Covid-19 : les outils des entreprises en difficulté
Chômage partiel, plan de sauvegarde de l’emploi, rupture conventionnelle collective... pour faire face aux baisses d’activité engendrées par la crise sanitaire, les entreprises disposent de plusieurs outils. Encore faut-il les maîtriser pour agir vite sans perdre sa capacité de rebond.
"Le choc de la crise sanitaire a été absorbé en premier lieu par les finances publiques, en deuxième lieu par les entreprises, et en troisième lieu par les ménages. Cependant, nous avons assisté à des destructions massives d’emplois dans des activités non couvertes par l’activité partielle (journaliers, intérimaires). Et si l’activité repart aujourd’hui, le tissu des entreprises est pour beaucoup d’entre elles fragilisé et les prévisions concernant la croissance et les destructions d’emplois restent sombres." C'est le constat de Pierre-André Imbert, conseiller social du président de la République, lors d’un webinaire organisé mardi 7 juillet 2020 par le cabinet d’avocats spécialisé en droit social et droit du travail Flichy Grangé Avocats, et intitulé "faire face aux difficultés économiques et préparer le rebond".
Que doivent donc faire les entreprises concernées ? Ce webinaire a permis de faire le point sur les outils disponibles, qu’ils soient taillés sur mesure pour la crise sanitaire, ou plus anciens.
Une activité partielle revisitée
Premier outil : l’activité partielle. Massivement utilisée pendant le confinement, la mesure a été renouvelée pour la période allant du 1er juin au 30 septembre, en instaurant un petit reste à charge pour l’entreprise. Un nouveau projet de décret est en préparation : il vise à "permettre aux entreprises de gérer une sous-activité durable et/ou des conditions de productivité dégradées liées au mesures sanitaires", a expliqué le conseiller social d’Emmanuel Macron, résumant : "Il s’agit d’en finir avec la préférence française pour les licenciements. En 2009, nous avions connu une récession moins forte qu’en Allemagne, mais subi plus de destructions d’emploi." Concrètement, ce nouveau régime d’activité partielle de longue durée concernerait les salariés dont l’activité diminuerait d’au maximum 40%. "Cependant, a précisé Pierre-André Imbert, ce chiffre de 40% est une moyenne et ne s’applique pas à tout instant. Si jamais il s’avère que la diminution d’activité a été un peu plus importante, il sera possible de demander une exception à l’administration." La prise en charge de l’État atteindrait 85% du coût restant à la charge des entreprises et pourrait durer jusqu’à deux ans. Cela pourrait permettre au salarié de se former pendant la période de chômage. Ce dispositif ne pourra être actionné que si un accord collectif est conclu, soit au niveau de l’entreprise, soit à celui de la branche, définissant les contreparties en terme d’emploi et d’organisation auxquelles s’engage l’entreprise.
"Cependant, a noté Philippe Grabli, Managing Partner d’Oneida Associés, l’activité partielle ne s’applique qu’à certaines situations, même à l’intérieur d’une entreprise." Elle ne peut gérer que les baisses d’activité et non les arrêts purs et simples. D’où l’intérêt d’examiner l’intérêt des autres outils existants.
L’accord de performance collective
Premier d’entre eux, l’accord de performance collective (APC). L’ACP a pour but de modifier l’organisation de l’entreprise pour l’adapter à la situation conjoncturelle tout en préservant l’emploi. Cet accord peut prévoir des aménagements de la durée du travail, de ses modalités d’organisation et de répartition, des aménagements des rémunération – dans le respect cependant des minima de branche-, ou des conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Les clauses de l’accord se substituent aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Si le salarié s’y oppose, il peut être licencié ; il bénéficie alors d’un abondement exceptionnel de son compte personnel de formation. En revanche, ce dispositif suppose que l’entreprise puisse signer un accord collectif.
La rupture conventionnelle collective
Il en va de même pour le troisième outil disponible : la rupture conventionnelle collective. Celle-ci permet aux salariés qui remplissent les conditions déterminées par l’accord de quitter l’entreprise en touchant les indemnités de rupture au moins égales aux indemnités légales de licenciement. Cet accord doit être validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et déterminer le nombre maximal de départs envisagés. Toutefois, si cet outil est relativement souple, ce mode de rupture du contrat de travail ne peut être imposé par l’employeur ou par le salarié et le risque subsiste donc que les objectifs de réductions d’effectifs ne soient pas atteints.
Gestion des emplois
Le quatrième outil est la gestion des emplois et parcours professionnels (GEPP). Cette gestion des ressources humaines permet d’accompagner les changements dans l’organisation du travail d’une façon active, en développant les mobilités professionnelles, la formation, etc. La conclusion d’un accord GEPP permet également la négociation de mesures de transition professionnelle pouvant induire, à terme, des suppressions d’emplois, telles que le congé mobilité ou la transition emploi retraite, a rappelé Joël Grangé, Avocat Associé chez Flichy Grangé Avocats.
Plan de sauvegarde de l’emploi
Enfin, le cinquième outil est le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). C’est un dispositif lourd, assez long à mettre en œuvre et qui s’applique donc pour les restructurations profondes. Il est compliqué également de préserver des compétences clé dès lors qu’elles se trouvent dans des fonctions assujetties au plan.
Avant de choisir l’outil idoine, il convient également de réfléchir à son impact à long terme. "Il est important de préserver l’image employeur en interne comme en externe. Les plans de départ peuvent être catastrophiques pour la cohérence de l’entreprise", a souligné Éric Beaudouin, président d’Oasys Consultants, poursuivant : "On va passer d’un DRH un peu 'jongleur' qui aide à jouer une partition à un DRH jardinier dans une météo incertaine."