Covid-19 : un décret habilite les préfets à réquisitionner établissements et personnels soignants et médicosociaux
Un décret du 26 mars prévoit que le préfet de département est habilité à ordonner "la réquisition nécessaire de tout établissement de santé ou établissement médicosocial, ainsi que de tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement de ces établissements".
La mobilisation dans la lutte contre le coronavirus monte encore d'un cran, avec un décret du 26 mars 2020. Celui-ci complète le décret du 23 mars prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire (voir notre article ci-dessous du 24 mars 2020), lui-même instauré par la loi du 23 mars "d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19" (voir nos articles ci-dessous des 18 et 23 mars 2020).
Le décret du 23 mars instaurait, dans son article 12, la réquisition des stocks de masques de protection respiratoire détenus par les entreprises et "toute personne morale de droit public ou de droit privé", "afin d'en assurer la disponibilité ainsi qu'un accès prioritaire aux professionnels de santé et aux patients dans le cadre de la lutte contre le virus Covid-19". Le décret du 26 mars va nettement plus loin. Il ajoute en effet au décret du 23 mars un article prévoyant que le préfet de département "est habilité, si l'afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie, à ordonner, par des mesures générales ou individuelles, la réquisition nécessaire de tout établissement de santé ou établissement médicosocial, ainsi que de tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement de ces établissements, notamment des professionnels de santé". Cette possibilité de réquisition couvre donc non seulement les établissements de soins et les professionnels de santé, mais aussi les structures médicosociales et leurs personnels.
Jusqu’à présent, ce pouvoir de réquisition était réservé aux préfets de zone de défense et de sécurité, en cas de situation de crise ou d'événements d'une particulière gravité, quelle qu'en soit l'origine, de nature à menacer des vies humaines, à compromettre la sécurité ou la libre circulation des personnes et des biens ou à porter atteinte à l'environnement, et que cette situation ou ces événements peuvent avoir des effets dépassant ou susceptibles de dépasser le cadre d'un département.
Il aurait peut-être été possible d'invoquer l'article L.2215-1 du code général des collectivités territoriales, prévoyant qu'"en cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées". Mais, outre qu'il ne s'applique pas à l'Alsace, cet article ne vise pas la santé, mais la salubrité. Le décret du 26 mars a donc le mérite de la clarté, dans un contexte qui ne se prête pas aux approximations.
À noter : ce même décret prévoit également deux autres mesures. D'une part, il permet au préfet territorialement compétent, dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, de prescrire la mise en quarantaine des personnes arrivant sur le territoire après avoir bénéficié d'une dérogation à la suspension des vols entre la métropole et l'outre-mer. D'autre part, il précise les modalités – collégiales – d'administration de l'hexachloroquine.
Références : décret n°2020-337 du 26 mars 2020 complétant le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire (Journal officiel du 27 mars 2020). |