Covid-19 : la HAS donne la priorité au secteur médicosocial et préconise une vaccination en cinq phases
La Haute Autorité de santé (HAS) a rendu ses recommandations sur la stratégie de priorisation vaccinale contre le Covid-19, recommandations sur lesquelles le gouvernement a prévu de s'aligner. Les cinq phases consistent à élargir progressivement le cercle des personnes concernées, en commençant par les Ehpad et USLD, puis les personnes de plus de 75 ans et les professionnels du sanitaire et médicosocial les plus âgés ou fragiles, etc. Jusqu'à pouvoir toucher au final l'ensemble de la population adulte.
La Haute Autorité de santé (HAS) a rendu ses recommandations très attendues sur la stratégie de priorisation vaccinale contre le Covid-19 (ou plus précisément le Sars-Cov-2). Cet avis n'a pas de valeur contraignante, mais le gouvernement a déjà clairement laissé entendre qu'il s'alignerait sur les recommandations de la HAS. Le document d'une soixantaine de pages s'appuie sur une analyse de la littérature, une revue des recommandations étrangères, ainsi que les premiers résultats des modèles épidémiologiques. Un travail engagé par la HAS dès le mois de juillet dernier.
Des recommandations sous conditions
Le document de la HAS passe en revue toute une série de questions : objectifs du programme de vaccination, revue des facteurs de risque d'infections ou de formes graves, calendrier de livraison des doses de vaccins négociées par la France, estimation des effectifs des personnes relevant d'une vaccination, état des données cliniques disponibles avec les vaccins contre le Sars-cov-2, recommandations sur la priorisation des personnes à vacciner... Il débouche alors sur les "recommandations préliminaires sur la stratégie de priorisation des populations à vacciner", qui constitue le cœur de la démarche de la HAS et des attentes des pouvoirs publics.
Ces recommandations finales sont assorties d'un certain nombre de conditions, comme une balance bénéfice/risque des vaccins favorable dans les populations considérées. En outre "n'est pas priorisée à ce stade", en raison de leur faible inclusion (ou absence d'inclusion) dans les essais cliniques, la vaccination des femmes enceintes et des moins de 18 ans.
Trois "phases critiques d'approvisionnement"...
Sous ces réserves, la HAS préconise une stratégie en cinq phases. La première est la "phase initiale critique d'approvisionnement (dès la mise à disposition des premières doses de vaccins)", autrement dit avec un nombre encore limité de doses de vaccins. La première priorité est dépourvue de toute surprise, tant elle est répétée depuis plusieurs jours. Il s'agit en effet des résidents d'établissements accueillant des personnes âgées et des résidents en services de longs séjours : Ehpad, USLD (unités de soins de longue durée)... La seconde priorité de cette première phase est plus restreinte puisqu'elle concerne les professionnels exerçant dans les établissements accueillant des personnes âgées et présentant eux-mêmes un risque accru de forme grave ou de décès (plus de 65 ans et/ou présence de comorbidités).
Vient ensuite la "seconde phase critique d'approvisionnement". Elle vise le cumul de facteurs de risque, associant l'âge élevé et la présence de pathologies ou comorbidités pour lesquelles le risque de formes graves ou de décès attribuables au Covid-19 est établi. Ceci recouvre trois populations : les personnes âgées de plus de 75 ans (en commençant par les plus âgées/présentant une ou plusieurs comorbidités), puis les personnes de 65 à 74 ans (idem), puis les professionnels du secteur sanitaire et médicosocial âgés de 50 ans et plus et/ou présentant une ou plusieurs comorbidités, quel que soit le mode d'exercice (ce qui inclut les professionnels de santé libéraux).
La troisième phase critique concerne à nouveau trois catégories de population : les personnes à risque du fait de leur âge (50-65 ans) ou de leurs comorbidités non encore vaccinées, les professionnels des secteurs de la santé et du médicosocial non encore vaccinés et les opérateurs et professionnels des secteurs jugés "essentiels pour garantir le maintien de secteurs indispensables au fonctionnement du pays en période épidémique (sécurité, éducation, alimentaire, bancaire, transports)".
...et deux phases plus larges et moins tendues
A partir de là, les deux dernières phases ne sont plus qualifiées de critiques. La quatrième phase recouvre des cibles plus larges : les personnes vulnérables et précaires (SDF...), celles vivant en collectivité (prisons, établissements psychiatriques, foyers...) et non vaccinées jusqu'alors au vu de leur âge et de l'absence de comorbidités, les professionnels prenant en charge ces personnes vulnérables (dont les travailleurs sociaux), non vaccinés antérieurement, ainsi que les personnes vivant dans des hébergements confinés ou encore travaillant dans des lieux clos favorisant l'acquisition de l'infection (ouvriers du bâtiment, abattoirs...) non vaccinés antérieurement.
Enfin, la cinquième phase comprend les "autres tranches de la population susceptibles d'être infectées (18-50 ans) et non ciblées antérieurement", autrement dit le reste de la population hors mineurs et femmes enceintes.
On notera au passage que certaines catégories, pourtant nombreuses et souvent fragiles, ne sont pas citées dans ce phasage en cinq étapes. C'est le cas notamment des personnes handicapées.
Des recommandations complémentaires et une stratégie ajustable
En complément de ces recommandations sur le phasage de la stratégie vaccinale – et après avoir rappelé qu'elle ne préconise pas une vaccination obligatoire, –, la HAS formule également quelques préconisations. Elle insiste ainsi sur "la nécessité d'une information claire et accessible des publics à toutes les phases de mise à disposition des vaccins", condition indispensable – mais pas forcément suffisante – pour contrer les discours complotistes et anti-vaccins.
De même, elle recommande, durant les trois phases critiques, la mise en place d'un suivi de la distribution des doses, "afin de remobiliser autant que de besoin des doses vers des publics prioritaires". En revanche, elle ne formule pas, à ce stade, d'orientation de vaccination selon le statut infectieux vis-à-vis du Sars-CoV-2 des personnes susceptibles d'être vaccinées. Ses recommandations sur ce point prendront en compte les données disponibles ultérieurement. Enfin, la HAS "rappelle que ces recommandations préliminaires seront amenées à évoluer à mesure que de nouvelles informations seront disponibles" sur différents points.
Comme attendu, puisque ce n'était l'objet de la saisine, la HAS ne dit rien sur les modalités d'organisation et sur le calendrier de la vaccination, qui sont l'autre volet essentiel – et particulièrement complexe – de la stratégie vaccinale à mettre en œuvre.
Emmanuel Macron : la vaccination "grand public" entre avril et juin
Interrogé ce jour en marge d'un déplacement en Belgique, Emmanuel Macron a toutefois apporté de premières précisions sur le calendrier. Ramenant le découpage à deux phases, il a indiqué qu'"il y aura une première phase, qui commencera le plus tôt possible, qui sera très ciblée, réservée sur les publics les plus sensibles [a priori les phase 1 à 3 ou 4 de la HAS]. Il y aura une deuxième vague de vaccination, entre avril et juin, plus large et plus grand public", correspondant a priori à la phase 5 et peut-être 4 de la HAS.
Le chef de l'État a expliqué également que "la stratégie vaccinale sera déclinée nationalement. La Haute Autorité de santé a donné des recommandations. Nous aurons dans les prochains jours à décliner cette stratégie". Il s'est également voulu rassurant sur la disponibilité des vaccins, en affirmant que "nous avons agi en européens, nous avons réservé les doses", nous avons "les capacités de produire en Europe", "il y a une clé de répartition entre les États membres en fonction de la population".