Coronavirus : le gouvernement multiplie les mesures, le pays au ralenti
Ecoles et autres accueils collectifs de mineurs, rôle des communes dans la "continuité pédagogique" à assurer, interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes, dispositions pour les salariés et les agents publics... Quelques informations retenues vendredi 13 mars au lendemain de l'allocution d'Emmanuel Macron... complétées par l'étape suivante posée samedi soir par la prise de parole Édouard Philippe.
Pas plus de 100 personnes : le gouvernement avait encore abaissé ce vendredi 13 mars le seuil maximal des rassemblements, nouvelle étape dans la série de mesures destinées à enrayer la propagation du virus, qui met progressivement la France au ralenti. Des millions d'élèves et d'étudiants vivaient vendredi leur dernière journée d'école avant des "vacances" forcées qui devraient durer au moins jusqu'au début du mois d'avril tandis que le gouvernement s'était employé à expliciter les différentes mesures de soutien à l'économie annoncées jeudi par Emmanuel Macron. Côté hôpitaux, le gouvernement a déclenché le "plan blanc maximal", ordonnant aux hôpitaux et cliniques d'annuler toute chirurgie non-urgente pour accueillir le maximum de malades du coronavirus, et ils disposeront pour cela de "tous les moyens financiers nécessaires". Et puis samedi soir, prise de parole du Premier ministre, qui annonçait notamment la fermeture quasi-immédiate de bien d'autres lieux recevant du public. A minuit, les lieux de vie du pays baissaient le rideau pour une durée indéterminée. Et il n'est pas exclu que des décisions venant durcir le "confinement" de la population soient prises dans les jours qui viennent.
Fermeture de tous les lieux "non indispensables"
Extrait de la déclaration d'Édouard Philippe le 14 mars au soir :
"En lien avec le Président de la République, j’ai donc décidé, jusqu’à nouvel ordre, la fermeture à compter de ce soir minuit de tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays. Il s’agit notamment des restaurants, cafés, cinémas, discothèques. Les lieux de culte resteront ouverts, mais les rassemblements et les cérémonies devront être reportés. Il s’agit également de tous les commerces à l’exception des commerces essentiels. Resteront notamment ouverts les magasins et marchés alimentaires, les pharmacies, les stations essence, les banques et les bureaux de tabac et de presse. Tous les services publics essentiels à la vie de nos concitoyens resteront évidemment ouverts. Les transports urbains continueront de fonctionner, mais j’appelle les Français à diminuer leurs déplacements, et en particulier à éviter les déplacements inter-urbains. Les opérateurs de transport publics vont progressivement adapter leurs plans de transports en ce sens.
(…) Nous devons impérativement limiter les déplacements, les réunions, les contacts. Cela s’applique dans les entreprises et les administrations qui doivent dès lundi et pour les prochaines semaines engager une action massive d’organisation du télétravail pour permettre au plus grand nombre de rester à domicile. Nous devons également soutenir nos personnels soignants : les médecins, les infirmiers, tous ceux qui contribuent aux soins, à l’hôpital comme en ville. Tout sera mis en oeuvre pour qu’ils puissent exercer leur métier. C’est notamment pour cela que les transports continueront à fonctionner et que nous garantirons la garde de leurs enfants. Pour les enfants de soignants, et seulement pour eux à ce stade, les crèches et les écoles organiseront lundi un accueil. (…) Progressivement, ce dispositif sera étendu à tous les enfants des personnels essentiels à la continuité de la vie de la Nation."
Un arrêté publié au JO ce dimanche 15 met en œuvre ces décisions.
Il précise notamment quels sont les établissements concernés :
- Salles d'auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple ;
- Centres commerciaux ;
- Restaurants et débits de boissons (le maintien de leurs activités de vente à emporter et de livraison est en revanche autorisé)
- Salles de danse et salles de jeux ;
- Bibliothèques, centres de documentation ;
- Salles d'expositions ;
- Etablissements sportifs couverts ;
- Musées.
Retour sur les décisions de jeudi soir et vendredi.
100 personnes
"Nous allons faire passer cette limite aux rassemblements de 100 personnes. L'idée c'est de faire en sorte que nous puissions ralentir la progression, la circulation du virus" et cette interdiction s'appliquera sur tout le territoire national et dès maintenant, a expliqué le Premier ministre sur TF1. "Cent personnes, ça veut dire évidemment des conséquences importantes pour les théâtres, pour les cinémas", a reconnu le chef du gouvernement. Interrogé à propos des mariages, il a répondu : "Notre objectif, c'est de protéger la santé des Français quoi qu'il arrive, mais c'est aussi de préserver la continuité de la vie de la Nation." "Il n'est absolument pas question de fermer les commerces alimentaires", ni "de fermer les transports en commun", a-t-il précisé.
La RATP et la SNCF ont toutefois prévenu vendredi soir d'une "offre réduite" de transport la semaine prochaine dans la mesure où certains de leurs personnels ne pourront pas travailler, notamment pour rester chez eux garder leurs enfants. "Une réduction de l'offre de transport" en Île-de-France "est probable compte tenu de l'absentéisme chez les opérateurs de transports avec la montée de l'épidémie", avait prévenu peu avant la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse.
Le casse-tête des écoles fermées
Interrogé sur la fermeture, à partir de lundi et "jusqu'à nouvel ordre", des crèches, écoles et universités, Édouard Philippe a expliqué qu'on "maintiendra ces mesures aussi longtemps que c'est nécessaire". "Notre ligne c'est que pour ceux qui doivent passer des concours, on devrait pouvoir les maintenir" et que pour le bac, "il faudra adapter les programmes".
Un peu plus tôt, le ministre de l'Éducation, Jean-Michel Blanquer, avait indiqué que les crèches et établissements scolaires devraient rester fermés au moins jusqu'aux prochaines vacances scolaires, qui débutent le 4 avril dans certaines académies, dont celles d'Île-de-France. En insistant aussi sur le fait que les élèves ne seraient pas vraiment en vacances car ils devront travailler.
Jean-Michel Blanquer et François Baroin, le président de l’Association des maires de France (AMF), se sont entretenus ce vendredi sur la mise en œuvre de "la continuité pédagogique dans tous les territoires".
Au-delà des écoles, collèges et lycées, "aucun accueil collectif de mineurs recevant plus de dix mineurs ne pourra également se tenir à compter du 16 mars 2020 et ce jusqu’à nouvel ordre, et tous les accueils avec hébergement prévus durant les vacances de printemps, quel que soit le nombre de mineurs accueillis, sur le territoire national et à l’étranger, devront être annulés ou reportés", soulignent-ils dans un communiqué commun.
Ils précisent aussi que "les locaux scolaires demeureront ouverts afin que les équipes éducatives puissent organiser le suivi des élèves et informer régulièrement les familles, notamment sur les modalités de connexion à la plateforme du Cned 'Ma classe à la maison'".
On saura en outre que "là où cela est nécessaire, les mairies et certaines écoles organiseront des permanences afin de transmettre aux élèves qui ne disposent pas d’un équipement adapté ou d’une connexion internet suffisante des ressources pédagogiques en format papier préparées par les professeurs". Comme l'avait indiqué le ministre dès jeudi soir, "l’ensemble des enfants des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire" pourront bénéficier d'un "système de garde exceptionnel". On saura à ce titre que "les personnels municipaux pourront participer à ce service d’accueil". Des outils d'information seront diffusés "dans les tous prochains jours" à l'attention des élus locaux.
Et la fonction publique ?
Tandis que des millions de parents se creusaient la tête pour tenter de concilier travail et garde d'enfants, entre congés, système D et télétravail, d'autres membres du gouvernement se sont attachés à rassurer. Les parents d'enfants de moins de 16 ans qui ne peuvent pas recourir au télétravail "ont droit automatiquement" à un arrêt maladie, sur demande de l'employeur, a indiqué la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ajoutant que l'État prendrait en charge "intégralement" le chômage partiel demandé par les entreprises pénalisées.
Le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, Olivier Dussopt, recevra ce lundi matin les syndicats et employeurs publics. Dans une lettre adressée le 11 mars au secrétaire général de FO Fonction publique, Christian Grolier, soit avant l'allocution d'Emmanuel Macron, le secrétaire d'État confirmait que les agents publics se verront bien appliquer un jour de carence en cas d'arrêt maladie lié au coronavirus. "Les agents publics en congé maladie après avoir contracté le coronavirus ne bénéficient du maintien de leur rémunération qu'à partir du deuxième jour d'arrêt de travail", explique cette lettre diffusée largement sur Twitter. Une circulaire de la DGAFP recommande par ailleurs d'octroyer des autorisations spéciales d'absence pour les agents concernés par les mesures d'isolement, ce qui permet de conserver la rémunération intégrale, mais il s'agit d'une simple recommandation. "Il faut un régime d'autorisation d'absence commun à tous les fonctionnaires et la suspension du jour de carence, a minima", a indiqué à l'AFP Baptiste Talbot, coordinateur CGT Fonction publique.
Face à la fermeture des crèches, des écoles, des centres de loisirs, des accueils, des bibliothèques, "les agents doivent avoir la garantie absolue du maintien de leurs rémunérations, primes, vacations", indique un communiqué de la CGT Fonction publique, qui "exige la publication d'un décret de toute urgence pour, au minimum, suspendre immédiatement l'application du jour de carence". La réunion de lundi a pour objectif de décliner "les décisions du président de la République dans les services publics" avec "un double objectif : mobilisation de tous et protection des agents".
Les CFA fermés au 16 mars
Dans la foulée de l’allocution d’Emmanuel Macron, la DGEFP a envoyé un courrier aux réseaux d’apprentissage pour leur annoncer que les mesures de fermetures s’appliqueraient aussi aux centres de formation d’apprentis (CFA) à compter du lundi 16 mars. Toutefois, les apprentis "devront rejoindre leur entreprise". Si leur entreprise est placée en activité partielle, la mesure leur sera appliquée également. Les CFA sont invités à recourir à la formation à distance. "Le coût contrat est maintenu et sera payé par les Opco. Les CFA n’auront donc pas accès à l’activité partielle", précise également le courriel. "Avec ces fermetures, les apprentis auront un retard de plusieurs dizaines d'heures sur leur programme de formation. Les CFA n'auront pas tous les moyens de rattraper ces manques", s’inquiète l’Association nationale des apprentis de France (Anaf). "Les CFA entraient également en pleine période de recrutement et de portes ouvertes. Les mesures appliquées aux entreprises risquent également de freiner le recrutement des apprentis."
"Reporter" les manifestations
Les manifestations ne sont pas interdites mais le gouvernement invite à les "reporter" systématiquement, a déclaré Christophe Castaner vendredi, après la décision d'abaisser de 1.000 à 100 personnes la taille limite des rassemblements. "Les mobilisations et les rassemblements dans la rue ne sont pas interdits car il ne faudrait pas laisser penser qu'au nom d'un motif sanitaire, le débat politique serait clos mais en même temps, j'invite chacun et chacune, et les préfets le feront systématiquement quand il y aura des déclarations, à reporter ces mobilisations", a détaillé le ministre de l'Intérieur.
La Commission mobilise un fonds de 37 milliards d’euros
Alors que le président français a appelé jeudi à un "plan de relance français et européen" pour faire face aux conséquences économiques de la crise de coronavirus, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a présenté dès vendredi un "paquet" de mesures urgentes, avec la création d’un nouveau "fonds d’investissement en réponse au corona" doté de 37 milliards d’euros. "Ce n’est pas seulement un défi sans précédent pour nos systèmes de santé, c’est aussi un choc majeur pour nos économies", a-t-elle fait valoir, précisant que d’autres mesures pourront être décidées en fonction de la situation.
En réalité, ce fonds ne repose pas sur de l‘argent frais mais sur la réallocation de 37 milliards d’euros de la politique de cohésion, dont 8 mobilisables rapidement. Ces 8 milliards seront des crédits que les États n’auront pas été en mesure de dépenser dans les temps et qui, plutôt que d’être renvoyés à Bruxelles, seront réinvestis pour faire face à la crise. S’y ajouteront 29 millions d’euros de fonds structurels déjà programmés pour la période 2014-2020.
La Commission entend également faire montre de souplesse dans l’application des règles sur les aides d’État afin de permettre aux gouvernements de prendre les mesures de soutien nécessaires aux entreprises en difficulté, et d’appliquer les clauses prévues par les traités permettant de déroger aux contraintes budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance en cas de situation exceptionnelle. Cette mesure vise tout particulièrement l’Italie, pays de l’UE le plus touché par l’épidémie. S’agissant des aides d’État, la Commission a reçu une première notification en provenance du Danemark, mercredi. Elle s’engage à répondre aux gouvernements dans un délai de 24 heures.
Bruxelles a également indiqué que 179 millions d’euros sont disponibles cette année au sein du Fonds d’ajustement à la mondialisation pour soutenir les employés licenciés ou les indépendants. Enfin, l’UE compte utiliser un milliard d'euros de fonds européens pour garantir, via le fonds européen d’investissement, jusqu'à huit milliards d'euros de prêts destinés à 100.000 entreprises européennes dans les secteurs les plus touchés.
La Commission va aussi assouplir l’application du règlement sur les créneaux aéroportuaires afin d’éviter que des compagnies fassent voler leurs avions à vide pour conserver leurs créneaux.
Toutes ces mesures doivent à présent être adoptées par les chefs d’État et de gouvernement et le Parlement. Un conseil doit se tenir les 26 et 27 mars pour en discuter.
M. Tendil