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Covid-19 : les forces de sécurité en première ligne et sur tous les fronts

Les forces de sécurité – police nationale et gendarmerie, polices municipales, sapeurs-pompiers… – sont en première ligne dans la "guerre" que le pays livre au virus Covid-19. Devant la difficulté d'être sur tous les fronts, elles réorientent leurs missions, au jour le jour et à tâtons, au gré des annonces de l'exécutif. 

Mobilisées. Logiquement, les forces de polices municipales font partie des rares services communaux encore ouverts*. Pour autant, ce n'est plus business as usual. "Nous réorientons les missions de nos services au jour le jour en fonction des événements, et en accord avec la direction départementale de la sécurité publique", explique ainsi à Localtis Olivier Geffroy, maire-adjoint d'Orléans, chargé de la sécurité et tranquillité publiques. "Nos forces sont actuellement affectées, entre autres missions, à la surveillance des magasins alimentaires, à titre préventif. Dans les prochaines heures, nous devrions les placer aux points clefs de circulation."

Le flou prédomine

La mairie a sollicité ce matin-même de la préfecture un arrêté afin que ses policiers puissent participer au contrôle du respect des mesures de confinement : "Compte tenu des forces dont nous disposons sur le terrain, cela me paraîtrait logique que nous puissions prêter main-forte dans ce domaine", explique l'élu. À l'heure où les autorités de l'État ne cessent de vanter le "continuum de sécurité", la démonstration semble plus que recevable. Reste que l'intervention des polices municipales en la matière ne va pas de soi. "En l'état du droit, les policiers municipaux ne sont pas habilités à procéder à des contrôles d'identité", nous répond le ministère de l'Intérieur, doutant également qu'un simple arrêté préfectoral suffise à leur octroyer de telles prérogatives. Le ministère reconnaît toutefois que toutes ces questions sont actuellement à l'étude. "Il est encore trop tôt pour donner des réponses", nous explique-t-on, confirmant indirectement que la mesure n'a sans doute guère été anticipée. "On l'a appris en même temps que tout le monde", indique d'ailleurs une source policière à l'AFP. À Dijon, c'est plutôt du côté du procureur de la République que l'on attend des éclaircissements, et le cas échéant un feu vert. "Une décision nationale serait tout de même plus appropriée", souligne toutefois Nathalie Koenders, première adjointe chargée notamment de la tranquillité publique. "Dans le doute, nos forces de polices se contentent de faire de la pédagogie. Nous avons aussi pris la décision de fermer parcs et jardins."

Confinement : 100.000 policiers et gendarmes mobilisés

Pour l'heure, une chose est certaine : "100.000 policiers et gendarmes" sont mobilisés pour tenir "des points de contrôle fixes comme mobiles, à la fois sur les axes principaux et secondaires, partout sur le territoire", a annoncé dès hier soir le ministre de l'Intérieur. Leur tâche risque de ne pas être aisée, alors que certains s'enorgueillissent encore d'aller au bar comme s'ils montaient au front. Olivier Geffroy, lui, ne se montre pourtant pas inquiet. "Les flux se sont déjà considérablement taris", constatait-il en tout début d'après-midi. À Orléans, sans doute. Dans d'autres villes, et notamment à Paris, c'était bien moins évident. Sans parler de l'application de la mesure dans certains quartiers où les forces de sécurité interviennent toujours avec difficultés. Ainsi, des sapeurs-pompiers lyonnais – et les policiers qui les escortaient – viennent une fois encore d'être victimes d'un guet-apens alors qu'ils intervenaient dans le quartier lyonnais de La Duchère, où certains habitants semblent avoir fort mal interprété le "Nous sommes en guerre" présidentiel. 
D'autres villes préfèrent d'ailleurs laisser cette mission de contrôle aux forces de l'État pour se concentrer sur la tranquillité publique, redoutant notamment que certains vautours profitent de ces circonstances exceptionnelles pour se livrer à des pillages dans des rues désormais désertées. 

Police de stationnement réduite

D'autres encore poursuivent leur office classique, notamment en matière de stationnement payant sur voirie. Ce qui est parfois mal compris : "A #larochelle la police municipale s'en fout du #COVID?19 la distribution de pv pour stationnement continue !" s'indigne une automobiliste sur twitter. Même son de cloche à Mulhouse, ville pourtant particulièrement touchée par le virus. "À cette heure, les règles en vigueur concernant le stationnement en ville restent de rigueur", soulignait hier à 22h30 le compte officiel de la ville, après l'intervention du Chef de l'État. Nombreuses sont toutefois les municipalités à avoir déjà rendu le stationnement gratuit (le stationnement gênant restant pénalisable), que ce soit "afin de contribuer à limiter au maximum les déplacements", explique Béziers, "pour encourager les habitantes et habitants à rester chez eux", indique Villeurbanne, ou "pour faciliter les déplacements prioritaires", comme l'avance Rennes Métropole. La mairie de Paris a elle aussi pris un arrêté instaurant la gratuité du stationnement résidentiel à compter du 16 mars, mettant entre autres en avant que la mesure est de "faciliter le télétravail" des Parisiens.

Nul n'échappe au virus

L'objectif est également de limiter les contacts, et donc la propagation du virus, parmi les agents, comme l'explique Olivier Geffroy : "Nous avons renvoyé tous nos agents de surveillance de la voirie publique chez eux. Ils seront le cas échéant appelés en renfort, notamment sur le centre de supervision urbain". L'élu précise en outre que "toutes les voitures sont équipées de masques et de gels hydroalcooliques et les agents doivent les laver fréquemment". Dans d'autres villes, les agents sont également tenus de laver leurs affaires – et de les sécher au sèche-linge – tous les jours.
Les forces de l'État ne bénéficient pas des mêmes équipements, les 100.000 fonctionnaires mobilisés pour contrôler les déplacements étant pour l'heure a priori dépourvus de masque.  "La montée en charge est progressive", nous a-t-on assuré place Beauvau, en précisant que "les mesures barrières" étaient régulièrement rappelées.
Pour autant, les forces de sécurité, en première ligne, ne sont pas épargnées par le virus. L'AFP fait ainsi état d'une "quarantaine de fonctionnaires testés positivement dans les rangs policiers depuis le début de l'épidémie". Selon l'agence de presse, 5.000 fonctionnaires de police auraient ainsi fait l'objet d'une mesure de confinement, à un moment ou à un autre, depuis la mi-février – décompte intégrant les policiers obligés de rester chez eux pour garder leurs enfants. Plusieurs "petites antennes locales de police" devraient prochainement fermer. "On conjugue la sécurité sanitaire des policiers et de ceux qui viennent dans les commissariats et les impératifs de la sécurité", fait valoir à l'AFP Michel Lavaud, chef de la communication de la police nationale. Qui elle aussi revoit ses missions. Priorité est ainsi donnée aux "affaires urgentes" comme les atteintes aux personnes, les violences conjugales – susceptibles de prendre un tour encore plus dramatique avec le confinement à domicile –, les agressions ou encore les accidents de la route. Il apparaît en outre opportun d'abandonner certaines missions, devenues vaines. Ainsi, par exemple, des reconduites à la frontière (et rétentions administratives), auxquelles s'opposent plusieurs juridictions, comme la cour d'appel de Paris ce jour, considérant "qu'en permettant la reconduite de l'intéressé dans son pays d'origine, il risquerait de provoquer, involontairement, un risque de pandémie dans sa patrie, sachant que les infrastructures sanitaires de son pays sont fragiles, ce qui mettrait en danger ses ressortissants".

* Avec la collecte des déchets, la gestion des eaux et d'assainissement, le service minimal d'accueil des enfants des professionnels de santé et les démarches d'état civil "fondamentales".