de substances psychoactives. "Nous visons ici la consommation de drogues légales, soit du fait d’un usage détourné de ces produits – je pense au protoxyde d’azote (…) –, soit du fait d’un usage manifestement excessif, comme la surconsommation de médicaments, prescrits ou non par ordonnance, a expliqué Eric Pauget. Pour nous, que l’on se drogue avec des substances illégales ou avec des substances légales, le résultat est le même : la personne concernée s’est volontairement droguée et n’est pas en état de conduire."
En qualifiant les trois infractions d’homicide routier et de blessures routières, la proposition de loi prévoit les peines encourues à titre principal et comporte en outre un article précisant les peines complémentaires encourues par les personnes condamnées au titre de ces infractions. Ces peines complémentaires ont été élargies soit dans leur durée, soit dans leur champ d’application. "Par exemple, nous proposons de rendre possible la confiscation ou l’immobilisation du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, même lorsque ce véhicule n’est pas sa propriété, dans les cas où il a été laissé à sa libre disposition par le propriétaire du véhicule qui avait connaissance du fait que le condamné n’était pas en état de conduire – soit parce qu’il n’avait pas le permis de conduire, soit parce qu’il se trouvait en état d’ivresse manifeste ou avait consommé des stupéfiants ou des substances psychoactives", a détaillé Eric Pauget. Autre peine complémentaire : l’obligation d’installer sur son véhicule un dispositif antidémarrage par éthylotest lorsqu’on a été condamné pour un homicide routier ou des blessures routières en étant sous l'emprise de l'alcool.
Rodéos urbains et refus d'obtempérer parmi les circonstances aggravantes
Au cours de l'examen en commission, une quinzaine d'amendements, ont été adoptés, pour la quasi-totalité d'entre eux à l'initiative des deux rapporteurs. Les députés ont ainsi ajouté le refus d’obtempérer de même que le rodéo urbain parmi les circonstances aggravantes donnant lieu à la qualification d’homicide ou de blessures routiers. Ils ont aussi abaissé de 50 km/h à 30 km/h le seuil de dépassement de vitesse nécessaire pour constituer un homicide routier ou une blessure routière. Les conditions d’établissement de la liste des substances psychoactives concernées par la proposition de loi sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.
Autre amendement défendu par les rapporteurs, le dépassement d’au moins 50 km/h de la vitesse maximale autorisée devient un délit dès la première infraction et non plus seulement en cas de récidive, et éligible à la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle. La suspension administrative du permis de conduire suite à la constatation de l’infraction de conduite après usage de stupéfiants ou sous l’influence de l’alcool est systématisée et la durée des délais de suspension du permis de conduire lorsque les infractions constatées ont été commises par un professionnel en charge du transport de personnes sont doublés.
En commission, les députés ont encore aggravé les peines encourues et renforcé les peines complémentaires pour la conduite après usage de stupéfiants ou sous l’emprise de l’alcool. En cas de conduite après usage de stupéfiant cumulé avec l'emprise d'un état alcoolique, la peine encourue a été aggravée, assortie de la confiscation systématique du véhicule et du passage de 6 à 9 du nombre de points perdus de plein droit. Les députés ont aussi prévu de systématiser, en cas de constat par les officiers ou agents de police judiciaire d’une conduite après usage de stupéfiants aggravée par un état alcoolique, l’immobilisation et la mise en fourrière du véhicule dont l'individu s’est servi pour commettre l’infraction.